La Grande Nomade a planté son chapiteau, posé son parquet de danse et garé son bus à l’impériale sur l’îlot U, 1 rue Django Reinhardt à Rennes, fin juillet 2022. Ce nouveau lieu hybride populaire et intergénérationnel entend s’adresser à tous les publics et à tous les arts dans le but de créer un espace de partage fédérateur. Première phase d’expérimentation d’un projet plus vaste, Unidivers a rencontré Christophe Le Gal La Salle, propriétaire du bar La Mie Mobile et de Jean-Michel Le Moal, régisseur, initiateurs du projet.

Le terrain de l’îlot U, dans le quartier de Beaulieu, loge de nouveaux habitants atypiques depuis fin juillet 2022. Dans cette zone particulièrement vide de toute structure culturelle, à l’endroit qui abritait encore récemment des gens du voyage, un génie jongleur, graffé par le Rennais Mya de l’association Asarue, ouvre la voie vers La Grande Nomade, nouveau spot hybride et populaire rennais. Debout ou assis sous son parasol à franches bleues, Philippe, bénévole retraité qui répond présent tous les jours, accueille avec bienveillance et sourire chaque personne qui franchit la clôture.

grande nomade rennes
Stéphane, le super barman, Jean-Michel Le Moal et Christophe Le Gal La Salle vous attendent du jeudi au dimanche à partir de 17 h.

À l’initiative de ce projet original ? Christophe Le Gal La Salle, propriétaire du bar La Mie Mobile et fondateur du Village d’Alphonse et Jean-Michel Le Moal, régisseur rencontré pendant un spectacle. « Le but du jeu est de construire un théâtre élisabéthain », comme souligne Christophe. Inspirée de son modèle suisse, La Tour Vagabonde, le seul théâtre élisabéthain montable et démontable qui existe, La Grande Nomade n’est que la première pierre d’un édifice beaucoup plus grand. Existant au temps de Shakespeare, ce théâtre montable et démontable est connu pour sa forme circulaire à deux étages avec une scène surélevée au milieu. L’emplacement des gradins permet un point de vue qu’on ne peut avoir dans un théâtre classique. « On veut absolument mettre une piste de cirque au milieu. Les spectacles de voltige seront magiques à découvrir pour le public », indique Jean-Michel. Christophe rajoute : « Ce qui nous intéresse c’est le nomadisme. » Au-delà de la création d’un nouveau lieu à Rennes, le binôme compte bien partir à la rencontre d’autres territoires bretons, faire connaître le Pays rennais au reste de la Bretagne et inversement. Dans un esprit que l’on pourrait rapprocher du théâtre forain itinérant, La Grande Nomade élirait domicile dans la capitale bretonne l’hiver et partirait sur la route tous les étés dans le but de créer du lien et de l’échange.

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Mais pour l’heure, cette aventure humaine et culturelle se développe en toute bienveillance, portée par l’envie de partage et de collectif impulsée par les deux initiateurs du projet. « Le lieu est géré par deux associations, La Grande Nomade pour la partie culturelle et notre partenaire La Mourchette pour la restauration », précise le propriétaire de la Mie Mobile. Définie à tort comme une guinguette seulement, La Grande Nomade espère devenir un tiers lieu festif et populaire intergénérationnel où l’on danse et on assiste à toutes sortes de spectacles, tous arts confondus : conte, chorale, concerts de musique, cirque, théâtre bien entendu. « On rêve d’une ambiance foraine donc on a fait venir un carrousel pour les enfants. » Le magnifique manège autrefois place Hoche a été loué à Régis Maclet, véritable orfèvre rennais et propriétaire de la quasi-majorité des manèges mis en place dans l’espace public et dans les centres commerciaux.

Le bus à impériale au fond du terrain sert de cuisine à La Mourchette et le bar, conçu d’une main de maître par le super barman Stéphane, abreuvera le public de boissons locales. Le chapiteau Scorpion abrite quant à lui une splendeur, un bal monté des années 80 avec un véritable parquet de bal et ces sièges violets, une véritable Dolorean à lui tout seul qui fait remonter dans le temps. L’idée est de faire voyager les gens, que ce soit avec le sous-marin du Nautilus du carrousel, le style des années 80 du bal monté ou le bus à impériale made in Nouvelle-Angleterre.

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Défenseur de l’économie sociale et solidaire, le duo veut également faire de ce lieu un endroit écoresponsable et authentique où l’on passe un bon moment sans se ruiner. « Le manège est payant, mais avant chaque fermeture, le dernier tour est gratuit, parfois même deux », précise Jean-Michel. La borne d’arcade en accès libre est prise d’assaut, un baby-foot arrivera prochainement et des jeux géants pour enfants pourraient bien s’élever un jour sur le terrain…

La Grande Nomade se veut aussi une vitrine pour les autres associations et structures rennaises et limitrophes. Un lieu de rassemblement et d’échange. « On se rend compte que la planète est en train de changer et qu’on doit changer notre mode de vie et on souhaite pouvoir donner l’exemple et le revendiquer », énonce Christophe. « On veut créer un vrai tiers lieu culturel, mais aussi militant pour défendre l’économie sociale et solidaire au travers des rencontres intergénérationnelles. » En contact avec une association qui s’occupe des petits lieux de spectacle, la Grande Nomade pourrait notamment être le lieu de leur prochaine rencontre. Elle accueillera également un marché de créateurs dimanche 28 août et la mutuelle Mutualia viendra parler de son bilan carbone et faire une fresque du climat au mois de septembre.

Lieu ouvert à tous les publics, toutes les cultures et tous les styles, la dimension intragénérationnelle est une des clés de voûte du projet. Les étudiants du campus de Beaulieu n’auront que quelques mètres à parcourir pour profiter de la plénitude que tend à offrir ce lieu et les seniors pourront profiter du magnifique parquet en bois pour faire quelques pas qui raviveront les flammes de leur jeunesse. « Les anciens sont super contents de retrouver un vrai parquet en bois. Ils nous demandent s’il y aura un bal musette, folk ou rock’n’roll. On veut être là pour eux aussi », commente Christophe. Chaque dimanche, un bal est d’ailleurs organisé et termine le weekend sur une note musicale. « Il est tellement confortable à danser. Il glisse, il rebondit, on a l’impression d’être dans des chaussons quand on danse là-dessus. C’est juste parfait. »

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Le véritable parquet de danse de la Grande Nomade attend son public chaque dimanche

Dynamisant le quartier Beaulieu par sa présence, le lieu est encore à l’état d’expérimentation pour quelques mois. Il est voué à évoluer, à s’étoffer et d’autres surprises arriveront au fil du temps. La forme changera probablement, mais l’objectif premier restera le même. Celui de l’appropriation des lieux pour son public. Jean-Michel et Christophe espèrent créer un lieu festif, mais surtout un endroit fédérateur et militant où l’on se sent bien. À l’instar de ce jeune homme de 20 ans, venu pour du bénévolat et qui s’est senti à sa place en apercevant le Nautilus dans lequel il a passé son enfance quand le manège était encore situé place Hoche. « En trois semaines d’existence, on a réussi à créer un univers, mais notre but est de donner une âme à ce lieu. Elle va émerger petit à petit », expose-t-il encore.

On n’a pas de subvention, mais on a beaucoup de la transpiration »

Christophe Le Gal La Salle

Sans subventions pour le moment, La Grande Nomade a été fortement soutenue par la Direction de quartier, Thomas Saglio, chef de projet pour Territoire public, et la Ville à qui l’association loue le terrain. Et contre toute attente, elle a déjà réussi à fédérer plusieurs structures et associations autour du projet. Parmi elles, les transports Gaudet ont aidé pour le mobile home qui sert de loge d’artistes ainsi que le parquet de bal. Spectaculaires est devenu partenaire en louant à très bon prix les lumières qui habillent le chapiteau. Quant à La Payotte de Saint-Jacut de la Mer, elle a aidé La Mourchette à obtenir le bus à impériale. « Pour un démarrage, une aide peut être utile. Si la Ville et d’autres organismes veulent nous aider, on sera très contents, mais dans l’absolu on aimerait s’autofinancer, que les gens se sentent impliqués. » La machine semble déjà en marche puisqu’une première amie à eux ramènera prochainement une cabane pour enfants et une seconde a apporté une porte pour les toilettes sèches.

En parlant de commodités, elles ont d’ailleurs aussi eu droit à un relooking. Zone de confort est venue apporter un peu de sa poésie en habillant l’extérieur de ses tapisseries. Des protections menstruelles sont à disposition à l’intérieur et prochainement, la photographe Céline Salin viendra décorer l’intérieur de ses photographies. « Elle a pris en photo les musiciens rennais dans les toilettes, au Mondo Bizarro, Ty Anna, etc. »

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Ouverte du jeudi au dimanche, la Grande Nomade propose une programmation éclectique chaque semaine et ce jusqu’au 10 octobre pour le moment. Elle espère prolonger l’expérience au-delà de la période automnale. « Un chapiteau a le droit d’être posé pendant trois mois sans permis de construire. Notre but est de perdurer donc on va faire des demandes de permis de construire pour continuer et être ouvert toute l’année.», nous apprend Jean-Michel. De futures idées de projet alléchantes émergent d’ailleurs déjà. « L’idée est aussi d’ouvrir aux artistes pour des résidences, des clips, des captations, etc. » Chaque concert et événement est enregistré par 25 images seconde qui se charge des captations vidéo avec cinq caméras. « Ca peut par exemple servir aux jeunes groupes qui aimeraient avoir des vidéos », précise Jean-Michel.

Accompagnée par l’incubateur d’entreprise Tag35, l’association a également fait partie de la même promotion que la guinguette La Basse Cour. Complémentaires dans les propositions, les deux lieux ont commencé à imaginer un festival qui réunirait toutes ces associations qui bordent la Vilaine. Le Jardin 564, dont Mya fait partie, pourrait être une halte de cette balade urbaine en bordure de rivière, « pour rassembler les lieux qui se ressemblent ».

« Un beau projet donne envie de donner de son temps et c’est ce qui se passe. »

Christophe Le Gal La Salle

Un dernier regard sur le génie jongleur de Mya avant de tourner les talons sur ce petit ovni qui vient de débarquer à Rennes suffit à voir le potentiel du lieu. Avec l’ouverture de ce lieu d’expérimentation, le premier souhait de La Grande Nomade a été exaucé, le second sera, vous vous en doutez, la construction du théâtre élisabéthain. Quant au troisième ? « Il est déjà prévu bien sûr, mais c’est encore un secret. Vous ne le saurez pas avant quelques années », conclut amusés les deux génies de la Grande Nomade.

La Grande Nomade, 1 rue Django Reinhardt, 35 700 Rennes, est ouverte du jeudi à samedi de 17 h à 1 h et le dimanche de 17 h à minuit.

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