exporama rennes

Exporama, le rendez-vous annuel de l’art contemporain à Rennes, revient au Couvent des Jacobins, musée des Beaux-Arts, Frac Bretagne, et La Criée, du 10 juin au 17 septembre 2023. Cette troisième édition aura pour expositions majeures Forever Sixties, l’esprit des années 1960 dans la collection Pinault, et Art is Magic, une rétrospective consacrée à l’artiste anglais Jeremy Deller. Regard sur des œuvres colorées et engagées. 

La Collection Pinault, la Ville de Rennes et Rennes Métropole renouvellent leur collaboration à l’occasion d’une exposition de quelque 80 d’œuvres de la collection réunie depuis 50 ans par François Pinault. Un vent so sixties, période charnière pour l’histoire de l’art et la société, souffle sur la troisième édition d’Exporama. Parallèlement aux quatre expositions majeures, une dizaine de galeries et centres d’art s’allient pour faire passer un été 100 % art contemporain aux publics rennais et de passage. 

Après « Debout ! » (en 2018, une expo très réussie mais un tantinet élitiste dans le propos) et « Au-delà de la couleur » (2021, touffue et mal distribuée malgré la présence d’oeuvres remarquables), une scénographie fluide, minimaliste, qui chahute en douceur les lignes élégantes de l’architecture du Couvent des Jacobins, accompagne du 10 juin au 17 septembre les visiteurs à la découverte des sixties, les années 60, dans une proposition toute en pédagogie.

Décennie traversée par de grandes guerres (guerre froide, Vietnam, Algérie, guerre des étoiles), libérée socialement par la révolution sexuelle en marche, elle est aussi l’écrin d’un changement radical dans l’histoire de l’art avec l’ascension du Pop Art (entre 1956 et 1968), véritable tournant sociétal et artistique qui détermine les décennies suivantes. Mais sous ses airs légers et populaire, la création de cette décennie était-elle seulement pop et multicolore ? Le mouvement fut le reflet d’une époque où se cachent des niches d’ombre et qu’il n’a cessé de questionner dans un vaste mouvement de déconstruction.

Forever Sixties résonne particulièrement avec la vague de contestations actuelle, « ce miroir en technicolore nous fait repenser le monde actuel », comme le souligne Emma Lavigne, directrice de la collection Pinault et co-commissaire de l’exposition. Cartographie de l’héritage des années 60, l’exposition donne à voir la manière dont les artistes se sont réapproprié les images de l’histoire traditionnelle et de la pop culture pour mieux déconstruire les mythes existant au milieu du XXe siècle. Portées par l’utilisation de nouvelles techniques expérimentées par les artistes, les couleurs pop servaient alors des sujets complexes.

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Reproductions de Richard Hamilton, Forever Sixties au Couvent des Jacobins, Rennes

L’exposition s’ouvre sur deux reproductions du Britannique Richard Hamilton et transporte le public dans les pensées et les problématiques de l’époque. Dans les deux collages composés de symboles de la société de consommation, l’inventeur du Pop Art en Angleterre confronte l’exaltation de tout ce qui fait les années 60 et l’horreur de la guerre du Vietnam. Deux images antagoniques réunies pour mieux souligner l’ambivalence de cette décennie charnière où se redéfinissent les bases du monde contemporain. L’histoire de cette société scindée en deux, entre euphorie d’un monde qui change et crainte face aux guerres qui embrasent la planète.

Également très engagée dans les conflits de la guerre au Vietnam, l’Autrichienne Kiki Kogelnik n’a jamais souhaité avoir le titre d’artiste pop, mais son œuvre parle d’elle-même. L’élève de René Magritte s’exprime picturalement et défend les luttes qu’elle soutient avec son art. Les couleurs vibrantes servent autant sa fascination des robots, de la conquête spatiale et les incertitudes d’un nouvel avenir axé sur la technologie que la révolution sexuelle et l’évolution des représentations du corps de la femme.

Parmi les artistes qui traitent de la femme, citons également la peintre belge Evelyne Axell dont la pratique convoque l’histoire de l’art pour parler de la femme objet et femme sujet. L’Odalisque d’Ingres devient ainsi un outil dans le but de détourner l’image fantasmée du corps de la femme. 

  • exporama kiki kolgelnik
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  • exporama evelyne axell

Le duo d’artistes Gilbert et George se sont quant à eux rencontrés à la St Martin School of Art de Londres en 1967, année durant laquelle l’homosexualité a été dépénalisée en Angleterre. « Date symbolique pour mettre leur corps en avant lors de performances de sculptures vivantes », précise Emma Lavigne. 

Leur art s’inscrit dans la volonté de démocratisation d’un art pour tous qui touche tous les artistes des années 60. Se considérant comme une seule et même personne, le couple se met en scène dans chacune de leurs œuvres avec l’envie de libérer une réflexion sur la société anglaise et d’évoquer sans tabou les excès, le sexe, la maladie et la mort. Comme un écho aux vitraux qui ornaient autrefois le couvent, leurs œuvres habitent l’espace du réfectoire avec beauté. 

Mouvement qui reflète une époque contrastée, le Pop Art instille un esprit critique et rebelle qui continue de posséder l’art contemporain, à l’instar du travail de Jeremy Deller dont Exporama accueille la première rétrospective en France. Héritier en quelque sorte des artistes du Pop Art dans son approche des images et son engagement, l’artiste londonien développe depuis les années 1990 une pratique qui évolue entre art conceptuel, performance, installation et vidéo, trouvant toujours sa source dans des sujets en prise avec la réalité sociale et politique.

L’exposition Art is Magic est divisée en trois lieux – le musée des Beaux-arts, la Criée centre d’art contemporain et le Frac Bretagne. Le point de départ de cette proposition d’envergure : en 1997, les rencontres Trans Musicales programmaient Acid Brass, un projet conçu par l’artiste qui faisait interpréter des morceaux de musique house et techno par une fanfare de cuivre. Les trois volets sont pensés de manière thématique et reflètent un pan de la pratique de Jeremy Deller. Toutes servent les sensibilités et centres d’intérêt de l’artiste : les contres-cultures, la musique populaire et les luttes sociales et sociétales.

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Jeremy Deller

Sans chronologie réelle, les trois institutions ont ainsi pris le parti de proposer un road trip, sans départ ni arrivée, dans lequel les expositions s’imbriquent les unes aux autres pour mieux appréhender l’œuvre de l’artiste londonien dans sa globalité. Œuvre riche et dense, elle est ancrée dans les enjeux politiques et sociaux anglais au moyen de vidéos, affiches, bannières, photos et dessins.

Le film documentaire Putin’s Happy, réalisé en 2019 par Jeremy Deller et Jared Schiller, clôture notamment l’exposition du musée des Beaux-arts dans un mélange de fascination et d’absurdité. Trois ans après le référendum pour lequel la population a voté la sortie du Royaume-Uni de l’Europe, des manifestations pro et anti-Brexit ont quotidiennement agité les rues du quartier de Westminster, à Londres. Encadrée par des bannières designées par Ed Hall, la projection de ce témoignage de la cacophonie ambiante cristallise les thèmes chers à l’artiste et sublime la dimension politique de son travail, toquant même à la porte de l’absurdité quand les théories du complot et autres sont exposées au grand jour par une des personnes interviewées.

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Jeremy Deller, musée des Beaux-arts de Rennes

Une cacophonie graphique qui se prolonge de manière organisée, tel un Tetris géant, dans l’installation all-over Warning Graphic Content à la Criée. Plus de 120 affiches que Deller produit depuis plus de trente ans s’offrent à la vue du public dans un joyeux pêle-mêle et forment une constellation des centres d’intérêts de l’artiste.

Au Frac Bretagne, un pan de mur de la grande salle est quant à lui habité par des œuvres de détenus, achetées pendant une vente aux enchères. Elles sont accompagnées d’une vitrine qui abrite diverses machines de tatouage artisanales récupérées de manière illégale grâce un employé de la prison. Symboles d’une contre-culture fortement marquée, ces dessins indélébiles sont le témoignage et la représentation d’un art corporel underground, aux multiples significations, qui vit dans les prisons.

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La présente rétrospective confirme la pertinence de l’œuvre de Jeremy Deller, notamment dans sa manière adroite de montrer certains visages du Royaume-Uni et son ancrage dans l’actualité. Reste que ces trois expositions dans trois endroits différents risque d’étouffer le propos malgré la qualité de l’intéressé.   

 

INFOS PRATIQUES

Exposition Forever Sixties. L’esprit des années 1960 dans la Collection Pinault, Couvent des Jacons de Rennes. Horaires d’ouverture : du mardi au dimanche, de 10h à 19h. Nocturne le mercredi jusqu’à 21h.

Exposition Art is magic, musée des beaux-arts de Rennes, 20 quai Emile Zola : du mardi au dimanche, de 10h à 18h.

Exposition Art is magic, Frac Bretagne, 19 avenue André Mussat : du mardi au dimanche, de 12h à 19h. Accès gratuit pour les moins de 26 ans

Exposition Art is magic, La Criée centre d’art contemporain, Place Honoré Commeurec : du mardi au dimanche, de 13h à 19h.

Afin de toucher le plus large public possible, la Ville de Rennes et Rennes Métropole proposent un accès gratuit à ces deux expositions pour les jeunes de moins de 26 ans, les personnes en situation de handicap et leur accompagnant, les titulaires du dispositif Sortir!, les titulaires des minima sociaux et les demandeurs d’emploi.

Un billet couplé donnant accès aux expositions « Forever Sixties » (Couvent des Jacobins) et « Art is magic » (Musée des beaux-arts, la Criée, Frac Bretagne) sera mis en vente. Plein tarif : 12 € / tarif réduit : 7 €.

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