lorenzaccio comp marius
© Quentin Lafont

La Comp. Marius présente son Lorenzaccio à Rennes pour les Tombées de la nuit. Du vendredi 7 au dimanche 9 juillet, dans le cadre somptueux du parc du Thabor, la compagnie belge installera son gradin de bois pour trois représentations de la pièce d’Alfred de Musset. Chef-d’œuvre du théâtre romantique français à faire pâlir un cinéaste hollywoodien, il sera adapté dans une mise en scène minimaliste qui mêle au texte de Musset celui de son amante qui l’a inspiré, Une conspiration en 1537 de George Sand.

Dans quelques jours, une drôle de construction va s’élever dans le parc du Thabor, au carré du Guesclin. Un gradin de bois pouvant accueillir 240 spectateurs, souvenir d’un autre temps où le théâtre se jouait à ciel ouvert. Il s’agit de la signature des Belges de la Comp. Marius, invitée par le festival Les Tombées de la nuit à présenter une nouvelle création, Lorenzaccio.

lorenzaccio comp marius
© Quentin Lafont

C’est la quatrième fois que la Comp. Marius vient poser son gradin à Rennes pour Les Tombées de la nuit. « C’est un festival où on sent une grande tradition et beaucoup de connaissances dans le travail avec les artistes. Ils font de vrais efforts pour trouver de beaux endroits où jouer et ils ne cherchent pas la solution facile, ils changent de lieu à chaque fois », déclare Waas Gramser, metteuse en scène et comédienne de la compagnie. Il faut dire que le parti-pris d’un théâtre hors les murs correspond tout à fait à la philosophie du festival rennais qui prend l’espace public comme une scène.

« Ça fait 25 ans qu’on travaille surtout hors les murs. On n’avait pas envie d’être enfermés », commence à raconter Waas Gramser. « On a découvert un monde. On aime être dehors toute la journée pour les répétitions. Quand on joue hors les murs, il y a toujours la réalité qui entre dans le spectacle, la météo, le passage, l’environnement sonore. Une salle est conçue pour exclure la réalité quotidienne. Hors les murs, on a vraiment embrassé l’imprévu de la vie quotidienne, la normalité. On aime que la vie continue, pour désacraliser le théâtre. On veut retenir l’attention du public par le jeu, le texte, l’usage de l’espace. Et pas s’appuyer sur le code formel de la lumière qui s’éteint où vous êtes supposés vous taire et nous, parler. C’est trop facile. »

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© Quentin Lafont

Pour Marius, le premier spectacle de la compagnie en 1999, un festival d’Anvers leur lègue un vieux gradin de cirque. La formule est adoptée et, en 2001, Waas Gramser et Kris Van Trier, à la tête de la compagnie, construisent de leurs propres mains un nouveau gradin. Puis un autre en 2009. En plus de fournir les sièges, la Comp. Marius avait pris l’habitude d’offrir un repas au public pour créer des moments d’échange, des respirations dans des représentations souvent longues de plusieurs heures. Ainsi, en 2019, pendant la représentation de La Trilogie marseillaise (4 h 30) aux étangs d’Apigné à Rennes, un dîner provençal était proposé au public. 

Cette belle tradition, malheureusement, se dilue aujourd’hui dans les baisses de moyens des structures organisatrices. Mais les représentations rennaises de Lorenzaccio à Rennes se solderont tout de même par un verre à partager entre public, comédiens et comédiennes. « C’est très important pour nous parce que ça permet de prendre la température, de voir si la pièce parle au public », affirme Waas Gramser.

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Et les comédiens et comédiennes belges auront les oreilles aux aguets pour ces dates rennaises, car il s’agit seulement de la deuxième série de représentations de cette nouvelle création. Elle sera présentée pour la première fois aux Nuits de Fourvière à Lyon du 24 juin au 1er juillet. C’est d’ailleurs le festival lyonnais, coproducteur du spectacle, qui a proposé cette pièce à la Comp. Marius. « Les festivals ont besoin de retrouver le public qu’ils ont perdu pendant le Covid. D’où le choix de ce texte vraiment inscrit dans la mémoire française », explique Waas Gramser.

La pièce de Musset séduit la metteuse en scène. « Il y a des éléments qui ne sont pas nouveaux pour nous, beaucoup de personnages, beaucoup de scènes ». En effet, s’il est des monstres sacrés au théâtre, Lorenzaccio en est un. Ses 36 scènes formant cinq actes, avec moult changements de décor et une foule de personnages, n’ont jamais été intégralement représentées. 

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© Quentin Lafont

Waas Gramser est aussi frappée par la modernité de la pièce, dont l’intrigue tourne autour du projet d’assassinat d’Alexandre de Médicis, tyran de Florence au XVIe siècle. Elle en résume ainsi le nœud philosophique : « ne pas savoir comment agir quand tu vois quelque chose qui n’est pas juste, parce que c’est trop grand. Tu vois que c’est une structure et pas seulement une personne qui fait que les choses ne sont pas justes ». Cette incertitude nourrit la vision cynique qu’a Lorenzo, le personnage central, de l’humanité : il ne croit pas en l’action collective et décide plutôt d’assassiner lui-même le tyran.

Un autre élément qui a plu à Waas Gramser, déterminant dans le choix d’adapter ce texte, est le personnage de la marquise de Cibo. « C’est une femme très libre, émancipée. Ce n’est pas une représentation classique de la femme. Il y a une scène avec elle qu’on a trouvée tellement remarquable qu’on s’est décidés à jouer cette pièce ». La Comp. Marius a l’habitude de jouer sur la représentation des genres, notamment par la technique du rôle travesti. « C’est quelque chose qu’on fait depuis 30 ans déjà. On a toujours été très peu d’acteurs pour beaucoup de rôles. Les hommes jouent des femmes et vice versa », explique Waas Gramser. Ainsi, c’est elle qui interprète le rôle principal. Un beau clin d’œil à la première personne à avoir interprété Lorenzo sur scène, elle-même adepte de travestissement, la grande Sarah Bernhardt, en 1896.

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© Quentin Lafont

La metteuse en scène sera de plus renforcée dans sa décision par la découverte que la pièce de Musset est basé sur un texte de sa célèbre amante, George Sand. Mécontente de sa pièce intitulée Une Conspiration en 1537, elle remet le manuscrit à Musset qui y puise son intrigue. Waas Gramser décide quant à elle de mêler les deux textes. Un choix aussi bien poétique — les mots des amants se trouvant entremêlés dans une œuvre nouvelle — que militant, puisqu’il rend justice au travail de la femme derrière le chef-d’œuvre de l’homme. Loin d’un collage artificiel, les deux textes se complètent, se nuancent parfois. Ainsi, Lorenzo, héroïque chez Musset, est tourné au ridicule chez Sand, ce qui donne l’opportunité aux comédiens d’un jeu plus naturel, jouissif. « Les héros ne nous intéressent pas, ce qui nous intéresse ce sont les choses humaines », affirme Waas Gramser.

Face au défi que représente la mise en scène d’une pièce qu’on croirait faite pour le cinéma, la Comp. Marius fait le choix d’une « minimisation des codes et contraintes théâtrales ». C’est « un essai de purifier jusqu’à zéro ce dont on a besoin pour jouer ce texte », explique Waas Gramser. Ainsi, cinq comédiens et comédiennes incarnent trente personnages, en changeant quelques accessoires pour marquer la différence. « Tout va être clair », rassure la metteuse en scène, « parce que le travail pour moi c’est avant tout de faire résonner le narratif. Tous les choix sont faits pour faire résonner le texte ». La scénographie sera aussi minimaliste : « deux tabourets, trois chaises, un lit et deux fauteuils en bois », liste-t-elle. « Je ne parle jamais de décor mais d’usage de l’espace. Pour faire appel à l’imaginaire du spectateur. Si tu expliques tout, que tu montres tout, le public n’a rien à faire. » Une conception finalement assez proche de celle de Musset, qui théorisait l’idée d’un « spectacle dans un fauteuil », c’est-à-dire du théâtre écrit pour être lu plutôt que représenté.

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© Quentin Lafont

Se débarrassant des oripeaux du théâtre, décors et costumes, Waas Gramser, et la Comp. Marius avec elle, prône l’autonomie du comédien. « Toutes les étapes dans un processus artistique (le choix du texte, l’adaptation, la traduction, la répartition des rôles, l’usage de l’espace, le ton) sont des décisions partagées avec les acteurs », confie-t-elle. Avant d’ajouter : « la force de notre théâtre c’est que le public peut sentir qu’on est liés dans l’histoire par nos choix. C’est la source de l’imaginaire : voir des gens qui sont vraiment impliqués à tous les niveaux ».

Alors, à quoi s’attendre pour cette mise en scène de Lorenzaccio ? « À une histoire abondante, claire comme de l’eau de roche, drôle, belle, dynamique, fine, humaine. Avec des personnages aussi tragiques que comiques. Comme tout le monde, finalement », répond Waas Gramser.

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© Quentin Lafont

Infos pratiques

Vendredi 7 juillet 2023
21:00 > 23:20
Parc du Thabor, Carré Duguesclin, Rennes
Samedi 08 Juillet 2023
21:00 > 23:20
Parc du Thabor, Carré Duguesclin, Rennes
Dimanche 09 Juillet 2023
21:00 > 23:20
Parc du Thabor, Carré Duguesclin, Rennes
2h20
10€ / 4€ Sortir ! — Tarif Sortir ! > Uniquement à la billetterie du festival (Le Liberté) et à Destination Rennes-Office de Tourisme, sur présentation d’un justificatif.
Métro ligne A : République. Bus 44, C3 : Arrêt place Pasteur

Billetterie

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Jean Gueguen
J'aime ma littérature télévisée, ma musique électronique, et ma culture festive !

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