Cinquante spectacles pour la saison 2018-2019 ! Voilà ce qui attend le public en cette nouvelle rentrée du Triangle, la cité de la Danse de Rennes. Scène conventionnée d’intérêt national « Art et création » pour les années 2019 à 2021, le Triangle a conçu une programmation pour le plus grand nombre. Des artistes qui récidivent (certains pour la dernière fois : Latifa Labissi, Blosne mode d’emploi) aux nouveaux arrivants, le directeur du Triangle Charles-Édouard Fichet nous livre les facettes d’une programmation 100 % danse. Découvrez l’entretien à la suite du programme.

le triangle cité de la danse programmation 2018-2019

« La saison ne peut mieux s’expliquer que par les mots récit et sensible »

Unidivers : Pour cette nouvelle saison, le Triangle réactualise son projet pour les trois années à venir en conservant les formes artistiques : danse, littérature et arts plastiques. Comment cela se traduit-il dans la programmation ?

Charles-Édouard Fichet : Le Triangle est scène conventionnée danse depuis la fin des années 90 par section de trois ans. Dans les faits, le ministère de la Culture conventionne un projet qui est porté par le directeur de la structure. Officiellement, nous allons agréger la question de la littérature et d’arts plastiques avec les singularités qui les porte. La littérature doit servir de support à d’autres formes artistiques. D’autant que dans l’objet-livre en tant que tel dévoile quelque chose qui est à plat. Nous sommes sur un aplat qui est certes beau, mais qui ne révèle rien tant que nous ne l’avons pas sorti de son volume – soit par l’imaginaire, soit par la mise en scène, la lecture publique, la chorégraphie, etc. Cela signifie pour moi que nous n’avons pas vocation à éditer ou distribuer les livres, mais plutôt à faire vivre la littérature, à lui donner un sens autant politique que vital, avec toujours cette idée de croiser la littérature, les arts plastiques et la danse. L’engagement du Triangle se trouve réellement dans la danse avec une sensibilité particulière pour la danse contemporaine.

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Unidivers : Un fil conducteur qui se lit-il dans la programmation de cette nouvelle saison ?

Charles-Édouard Fichet : Pas réellement. La programmation n’est qu’un outil et non une finalité. Elle organise les choses, fixe des dates et des rendez-vous où nous plaçons des artistes avec qui nous avons une histoire. L’idée de récit me plaît particulièrement : quelque chose d’ininterrompu qui prend sa source au plus lointain de la danse ou d’autres formes artistiques, mais aussi au plus lointain de l’existence d’un lieu. Une histoire se raconte. Cette image est importante, car elle raconte également comment monter une programmation. Si nous étions des programmateurs stratèges avec comme seul but de faire venir du public ou de gérer une entreprise artistique, nous ferions de la programmation pure et simple. Des rencontres avec des artistes se font sur plusieurs années au Triangle. Elles aboutiront ensuite à une création, des sensations, des rencontres, des formes et des ateliers. Ce processus vient se placer naturellement dans un programme.

Il y a également des impératifs comme celui des formes artistiques différentes à exploiter : arts urbains, Hip Hop, l’envie de faire du grand art familial avec les ballets. Le Triangle essaie de tenir compte de tout cela dans sa réflexion. Nous soutenons également des œuvres et des artistes. Nos nombreuses discussions et rencontres nous amènent à composer une saison. Une fois que toutes les idées ont été mises bout à bout, nous pouvons nous rendre compte des manques ce qui va nous mener à de nouvelles recherches jusqu’à aboutir à une programmation équilibrée, pour tous, à l’image que l’on se fait des formes artistiques et de l’esthétique.

« La programmation prend en compte un niveau de culture que l’on a envie de transmettre et de partager, qui correspond aux créations d’un Art régional afin que les artistes bretons trouvent une place dans le lieu »

Tout ce questionnement engendre un récit. À partir du moment où il est possible de raconter une histoire, nous nous trouvons dans une forme évolutive, jamais en arrêt. C’est un cheminement. Nous avons par exemple rencontré un artiste aujourd’hui qui propose un nouveau projet et viendra en octobre de l’année prochaine si tout se passe bien.

Unidivers : Quelle place pour le jeune public dans cette programmation ?

Charles-Édouard Fichet : La proposition d’événements au jeune public fait parti des impératifs d’une programmation. Nous ne pouvons proposer au jeune public les mêmes propositions qu’aux adultes. Nos efforts se concentrent alors dans la recherche de compagnies qui s’adressent justement à ce public avec le niveau que l’on attend. Un niveau qui correspond à l’idée que l’on se fait des formes artistiques transmissibles. Nous avons par exemple accueilli Gilles Rousseau l’année dernière pendant quinze jours dans le cadre de la construction de l’arbre à Pixels.

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Le Triangle a également proposé un partenariat avec la Compagnie a.a.O dans le cadre du festival Marmaille (19 et 20 octobre 2018) ou la Compagnie La Libentère pour les + de 2 ans (mercredi 19 et jeudi 20 décembre 2018).

Unidivers : Les Transmusicales, le TNB… quels sont les partenaires – anciens et nouveaux – de cette année ?

Charles-Édouard Fichet : Afin de mieux répondre, je vais commencer par parler du festival Agitato. Il a traditionnellement lieu en juin, mais quand les professionnels rencontraient les artistes après la fermeture du mois de juin, le bouclage de la saison était déjà terminé. Ils ne pouvaient donc plus accueillir les nouveaux artistes et les nouvelles œuvres que le Triangle proposait. Afin de faciliter la visibilité et la diffusion via les différents réseaux de ces créations et des invitations faites à destination d’un public de professionnels a été avancé en février. Pour cette première partie nous serons en partenariat avec Danse à tous les étages pour le tremplin jeunes artistes et avec le collectif Réservoir danse au Garage. À cela s’ajoute, le nouvel événement la Tablée Fantastique (le 15 juin 2019) qui accueille des artistes sur un rendez-vous plus festif en lien avec le quartier. Les deux étaient auparavant réunis, dorénavant ce sera différent. Ce qui ne signifie pas que le festival Agitato n’est pas convivial pour autant. Il y a toujours un piège à dire que la programmation est pour tous, qu’un spectacle est plus convivial qu’un autre.

« Tout le monde est en capacité de voir, d’entendre et de bien vivre ce qui est proposé au Triangle »

Tout dépend ensuite des dispositions que l’on a. Un ancien président de la République avait par exemple dénoncé le livre la Princesse de Clèves de Mme la Fayette comme le livre le plus ennuyeux de la Terre. Pour lui peut-être, mais ce n’est qu’une question de point de vue. Nous insistons sur le fait de proposer une activité pour tous, il faut cependant vaincre des timidités, des inhibitions et des idées préconçues.

Un partenariat avec le festival Travelling a également été mis en place, car le festival se déroule sur les mêmes dates. Nous avons rencontré l’association afin de voir ce que nous pouvons proposer sur le film et la danse. Nous sommes tombés d’accord sur de la danse filmée en 360°, une proposition assez originale.

Des partenariats anciens comme le TNB sont bien entendu présents. Ce qui était à la base une occupation de l’espace est devenu un véritable partenariat. Mettre en scène s’appelle dorénavant le festival du TNB. Le Triangle reçoit trois spectacles dans ce cadre : Amala Dianor (du 15 au 17 novembre 2018), Marlène Monteiro Freitas (jeudi 22 et vendredi 23 novembre 2018) et Germaine Acogny (le 3 et 4 avril 2019). Ce partenariat permet de conjuguer un public plus étendu, un événement fort et rend la danse visible. D’une manière désintéressée, nous soutenons la danse dans cet échange de compétences. Germaine Acogny est une danseuse sénégalaise de 74 ans, une grande figure de la danse au Sénégal.

La réflexion du récit est une nouvelle fois présente ici. Dans la partie dont je m’occupe au Triangle, j’ai toujours abordé la question de la relation avec la danse d’Afrique, particulièrement avec le Cameroun ces dernières années. À chaque fois que j’ai rencontré des danseurs au Niger, au Cameroun, au Burkina, le nom de Germaine Acogny et de son école – l’école de Sables au Sud de Dakar – revenaient. C’est à cet endroit que tout semblait se jouer. Certains l’appelaient même « maman Germaine », son école représente en quelque sorte la Mecque de la danse en Afrique. Tout cet engouement autour de cette personne m’a poussé à la rencontrer, une fois à la Villette à Paris et une seconde fois à Dakar. Par la suite, des conventions entre l’école des Sables et le Triangle ont été établies. L’inviter à la Cité de la Danse s’est imposé, mais composer avec une histoire de 50 ans de danse – voire plus – n’est pas une mince affaire. Tout est réuni dans ses spectacles : danse, vidéo, son, texte… une véritable armée. Le partenariat avec le TNB permet ce genre d’invitation, ce serait compliqué pour le Triangle seul, mais le directeur du TNB Arthur Nauziciel a accepté tout de suite.

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Le partenariat avec les Transmusicales est également une tradition. Tous les ans, pendant les jours du festival, nous accueillons des spectacles de Hip Hop de très grande qualité. La chorégraphe Bianca Li sera présente les 7 et 8 décembre pour un spectacle de danse électro.

Unidivers : Quelles sont les formes artistiques qui s’intégreront aux changements urbains que va subir le quartier du Blosne cette année ?

Charles-Édouard Fichet : Être conventionné signifie nouveau projet et en ce moment même, je me penche sur la rédaction de ce nouveau projet qui va traiter de la question du sensible. C’est-à-dire une réflexion qui constamment relie, s’approprie et change, comme une vitalité permanente entre ce qui est dehors et dedans. Quand nous définissons l’espace, nous nous demandons si la salle de théâtre est le seul endroit où une expérience du sensible se passe alors qu’au final, il se trouve partout. Quand l’esplanade de la Rambla sera investie le 15 juin, elle ne sera pas seulement investie par la danse, mais également par les arts plastiques. La Cabane devant est une forme plastique et les fresques que l’on va apposer au sol également.

L’espace sera envahi de choses visibles, durables, mais des textes seront également lus, on va y danser et exploiter tout l’espace. Se faisant, on va amener l’art dans l’espace urbain et l’espace urbain va également nous renvoyer quelque chose. C’est ce que j’appelle le don et contre don bien que ce soit une formule employée à l’école de commerce. Pendant des années, nous avons pensé que le cœur battant d’un lieu culturel comme le Triangle était la salle de spectacle.

« Aujourd’hui, nous évoluons vers des directions différentes, on passe certes par la salle de spectacle, mais c’est plus l’endroit majeur. Tout doit vivre : ce qui se dit, ce qui se crée et ce qui se pratique »

Le public n’est pas le même non plus donc l’approche est différente. Il vient étape par étape. Toute occasion est saisie pour que la culture change et se partage. En même temps, quand des scènes ouvertes se produisent – comme sur cette Rambla – enfants et adultes surgissent avec une grande envie d’être devant le public. Le Triangle leur offre l’espace afin qu’ils nous montrent ce qu’ils ont à donner. Et parfois, même souvent, ils nous éblouissent.

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On découvre alors de nouvelles choses qui nous donnent envie de travailler dessus et d’en discuter. Une artiste est installée dans cette dynamique, ce qui permet de faire bouger les formes. C’est un peu de cette manière que l’on vit l’espace dans lequel on est implanté. Derrière le Triangle se trouve par exemple une halle, un immense hangar. Des fontaines et un bassin vide s’y trouvaient, on a donc créé un practice en les recouvrant d’un plancher. Des jeunes viennent tous les jours spontanément danser à cet emplacement. Trois ou quatre groupes cohabitent, les musiques sont différentes, mais curieusement chacun entend la sienne. Parmi eux, des personnes vont être repérées pour venir danser, certains iront sur la scène. Nous sommes une nouvelle fois dans ce cheminement de programmation. Des événements se fixent et construisent le programme. Par exemple, Michael Phelippeau interprétera Just Heddy jeudi 25 avril 2019 proposé aux plus de six ans. Il s’agit d’un travail extrêmement sensible autour du corps avec une forte inspiration pour la danse.

Le projet Blosne Mode d’emploi rentre également dans sa quatrième et dernière année avec l’auteur Oliver Rohe qui viendra en résidence de janvier à mars. Par la suite, un livre sera édité en 2021 avec une lecture à Mettre debout.

Unidivers : Le lancement de la saison a lieu mardi 18 septembre. Quel est le programme par rapport aux années précédentes ?

Certaines années, le lancement se déroulait sur scène, d’autres fois nous déambulions dans le lieu, nous avons également proclamé la saison ouverte dans le hall… Cette année, nous innovons. Nous avons une salle qui s’appelle l’Archipel qui permet un intérieur-extérieur simple. La présentation sera assez intimiste pour que les gens soient à l’écoute dans la salle, avec des vidéos, le film d’une chorégraphe. Des artistes seront présentés, mais aucun déroulé au sens strict du terme. Personne ne retient. Par contre, des espaces seront créés dans la soirée et les gens pourront entrer dans une salle où quelqu’un de spécifique leur expliquera comment cela fonctionne et leur proposera un spectacle. Ils pourront ensuite aller boire un verre, écouter… C’est l’esprit Garden Party : joyeux, formidable, extraordinaire. Il n’y a pas de mots.

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« C’est ouvert au public et même recommandé par le médecin. Cet événement est bon pour la santé, pour être bien ensemble et pour être dans un contexte totalement ouvert ».

À chaque fois que de nouvelles têtes arrivent, c’est une victoire. Nous sommes tellement soucieux du bien-être de nos invités que nous cherchons des formes nouvelles tous les ans. Nous tentons d’y insérer quelque chose de festif qui va toucher les gens.

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