Ubu roi alfred jarry programme
Ubu roi - (Fac-simile autographique) / Alfred Jarry et Claude Terrasse, BnF

Georges Guitton a publié Rennes, de Chateaubriand au Père Ubu aux Presses Universitaires de Rennes, fin 2023. A travers une enquête historique et documentaire, le livre aborde le rapport de célèbres auteurs français du XIXe siècle à la capitale bretonne, après un premier volume sur les écrivains du Xxe siècle. La rédaction a sélectionné quatre de ces auteurs et vous propose aujourd’hui de rencontrer Alfred Jarry au berceau de la création du célèbre personnage : Ubu Roi. 

Entre la capitale bretonne et l’auteur lavallois, ce n’est pas le grand amour. Si au XIVe siècle « Rennes est mal à l’aise avec Jarry », explique Georges Guitton, car « sa fantaisie scabreuse ne cadre pas avec l’humeur convenue de la ville », le créateur d’Ubu le lui rend bien et affiche son mépris envers elle. 

Dans un poème chanté dans sa pièce Ubu Roi, il évoque brièvement le Champ-de-Mars (actuelle esplanade de Gaulle) et la Paroisse de Toussaints, mais il s’agit du seul texte de l’écrivain évoquant Rennes. 

Alfred jarry
Portrait d’Alfred Jarry

Alfred Jarry à Rennes, un « érotomane crapuleux » 

Pendant son enfance au collège de Laval, Alfred Jarry obtient les meilleurs résultats et sa mère voit en son fils un génie. Sur l’impulsion de celle-ci, la famille emménage 18 boulevard Laennec, quartier pauvre et excentré, à Rennes en 1888 afin que Jarry puisse terminer ses études au lycée de Rennes, « passage obligé pour prétendre accéder à Paris » par la suite. 

Mais les camarades du futur écrivain rapportent que celui-ci est un « érotomane crapuleux » : « un gamin “affranchi” qui dès 15 ans parle sexe “avec une extrême grossièreté” rapporte son ami Henri Morin ». Ses écrits sont d’ailleurs remplis d’allusions sexuelles « sauf à Rennes où ses textes semblent bloqués au stade de la scatologie », explique Georges Guitton. Au lycée, il caricature ses professeurs : le professeur de physique Félix-Frédéric Hébert, jugé grotesque, servant même de terreau à la création du personnage d’Ubu. Jarry prépare alors un spectacle avec son ami Henri Morin qu’il surnommera « le théâtre des Phynances ».  

Un procès en usurpation pour Ubu

En 1889, la famille de Jarry quitte le boulevard Laennec pour s’installer dans un quartier plus chic « au 6, rue de Belair, aujourd’hui 8, rue Martenot, au deuxième étage d’un grand immeuble ». Ici, « le théâtre des Phynances », spectacle de marionnettes à gaines avant de devenir théâtre d’ombres, s’y joue.

8 rue martenot rennes jarry
Alfred Jarry a habité le 6 rue du Belair, actuellement 8 rue Martenot, avec sa mère et sa soeur

Jarry passe son temps entre le lycée, le spectacle, le vélo et le domicile de son ami Henri Morin. Pourtant, la ville, berceau de son Ubu roi, n’est que brièvement mentionné par celui-ci dans ses écrits, après avoir rejoint Paris. Peut-être est-ce là un « silence protecteur au procès en usurpation que d’ailleurs on lui intentera après sa mort en accusant son Ubu de n’être que le recyclage habile d’une farce de lycéens écrite sans lui », explique Georges Guitton. Car si ce n’est le nom, Jarry est accusé d’avoir plagié une pièce intitulée Les Polonais par les frères Charles et Henri Morin. Henri aurait d’ailleurs déclaré qu’en « matière ubuesque, Jarry n’a jamais rien inventé (sauf le nom), ni même composé ». 

A sa mort en 1907, Jarry ne fait l’objet que d’un traitement minime : « une seule brève insérée dans les pages locales de Laval ». 

La postérité d’Alfred Jarry à Rennes

salle l'ubu alfred jarry
La salle l’Ubu ouvre en 1987 et porte le nom du personnage d’Alfred Jarry en hommage

Il faudra attendre plusieurs années avant que la ville rende hommage au nom d’Alfred Jarry et au personnage d’Ubu : « En 1978, une allée prend le nom d’Alfred Jarry dans le quartier de Bourg-l’évêque. En 1987, face au lycée, s’ouvre une salle de concert rock nommée l’Ubu, haut-lieu des musiques actuelles dont la gestion confiées aux Transmusicales à la réputation devenue “mythique” valent l’hommage à l’esprit rebelle du lycéen des années 1888-1891 ». 

De chateaubriand au père ubu, georges guitton rennes

Georges Guitton, Rennes, De Chateaubriand au Père Ubu, préface de Pascal Ory, octobre 2023, 20€

Achat disponible sur le site des Presses Universitaires de Rennes ou en librairie.

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