Jusqu’au 2 décembre 2018, À cris ouverts ! 6e édition des Ateliers de Rennes – Biennale d’art contemporain – présente le travail de 33 artistes de nationalités et générations différentes. Au total, 10 lieux en Bretagne participent. 8 à Rennes – La Courrouze, le FRAC, le Musée des Beaux-Arts, 40mcube, la Galerie Art&Essai, Lendroit et le Phakt, – en sus de la galerie Raymond Hains à Saint-Brieuc et de la Passerelle Centre d’art Contemporain à Brest. D’emblée, on notera que cette Biennale est marquée par un retour en force de la vidéo. Souvent aveux de faiblesse de la part des commissaires d’exposition quand ils y recourent par défaut, les vidéos ici exposées présentent toutes un intérêt (à différents degrés cependant). Où aller ? Devant quelle création s’arrêter ? Cheminez dans la diversité des propositions avec le guide unidiversien des œuvres et des artistes à ne pas manquer durant cette Biennale de Rennes. Vidéo en appui :

La Halle de la Courrouze

biennale rennes

Ancien arsenal militaire du XIXe siècle, la Halle de Courrouze est une nouvelle fois le théâtre des expositions des Ateliers de Rennes – Biennale d’art contemporain. Qu’en est-il de cette édition 2018 ? Si, à l’entrée du lieu, la scénographie accuse une conception maladroite du parcours, une fois arrivé au fond de la Halle, le visiteur trouve le point d’équilibre et la juste perspective en se retournant vers l’ensemble. Il découvre une large palette de nationalités, générations et travaux à travers les dix artistes invités à la Halle de la Courrouze. Sur sa gauche, il est saisi par…

Eve on psylocibin
Eve on psylocibin, Kudzanai-Violet Hwami, 2018. Huile et acrylique sur toile

… le travail pictural de la plus jeune des artistes de cette sixième édition, Kudzanai-Violet Hwami. Qu’il soit celui d’un adulte ou d’un enfant, habillé ou nu, le corps occupe le cœur de sa démarche aux multiples références. Portraits de familles transposés dans un univers aux couleurs et motifs pop, le corps s’élabore en fonction du sujet et du contexte : entre état vulnérable et posture sans complexe. Accroché à un mur blanc sans aucun artifice, le tableau Eve on psylocibin saisit par sa puissance picturale. Une possible version afropunk aux consonances pop de L’origine du monde (1866) de Gustave Courbet et de Marcel Duchamp dans Étant donnés (1946-1966).

À côté de cette beauté picturale, le visiteur découvre l’énigmatique installation de l’artiste brésilien Kenzi Shiokava ; elle conjugue une série d’œuvres réalisées entre 1990 et 2000. Aux côtés d’objets votifs et d’éléments minéraux et végétaux, un univers se construit autour de Mickey Mouse et autres poupées en plastiques étrangement disposés et classés dans des boites en bois. Un autel où se confrontent la nature et la société de consommation dans un assemblage d’objets trouvés, cassés, et d’éléments naturels récupérés dans son jardin au moment où les plantes commencent à… mourir.

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Kenzi shiokava

Non loin, un couloir conduit à une vaste pièce où le visiteur découvre une vidéo de John Akomfrah qui constitue sans doute l’œuvre la plus remarquable de cette Biennale. Intitulée Mnemosyne et sous-titrée The Nine Muses, elle donne à voir durant 45 minutes – à travers un prisme aussi réaliste que fantasmatique – les turbulences sociales, humaines et esthétiques que connaît une île comme l’Angleterre quand des populations noires et indiennes y immigrent dans les années 60. À travers une invocation des 9 muses, une évocation du Cantique des Cantiques, sur fond d’un improbable retour d’Ulysse de l’Alaska à Ithaque, John Akomfrah en coryphée déroule une narration scripturaire, visuelle et auditive, très léchée et d’une puissante cohérence évocatoire.

Galerie Art et Essai, Paul Maheke

Ambiance fantasmagorique garantie avec la première exposition de Paul Maheke dans un centre d’art en France. La lumière filtrée et l’invasion de l’espace par une multitude de rideaux blancs jettent immédiatement une aura surnaturelle dans la galerie de l’Université Rennes 2. Ici et là des aquariums où subsistent des flaques d’eau et des objets abstraits réalisés à partir d’éléments récupérés. Ajoutons à ces objets du quotidien, une fresque murale de la planète Jupiter et des structures en fer forgé au sol pour compléter le tableau poétique et cosmologique de l’artiste.

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Derrière un rideau ou bien accoudés à un mur se cachent… des fantômes qui se réveilleront à deux reprises durant cette Biennale pour interpréter une performance chorégraphique. Dommage qu’elle ne soit donnée que deux fois en tout et pour tout, et non chaque jour afin d’animer ce lieu mystique…

Paul Maheke

FRAC Bretagne

Plus que le manque de fil directeur, le défaut majeur de cette Biennale 2018 de Rennes est sans doute d’exposer plusieurs créations inachevées, en cours de composition, voire simplement esquissées. C’est patent au FRAC. Toutefois, le visiteur se réjouit devant…

Kudzanai-Violet Hwami
Épilogue [Returning to the Garden], Kudzanai-Violet Hwami. Huile et acrylique sur toile
… la douceur consolatrice, qui accompagne la fin de la nostalgie, émise par le tableau Épilogue (Returning to the Garden) de Kudzanai-Violet Hwami (l’artiste déjà rencontrée  Halle de la Courrouze). Dans cette apparente scène du quotidien où un frère et une sœur jumeaux dorment l’un en face de l’autre en position fœtale, les couleurs mondriennes du fond exaucent la tradition du pays d’origine de l’artiste (Zimbabwe).

Enrico David

Les sculptures et aquarelles de l’artiste italien Enrico David peuplent la plus petite salle d’exposition du FRAC Bretagne et absorbent le public dans un tourbillon d’interrogations. Les corps et figures semblent inachevés, en perpétuelle mutation. À cheval entre abstraction et figuration, les couleurs pastel et innocentes en apparence se confrontent aux expressions déformées et irréelles des visages et suscitent une inquiétante familiarité. Das Unheimliche

Plus loin, une silhouette – non sans lien avec les formes longilignes d’Alberto Giacometti – repose de manière indécise sur le mur aux côtés de bas-reliefs. Les traits du visage sont figuratifs, le corps une coulée de métal abstraite, comme si une nouvelle fois le processus était en suspens. Et la sculpture courbée Room for a small head (Nadia) (2013) propose un corps dans ce qu’il a de plus minimal.

Enrico David
Enrico David

Le parcours finit sur une touche spirituelle. Le visiteur se perd entre poésie et réalisme auprès de la vidéo Water ritual #1 : an urban rite of purification de Barbara McCullough (1979). Courte projection qui se distingue par la simplicité de son dispositif et l’accessibilité de l’œuvre. Son équilibre réside à mi-chemin entre le romanesque – celui des cuivres envoûtants et des images en noir et blanc, au ralenti – et la crudité de la misère matérielle, incarnée par une femme noire esseulée dans son décor de ruines. Une vidéo-balade curieusement touchante.

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Musée des Beaux-Arts de Rennes

Être accueilli dans le patio par le travail de l’artiste brésilien Kenzi Shiokava (déjà aperçu aux Halles de la Courrouze) retient l’attention du visiteur. La technique traditionnelle de la sculpture sur bois est exposée dans son aspiration à la splendeur et confrontée à des matériaux industriels – traverses de chemin de fer et autres poteaux téléphoniques. Aussi bien en bois qu’en macramé habillé de coquillages, ces figures silencieuses rendent hommage à la vie, à la mort, mais aussi à l’hybridité culturelle, la spiritualité et la renaissance. Tel un jardin de formes aux allures anthropomorphes et totémiques, le visiteur prendra la mesure de chaque détail en tournant autour.

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Une tenture murale pour décor, des costumes en papier mâché et des sculptures-instruments pour l’orchestre… composent l’installation Dead pan ham (2018) de Madison Bycroft. Mise en scène étrange et colorée en attente d’être activée. Réalisée pour le Musée des Beaux-Arts de Rennes par l’artiste, elle propose de s’installer sur un tapis circulaire au centre de son œuvre, devenant à la fois spectateur et acteur de l’installation.

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40mcube Pauline Boudry / Renate Lorenz, I WANT

Le visiteur se repose nonchalamment sur les coussins de la galerie 40mcube transformée en camera obscura afin d’y recevoir l’œuvre de Pauline Boudry et Renate Lorenz. Dans cette double installation vidéo, la performeuse Sharon Hayes nous adresse un message politique autour des identités. Voilée par ses lunettes fumées, elle interprète tour à tour des poèmes punk de Kathy Acker et des déclarations du lanceur d’alerte Bradley Manning, devenu(e) Chelsea Manning après avoir changé de sexe. Une identité volontairement indécise, au contraire d’un visage et d’une voix éclatante, à l’assaut de la question de la norme, au travers du temps et des êtres. Pas si confortables, les coussins…

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La Criée, centre d’art contemporain Meriem Bennani, SIHAM & HAFIDA

Avec son film Siham & Hafida (2017), l’artiste en réseau Meriem Bennani s’intéresse à la place des femmes au Maghreb et au détournement des traditions musicales. Au sein de ce docu-fiction, deux générations s’opposent : d’un côté Hafida, une chickha consacrée, chanteuse populaire qui s’inscrit dans la tradition orale de l’aïta ; de l’autre Siham, jeune chanteuse dont les performances sont largement plébiscitées sur les réseaux sociaux.

Meriem Bennani
Meriem Bennani

Dans l’espace restreint de la Criée (devenue boite noire pour l’occasion) le long-métrage se divise en de multiples projections sur divers supports, fragmentant la narration dans une surabondance d’images. Le choc des générations se faisant, les avis s’opposent et divergent entre tradition et nouveaux moyens de transmission. La jeune artiste s’amuse alors à distordre l’image, modifier les voix et ponctuer les scènes d’apparitions de papillons, de crabes et autres effets d’animations ludiques. C’est dans son genre plutôt réussi, notamment quand l’artiste applique à une danseuse traditionnelle au corps plantureux des effets de distorsion qui la fantômise, forme spectrale qui fait écho à l’imaginaire des entités magiques plus ou moins invisibles de l’Islam africain.

Siham Hafida Meriem Bennani
Siham & Hafida âr Meriem Bennani

Lendroit Éditions
Le visiteur est invité à découvrir les facettes de l’identité graphique qui préside à la communication de la Biennale. Elle contraste heureusement avec le visuel de la Biennale 2016 (un visuel raté qui a desservi une exposition de qualité, mais sans doute trop pointue). Jean-Marie Ballée a conçu cette identité 2018 à travers une série de plusieurs visuels qui ponctuent les différentes étapes d’A cris ouverts. Ce lexique composé de lexèmes graphiques, mobiles spatiaux noirs, décline des variations formelles d’une belle puissance vibratoire. Cette série de Jean-Marc Ballée s’invite dans l’espace public de la ville de Rennes où il promeut efficacement cette 6e Biennale.

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PHAKT – Centre culturel Colombier Katia Kameli, STREAM OF STORIES

‘Exploration du parcours des origines orientales des Fables de La Fontaine .” Katia Kameli met au centre de sa réflexion l’intertextualité et l’impact de la traduction dans le déplacement spatio-temporel des œuvres et des idées. En inversant le système de valeurs généralement appliqué à la littérature, elle établit un regard nouveau sur la hiérarchisation entre l’artiste et le traducteur. Sous la forme d’une vidéo projetée, elle propose d’envisager le traducteur à la fois comme un voyageur-transplanteur qui s’attaque aux limites de la langue et du savoir ; et comme un artiste à part entière, à la créativité propre. Agrémenté d’archives et d’iconographies retraçant le parcours jusqu’aux fameuses Fables, le PHAKT propose la redécouverte d’un classique des classiques. Bien que le projet soit passionnant, sa traduction pourra paraître trop cérébrale…

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Trois expositions sont payantes à Rennes : Halle de la Courrouze, Musée des beaux-arts de Rennes et Frac Bretagne.

Détails des tarifs réduits et gratuités (sur présentation de justificatifs)

Cartes
(illimitée, illimitée jeunes et 3 lieux)
Tarif réduit : Enseignants en activité, titulaires d’une carte d’invalidité ou personnes en situation de handicap, membres des Amis des Musées de Bretagne, titulaires de la carte Cezam (comités d’entreprises).
Gratuit :
Moins de 18 ans, bénéficiaires des minima sociaux, titulaires de la Carte Sortir, AGESSA ou de la Maison des Artistes, d’une carte de presse, Membres de l’ICOM, de l’AICA, des Amis du Frac et des Amis du Musée des Beaux-Arts ou de l’association Commissaires d’Exposition Associés (C-E-A), accompagnateurs d’une personne en situation de handicap.

Billets
(entrées simples uniquement vendues sur place)

Halle de la Courrouze
Tarif réduit : Enseignants en activité, Titulaires d’une carte d’invalidité ou personnes en situation de handicap, jeunes de 18 à 26 ans, étudiants, titulaires de la carte Cezam (comités d’entreprises).
Gratuit : Enfants et jeunes de moins de 18 ans, Bénéficiaires des minima sociaux, titulaires de la Carte Sortir, titulaires de l’AGESSA ou de la Maison des Artistes, membres de l’ICOM, membres de l’AICA, détenteurs d’une carte de presse, membres des Amis du Frac et des Amis du Musée des Beaux-Arts, membres de l’association Commissaires d’Exposition Associés (C-E-A), Accompagnateurs de personnes en situation de handicap.
Tous les 1ers dimanche du mois.

Musée des beaux arts de Rennes
Tarif réduit : Enseignants en activité, titulaires d’une carte d’invalidité ou personnes en situation de handicap, jeunes de moins de 26 ans, étudiants de plus de 26 ans, titulaires de la carte Cezam (comités d’entreprises). Groupe libre à partir de 10 personnes.
Gratuit : Enfants et jeunes de moins de 18 ans, bénéficiaires des minima sociaux, titulaires de la Carte Sortir, titulaires de l’AGESSA ou de la Maison des Artistes, membres de l’ICOM, membres de l’AICA, détenteurs d’une carte de presse, membres des Amis du Frac et des Amis du Musée des Beaux-Arts, membres de l’association Commissaires d’Exposition Associés (C-E-A), accompagnateurs de personnes en situation de handicap, Amis du Louvre, ayant droits CASDEC, cartes de comités d’entreprises, membres OPAR.
Tous les 1er dimanche du mois.

Frac Bretagne
Tarif réduit : Enseignants en activité, titulaires d’une carte d’invalidité ou personnes en situation de handicap, abonnés au réseau STAR porteurs de la carte Korrigo, membres de l’association Vivre à Beauregard, titulaires de la carte Cezam (comités d’entreprises).
Gratuit : Jeunes de moins de 26 ans, demandeurs d’emploi, bénéficiaires des minima sociaux, titulaires de la carte Sortir, titulaires de l’AGESSA ou de la Maison des Artistes, titulaires de la carte Culture et de la carte de l’ICOM, membres de l’association Commissaires d’Exposition Associés (C-E-A), membres de l’AICA, détenteurs d’une carte de presse, membres des Amis du Frac et des Amis du Musée des Beaux-Arts, éducateurs de jeunes enfants, mécènes, détenteurs d’une carte KorriGo du réseau STAR qui bénéficient déjà d’un tarif réduit, familles nouvellement arrivées dans une commune de la métropole rennaise et munies du coupon du carnet cadeau, accompagnateurs des personnes en situation de handicap, titulaires d’un abonnement annuel donnant droit à un accès illimité au Frac et à ses activités (tarif plein 15 €, tarif réduit 10 €).
Tous les 1ers dimanche du mois.

Visite commentée
Gratuite sur présentation du billet d’entrée (dans la limite des places disponibles).
Pour les visites accompagnées de groupe, voir les modalités sur la page Visites et médiation.
La publication L’Abandon au profit d’Éva Barto, relative au financement de la biennale, est disponible aux billetteries de la Halle de la Courrouze, du Musée des beaux-arts de Rennes ainsi que du Frac Bretagne sur présentation d’une carte 3 lieux ou d’une carte illimitée.

biennale tarifs

Un article d’Emmanuelle Volage, Bastien Michel et Nicolas Roberti

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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