Le festival britannique PROMS s’autoproclame le plus grand festival de musique classique du monde. Un titre sans doute pas usurpé et qui n’empêche nullement les programmateurs d’ouvrir leurs scènes à d’autres sonorités. Ainsi dans le cadre de l’édition 2107 du festival, le 25 juillet, c’est à Scott Walker, inclassable et énigmatique artiste, que Jarvis Cocker, John Grant et l’orchestre Heritage vont rendre un symphonique hommage.

SCOTT WALKER

Tout d’abord arrêtons-nous sur le titre ? Pourquoi donc une expression si ronflante ? Disons que parmi les fans et admirateurs de Scott Walker, cette définition est devenue culte suite à la réalisation d’une compilation qui a relancé l’intérêt pour le travail de l’artiste qui, à cette époque, s’était retiré de la scène musicale. Julian Cope, fondateur du groupe The Teardrop Explodes; personnage culte de la communauté rock indé de Manchester décide de publier en 1981 une compilation hommage à l’un de ses chanteurs préférés. La compilation s’intitule Fire escape in the sky (paroles tirées de la chanson Big Louise de Walker) mais Cope avec son esprit de provocation bien rodé impose un sous-titre : The Godlike genius of Scott Walker. C’est un succès !

SCOTT WALKER

Scott Walker, c’est d’abord une voix. C’est elle déjà qui fait des ravages lorsqu’il officie pendant les années soixante au sein des Walker Brothers, ancêtre des boys bands créés de toute pièce par une industrie musicale en quête de « gros coups ». Le succès est phénoménal. Mais Scott est un véritable musicien, ses exigences artistiques ne cadrent plus avec les contraintes de la gloire. Sa carrière solo (il conserve le nom Walker, mais signe désormais Scott Engel -son vrai nom- Walker) lui permettra pendant un temps de satisfaire sa quête de poésie sonore, il connaîtra encore de beaux succès, sera reconnu comme un très brillant interprète des chansons de Jacques Brel. De plus en plus attiré par un travail de recherche et d’expérience sur une poétique musicale et vocale à la fois lyrique et minimaliste il se heurte une fois de plus à des considérations commerciales qui l’épuisent. Après le très inégal Climate of hunter en 1984, il se retire et, admirateur de Soulage, se consacre à la peinture. Ce n’est que neuf ans plus tard que sort l’incroyable Tilt qui permet de mesurer toutes les potentialités inabouties de Climate of hunter.

SCOTT WALKER

En 2006 The Drift confirme la voie étroite sur laquelle s’est engagé l’artiste. Textes cut-up, surréalistes ou très abstraits (I gotta pull muffle bye no bye the bye by the bye no bye the bye, « Psoriatic »), une voix aux profondeurs méontiques qui explore les hautes sphères d’un lyrisme glacé tout en serpentant autour des contrastes harmoniques, des musiques à l’abstraction de plus en plus picturale, grands aplats de sonorités abrasives, sons percussifs obtenus en frappant des matériaux divers (une grosse pièce de viande dans « Clara »). Les vieux poncifs de la musique concrète se mêlent dans une nouvelle inventivité à un rock recomposé, à un classique sombre, hypnotique dépouillé jusqu’à l’os. Au titre des références nous serions quelque part entre la rencontre d’un Brel dadaïste et d’un Schoenberg cold-wave ou d’un Lee Hazlewood remixant Boulez et Stockhausen sur la plage de Einstein on the beach…

2017, année de la consécration pour l’artiste anglo-américain ? Après que son album Soused (voir notre article) avec les avant-gardistes metalleux de Sunn O))) ait donné son nom à une bière *, voici donc son travail interprété sur une scène d’un des plus prestigieux festival de musique classique.

Prom’s, le plus grand festival de musique classique au monde, a lieu au Royal Albert Hall de Londres jusqu’au 9 septembre 2017.

Prom 15 : The Songs of Scott Walker (1967–70)
25 juillet 2017 à 22 h15

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Thierry Jolif
La culture est une guerre contre le nivellement universel que représente la mort (P. Florensky) Journaliste, essayiste, musicien, a entre autres collaboré avec Alan Stivell à l'ouvrage "Sur la route des plus belles légendes celtes" (Arthaud, 2013) thierry.jolif [@] unidivers .fr

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