The big bang theory jeu de rôle
La série télé The big bang theory © Warner Bros

Apanage d’un petit nombre d’individus souvent qualifiés de geeks ou de nerds, le jeu de rôle semble pourtant se démocratiser ces dernières années au point d’observer une hausse exponentielle des ventes et des adhésions dans les magasins et associations de jeu de rôle de Rennes. Unidivers est allé rencontrer des acteurs et actrices de la scène rennaise afin de comprendre les raisons de cet intérêt croissant pour le jeu de rôle.

Un renouveau bienvenu pour le jeu de rôle (ou JDR) ? Depuis sa création en 1974, cette activité ludique a fait l’objet de polémiques au point de devoir se mettre en retrait ; quant au « nerd » ou rôliste qui le pratique, l’image du solitaire qui vit par procuration à travers le jeu a peiné à disparaître… Mais au fait, de quoi parlons-nous précisément ? L’activité ludique, encore relativement peu ou mal connue, mérite d’être définie : la Fédération française de Jeu de rôle (FFJDR) la définit comme « une activité de loisir qui consiste à raconter une histoire à plusieurs. Installés autour d’une table, les joueurs interprètent le rôle d’un personnage au sein d’un univers fictif. Chacun décrit comment son personnage interagit avec le monde et les personnages qui l’entourent ». 

Bien que l’image ait sévi aux États-Unis dans les années 80, non, le jeu de rôle n’est pas une activité sataniste portée par un gourou de secte (le maître de jeu). En France en 1994, l’émission Bas les masques impute au jeu de rôle le suicide d’un adolescent qui aurait cosigné un contrat avec le diable… En bref, le divertissement traverse une véritable épopée avant de gagner des lettres de noblesse plus récemment. Les dernières années montrent en effet une croissance exponentielle de l’intérêt pour le jeu de rôle. Les Black Book Éditions, premier éditeur français indépendant de jeu de rôle, se confie en avril 2022 au journal Le Monde : « depuis 2012, notre croissance annuelle est comprise entre 22% et 25% par an » (source). 

À Rennes, la hausse des adhésions dans les associations et des ventes en magasin confirment cette croissance. Les chiffres partagés par l’association Risques & Périls sont révélateurs. « Entre 2010 et 2016, nous avions entre 40 et 50 adhérents par an, puis on est montés entre 60 et 70. Cette ascension s’est stoppée en 2022 après le COVID, mais a finalement repris et explosé en 2023 avec un record de 83 adhérents », indique Corentin Guégan, secrétaire de l’association fondée en 1992. « Cette année, on a un nouveau record puisqu’on a dépassé les 100 adhérents il y a un mois. »

Comment expliquer cette ascension prolifique du self-made game qui séduit de plus en plus de personnes ? Plusieurs facteurs sont à prendre en compte. Les confinements de 2020 et 2021 ont tout d’abord induit une redécouverte des jeux de société et de rôle alors que toute la population était bloquée chez elle. Briac Desriac, employé spécialiste du JDR au magasin Sortilèges Rennes, évoque en plus le retour des « rôlistes de la deuxième heure dont les enfants sont désormais en âge de faire du jeu de rôle. Les jeunes qui y ont été introduits s’y intéressent davantage par la suite et peuvent le faire découvrir à leurs amis ».

Autre facteur de renouveau : le JDR se réinvente à travers de nouveaux formats. Les magasins ont constaté « une grosse explosion des boîtes d’initiation (entre 20 et 30€) et des livrets découverte (entre 5 et 10€) avec une première aventure », confie Briac Desriac. « Depuis plus récemment, il y a aussi des livrets pour faire du jeu de rôle en solo comme avec la collection « Un livre dont vous êtes le héros », mais en plus narratif et plus ouvert. » Cette diversification se fait aussi dans les univers qui s’étendent à du contemporain et du futuriste, et dans les offres culturelles : en 2023, le film Donjons et Dragons : l’honneur des voleurs est sorti ainsi que le jeu vidéo Baldur’s Gate 3 qui se base sur les règles de ce même univers et réemploie un système de jet de dés. 

Quant au rôliste, le temps où il était mal perçu paraît lointain. « En France, on a Alexandre Astier qui est le porte-parole de la culture geek. Il est populaire et contribue à rendre le geek cool », explique le spécialiste JDR. Dans l’émission Hot Ones diffusée sur Youtube en octobre 2023, Alexandre Astier a d’ailleurs avoué son rêve de créer un jeu de rôle situé dans l’univers de sa série Kaamelott… Parmi les personnalités publiques, les streamers jouent également un rôle important dans l’image du rôliste et changent l’image qui existait du solitaire isolé : la chaîne YouTube Critical Role filme par exemple des parties de jeu de rôle avec un groupe de professionnels.

Corentin Guégan, secrétaire de l’association Risques & Périls, note par ailleurs une hausse des débutants parmi les nouveaux adhérents. Il réaffirme la volonté de l’association de se montrer ouverte et attentive à l’inclusivité. « C’est un monde avec une majorité d’hommes blancs, même si cette année pas mal de femmes trouvent leur place, jouent et maîtrisent », ajoute t-il. « C’est de mieux en mieux, mais sur 100 adhérents, il doit y avoir entre 70 et 80 hommes ». Le constat est similaire pour Briac Desriac : « Le milieu du jeu de rôle à l’ancienne n’était pas une zone très safe pour les femmes et pour la communauté queer. Par essence, le jeu de rôle consiste pourtant à interpréter des personnages qui ne sont pas de notre genre ou de notre ethnie donc on devrait être parmi les plus ouverts d’esprit », analyse t-il. « Mais ça évolue. Aujourd’hui, j’ai du public queer à toutes mes tables. » À Rennes, la Queervention rôliste, organisée par l’association de jeu LGBTQIA+ Ludiqueer, propose à tous les publics de venir pratiquer du jeu de rôle le dernier weekend d’août de chaque année.

Malgré cette recrudescence des adhésions, une vision tenace peut néanmoins perdurer chez certains non-initiés, celle que le jeu de rôle est un univers de connaisseurs et connaisseuses dans lequel il est difficile de rentrer lorsqu’on est seul et qu’on ne s’y connaît pas. « Ce n’est pas le cas ! », affirme le vendeur de Sortilèges Rennes. « Par contre, ça peut faire peur. Mais la majorité des associations de Rennes sont ouvertes et prendront de nouveaux adhérents avec plaisir. » Une fois tous les deux mois, Briac Desriac propose des initiations au jeu de rôle dans le magasin sur inscription. « C’est important pour eux de se retrouver dans un cadre qui n’est pas associatif dans un premier temps. C’est une boutique dans laquelle ils ont l’habitude de venir et c’est plus rassurant ». L’association Risques et Périls anime également des conventions où tous les intéressés sont les bienvenus pour venir s’essayer à l’activité ludique.

Association risques et périls JDR
L’association Risques et Périls prépare avec entrain ses tables de Jeu de rôle

Face à l’arrivée de nombreux débutants, l’association met aussi en place des actions afin de faciliter l’intégration des nouveaux. « On a une règle : en début d’année, les Maîtres de jeu doivent prendre des nouveaux dans leurs campagnes. Pour les Oneshots [format de JDR où le scénario doit être résolu en une seule session, Ndlr.], on doit toujours réserver une ou deux places aux nouveaux afin de les intégrer rapidement », explique le secrétaire de l’association.

En bref, le jeu de rôle est bel et bien ancré à Rennes avec plusieurs associations implantées sur le territoire. Le réseau des bibliothèques de Rennes s’est par ailleurs paré d’un fonds de livres de JDR plus récemment. En tout cas, pour la capitale bretonne, les dés semblent jetés… 

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