Pendant longtemps, les rares écrits, sommaires et peu précis, sur Ferdinand Loyen du Puigaudeau (1864-1930) ont rendu difficile la connaissance de son oeuvre. Artiste post-impressionniste, le peintre a laissé derrière lui une peinture où la tradition impressionniste rencontre le synthétisme pour une esthétique unique.

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Ferdinand Loyen du Puigaudeau (1864-1930)

Fils de Clothile van Bredenbeck de Chateaubriand et d’Émile Loyen du Puigaudeau, Ferdinand Loyen du Puigaudeau est né le 4 avril 1864 à Nantes. Son grand-père, César Loyen du Puigaudeau, et son père, sont des descendants d’une famille d’armateurs et de marins du pays nantais enrichie par le commerce colonial, mais ruinée quand le petit-fils s’engage dans une carrière artistique.

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Oeuvres de Ferdinand Loyen du Puigaudeau en arrière-plan, exposition L’impressionnisme d’après Pont-Aven au Musée de Pont-Aven du 29 juin 2019 au 5 janvier 2020

Après la séparation de ses parents, l’enfant séjourne chez son oncle Henri de Chateaubriand, lui-même artiste. En remarquant le talent de son neveu, ce dernier l’incite à suivre cette voie. Pensionnaire chez les Jésuites à Paris, il rejoint sa mère à Nice en 1882 et décide de voyager dans le but de perfectionner ses dons artistiques sans passer par la voie officielle des Beaux-Arts : direction l’Italie avant de rejoindre l’Afrique en 1883. Déçu par l’accueil en Tunisie, le peintre rentre finalement en France.

« Puigaudeau a été un compagnon de route de Gauguin dans les années 1880, à l’époque où il vivait à Pont-Aven », souligne Estelle Guille des Buttes, l’ancienne conservatrice du musée de Pont-Aven. Localisé à la pension Gloanec en 1886, Ferdinand du Puigaudeau fait la rencontre de Paul Gauguin – avec qui il échangera une correspondance pendant plusieurs années, Émile Bernard, Charles Laval ou encore le Néerlandais Hubert Vos. Avant de partir en service militaire à Hyères en 1887, il assiste alors aux prémices de l’École de Pont-Aven.

Détenteur d’une bourse de voyage en 1889, du Puigaudeau découvre la Suède et la Belgique avec le peintre Allan Osterlind (1855-1938). Sur place, il se lie d’amitié avec le groupe des XX (cercle d’avant-garde fondé à Bruxelles en 1883 par Octave Maus).

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Ferdinand du Puigaudeau, Campagne avec moulin à vent

À son retour et malgré son refus de suivre des études à l’école de Beaux-Arts, il commence sa carrière en exposant des scènes de genre dans le respect des codes académiques au Salon de la Société des Beaux-Arts de Paris dès 1890. À cette période, l’artiste Edgar Degas le remarque et lui achète une œuvre, Feu d’artifices. Leur amitié et leur estime réciproque dureront jusqu’à la mort de Degas (1834-1917).

Cependant, l’esthétique de l’École de Pont-Aven influence rapidement son travail, notamment la tradition d’une peinture d’après-nature. « L’artiste ne doit pas copier la nature, mais prendre les éléments de la nature et créer un nouvel élément », selon Gauguin (tiré du livre Oviri, écrits d’un sauvage), mais Ferdinand du Puigaudeau n’intégrera pas le groupe de l’École de Pont-Aven à proprement parler et suit son propre cheminement.

Du synthétisme théorisé par Paul Sérusier, l’artiste conserve les figures statiques. Mais, aux aplats colorés caractéristiques du courant, il préfère l’illusion de la profondeur de la mouvance impressionniste. Dans la préface du catalogue de l’exposition Le Mouvement impressionniste dans l’École de Pont-Aven de 1978, Wladyslawa Jaworska définit d’ailleurs son travail comme « une espèce de symbiose consistant dans le maintien de la construction générale synthétique du tableau et dans l’introduction d’une facture vibrante, d’une décomposition très impressionniste de la couleur » (source).

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Ferdinand du Puigaudeau, Calvaire de Rochefort-en-Terre

Après son mariage avec la portraitiste Blanche van Den Broucke en 1893, le couple d’artistes déménage régulièrement. Ils s’installent à Saint-Nazaire où naît leur fille, la future ethnologue Odette Loyen du Puigaudeau (1884-1991) avant de louer le Château de Rochefort-en-Terre (Morbihan) durant l’automne et l’hiver 1894. La famille se déplace du Morbihan au Finistère et séjourne à l’hôtel Gloanec entre 1895 et 1897. Les peintres de l’École de Pont-Aven sont alors dispersés : Paul Gauguin s’est installé à Tahiti en 1891, Charles Laval est décédé en 1894, etc.

Feux d’artifices, couchers de soleil, fêtes foraines et populaires (thème régulier entre 1895 et 1900), ses nouvelles créations traduisent un intérêt prononcé pour la lumière et l’éclairage. Le peintre tente de concilier au sein d’une même œuvre les lumières artificielles et naturelles dans des atmosphères crépusculaires. Cette attirance pour les éclairages étranges le rapproche de l’esthétique symbolique. La lune, personnage à part entière dans ses toiles nocturnes, donne une ambiance singulière, quasi mystique, aux tableaux de Ferdinand du Puigaudeau.

Dans le but de percer sur la scène artistique parisienne, du Puigaudeau vend ses toiles dans la galerie du marchand d’art Paul Durand-Ruel dès 1897. Deux ans plus tard, le peintre s’installe à Paris. Mais, malgré le succès de son exposition à la galerie des artistes modernes en 1903, Ferdinand du Puigaudeau rencontre d’importants soucis financiers. Sa relation avec Paul Durand-Ruel, qui souhaite l’exclusivité, se détériore et leur marché est rompu en 1904. Proche de la ruine, le peintre s’endette encore plus et part en voyage à Venise, mais il vit un enfer à son retour : procès avec le commanditaire en 1905 et saisie judiciaire de ses œuvres, son mobilier, etc. Il décide de se retirer définitivement en Bretagne en 1907 et loue le manoir du Kervaudu, à Croisic.

Le lieu devient sa source d’inspiration principale. La touche néo-impressionniste de l’artiste matérialise la bâtisse sur la toile, avec une grande diversité de palettes et de points de vue.

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Ferdinand du Puigaudeau, Le Jardin du Kervaudu
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Ferdinand du Puigaudeau, Clair de lune sous Kervaudu

Ses amis artistes séjournent parfois au manoir, mais du Puigaudeau se tient à l’écart des grandes manifestations culturelles. En 1913, il rompt tout lien avec la capitale. Il continue son œuvre en solitaire avant de s’éteindre le 19 septembre en 1930 à Croisic. Oublié de l’histoire de l’art, la cote de ses œuvres remontent cependant dans les années 1980 quand les recherches sortent son travail de l’ombre.

Classé longtemps « petit maître de la peinture », à l’image de Maxime Maufra ou Henry Moret, du Puigaudeau semble faire partie des artistes de l’histoire de la peinture en Bretagne restée en marge de l’art officiel. Cependant, au contact des nouveaux mouvements artistiques de la fin du XIXe siècle, le peintre a su se démarquer d’une pure vision impressionniste.

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