Dans la BD Didier la 5e roue du tracteur, Rabaté et Ravard explorent avec humour et tendresse la France de nos campagnes. Didier, agriculteur quadragénaire, cherche la compagne idéale. Un « Bonheur est dans le pré » drôle et touchant. Un petit bijou de cette rentrée.

 

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Depuis notamment, « Les petits ruisseaux » (12e réédition !), on connait les goûts de Rabaté pour, sans ordre de préférence, la campagne, les tracteurs, les petits coups de blanc, les cyclistes, les femmes d’âge mûr bien en chair. Quand on feuillète “Didier, la 5e roue du tracteur”, on se dit que l’on est bien en terrain connu. Pourtant cette fois-ci c’est Ravard qui est au dessin. Mais Rabaté, scénariste ne pouvait oublier ses amours.

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Comme le montre le tracteur de la couverture, on ouvre un album ROSE. Oh, pas le rose tendre des trois petits cochons. Non, celui de Barbie, celui que les fabricants de jouets posent d’office sur leurs créations prétendument destinées aux seules filles. Rose donc, flashy, pétant, violent, un rose tout à fait normal pour une histoire à l’eau de la même couleur. Vous imaginez, Didier, 45 ans, est agriculteur en Bretagne. Il vit avec sa sœur, Soazic, une femme que l’on qualifierait dans le langage des hommes de “forte”, dans une exploitation laitière, et surveille surtout ses… poires. Et ses hémorroïdes qui l’incitent un jour à chercher âme sœur, non par le truchement de “l’amour est dans le pré”, mais par Meetic. À ce duo consistant vient s’ajouter Régis, voisin à qui l’on vend toute son exploitation tombée en faillite et qui s’installe provisoirement (?) à la ferme.

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Écris comme cela, on pourrait craindre le pire, mais on connait la propension des deux auteurs à éviter le grotesque, la caricature, pour nous faire pénétrer dans un univers de bienveillance, de tendresse. Bien sûr, les ventres sont gros. Bien entendu les vaches ont une panse gonflée. Évidemment les hommes boivent un peu trop. Mais à ces grosses ficelles sont associés de purs moments de gentillesse et de poésie. Comme ce CV de Meetic, où en face de “Trait de caractère” Didier a écrit “Romantique persévérant”, qualité que sa sœur transformera en “Fainéant !” et que Serge modifiera en “Dilettante” avant de conclure par le joli mot de “Poète”. Rabaté et Ravard aiment trop leurs personnages pour les ridiculiser et les trainer dans la bouse (de vache). Ils sont humains avec leur fragilité et leur sensibilité, parfois dissimulées, mais toujours présentes. Ce n’est pas pour autant le monde de Disney et les situations rappellent l’attachement au réel. La Fête des Labours ressemble beaucoup à celle de votre commune. Serge se retrouve à la rue après la liquidation de son exploitation. Les suicides des agriculteurs sont évoqués, mais l’humour et l’amour reprennent toujours le dessus.

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Et à l’image des populaires Vieux Fourneaux, les dialogues savoureux restent dans les mémoires, comme ce cri de Coquinette, rencontrée sur Meetic et un peu “portée sur la chose” malgré son âge :

“Je voulais des gosses, plein… Maintenant le problème est résolu. Je te coûterai pas cher en éponges à tomate, la maternité est fermée depuis longtemps ! Heureusement il reste la salle de jeu !”

Comme souvent avec ces auteurs, le dessin mérite de s’attarder au-delà de la première impression générale. Les visages, a priori grossiers révèlent une multitude de sentiments. Dans le fond les enseignes s’appellent, “Adult’hair” ou “Boisson Rouge”. Et Didier, devant son poirier, éclaire la page de tendresse et de connivence. Ravard, auteur de “Mort aux vaches” a repris avec talent les codes de Rabaté, apportant son trait personnel, plus net, plus tranché et plus coloré.

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Avec Didier, Rabaté et Ravard nous offrent un album tendre et doux. Et rose. Trois qualificatifs que cette BD illustre à merveille pour nous donner, dans cette rentrée grise et poisseuse, un bol d’air pur rafraichissant. Même avec l’odeur de bouse de vache.

Didier, la 5e roue du tracteur. Dessin de François Ravard. Récit de Pascal Rabaté. Éditions Futuropolis. août 2018. 80 pages. 17€. 

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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