Pierre Alary revisite le mythe de Zorro avec ingéniosité, talent et imagination. Une BD à ne surtout pas réserver aux enfants ou adolescents. « Zorro, un cavalier qui surgit hors de la nuit …. ».

Même les plus jeunes, grâce à des versions colorisées d’anciens feuilletons, connaissent probablement cette chanson qui appelle l’apparition d’une silhouette altière sur un cheval noir cabré, Tornado. Comme tous les mythes de notre enfance, cette création de Johnston McCulley a été revisitée et déclinée sous de nombreuses formes possibles : dessins animés, films, séries télévisées, chansons …

DON VEGA ALARY

Comme tous les mythes de notre enfance, proposer une nouvelle adaptation nécessite de l’audace ou de l’inconscience. Il a fallu certainement des deux à Pierre Alary pour que celui-ci relève ce défi, réalisant pour la première fois à la fois le dessin et le scénario de ce Don Vega. On avait apprécié ses adaptations graphiques de deux romans magnifiques de Sorj Chalandon, Mon traître suivi de Retour à Killybegs.

Quitter l’Irlande et ses conflits politiques pour la Californie de 1848 était un véritable pari que le dessinateur gagne haut la main. Déjouant le piège du « déjà vu », Pierre Alary choisit de revenir aux origines du mythe, nous invitant à découvrir comment Don Diego de la Vega s’est paré du fameux masque noir.

DON VEGA ALARY

Pour cela dans un préambule historique nécessaire, il nous rappelle que la Californie actuelle fut au milieu du 19e siècle un territoire sans lois ni règles où régnaient la tyrannie et le pouvoir de celui qui disposait de la force et de l’argent. Ici cette riche crapule s’appelle Gomez et il est accompagné de son bras armé, le cynique Borrow, dont le dessinateur a la justesse de nous raconter l’histoire et le passé inédits.

DON VEGA ALARY

Même sans le sergent Garcia ou le fidèle et muet Bernado, le lecteur se retrouve vite en terrain connu : paysans terrorisés, mines d’or, tyrannie, pendaisons sommaires, tous ces ingrédients se retrouvent dans l’album. Pourtant le scénario finement ciselé nous entraîne dans une histoire captivante, réservant de belles surprises et nous révélant tardivement le visage de Don Diego, le vengeur masqué.

DON VEGA ALARY

Rien d’enfantin et la violence, même sobrement évoquée, nous rappelle que la légende de Zorro, trouve son origine dans un angle obscur de l’histoire américaine et de ces années marquées par des guerres de conquête et d’agrandissement du territoire, au détriment notamment du Mexique voisin. Des conventions indispensables se retrouvent bien entendu dans le graphisme : fine moustache de Don Diego, prêtre pleutre et fourbe, combats à l’épée mais on découvre le talent d’Alary pour dessiner les scènes d’action, comme dans les films en cinémascope.

DON VEGA ALARY

Ellipses pour dissimuler les meurtres et le sang, découpages rythmés dans une remarquable course poursuite, plans séquence cadencés par les regards, on se croirait au cinéma. Et bien entendu on ne peut oublier des pleines pages où l’on découvre le talent de l’auteur pour faire se cabrer les chevaux et montrer l’immensité des canyons à l’image du Bouncer de Boucq. La bichromie et le traitement des couleurs déjà aperçus dans la série irlandaise trouve pleinement à s’exprimer dans des clairs obscurs qui magnifient les scènes de nuit ou la magnifique couverture de l’album.

DON VEGA ALARY

Seul écart à la tradition : la cagoule remplace le masque-loup et dissimule plus encore le visage du héros. Don Vega nous ramène à l’enfance, mais en s’adressant aux adultes que nous sommes devenus. Le moindre paradoxe n’est-il pas de reprendre et de relire l’album pour en saisir toutes les subtilités ? Une relecture qui démontre qu’Alary a réussi son pari de dépoussiérer un mythe et on aimerait qu’il nous offre un deuxième opus. Encore plus rajeuni. 

Don Vega de Pierre Alary, Éditions Dargaud, 96 pages, 16,50€, parution 2 octobre 2020. D’après le personnage créé par Johnston McCulley. Scénario, dessin et couleurs : Pierre Alary.

Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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