En mai, les éditeurs craignent probablement les jours fériés et les week-ends loin des librairies. Pourtant, dans une production relativement restreinte, nous avons déniché pour vous quelques BD intéressantes. Petite revue ensoleillée.
Chez Unidivers, on est fidèle aux auteurs qui nous ont touchés. Commençons donc cette sélection des BD à paraître ce mois-ci par l’ouvrage de Aude Mermilliod dont nous avons apprécié le précédent album Les reflets changeants. Cette fois ci la dessinatrice d’origine lyonnaise s’attaque à un sujet lourd et toujours d’actualité : l’IVG. Pour Il fallait que je vous le dise (Casterman), elle s’associe avec le romancier et médecin Martin Winckler. Aude Mermilliod mêle son témoignage de patiente à celui du médecin. Grâce à son dessin habituel aux couleurs douces et tendres, elle raconte avec pudeur comment l’IVG demeure un événement traumatique dans une vie de femme. Et d’autant plus douloureux qu’on le garde pour soi. Un témoignage direct mais pudique, indispensable en ces périodes de remise en cause de ce droit acquis chèrement par les femmes.
Autre auteur que nous avions apprécié en 2018 : Jean-Marc Rochette et son Ailefroide. Avec Le Loup (Casterman), dont la couverture nous rappelle la BD précédente, nous restons dans le massif des Écrins mais cette fois-ci, loin des courses en montagne, le dessinateur traite de la difficulté de faire cohabiter la survie des bergers et la volonté des Parcs nationaux de maintenir des espèces en voie de disparition. L’affrontement d’un berger avec un grand loup blanc illustrera ce propos où des premières planches silencieuses de toute beauté donnent envie de lire la suite.
Catherine Meurisse a fait partie à plusieurs reprises de cette chronique. L’ex dessinatrice de Charlie HEBDO réédite un ancien ouvrage devenu presque un classique Le Pont des Arts, Petites histoires de grandes amitiés entre peintres et écrivains (Sarbacane), un long titre qui dit tout. Le Pont des Arts revisite avec humour l’histoire de la littérature et l’histoire de l’Art et met en évidence les correspondances intimes entre écriture et peinture. Proust et la vue de Delft de Vermeer, Zola et Cézanne, George Sand et Delacroix, Diderot et Greuze, Apollinaire et Picasso… Comme toujours le dessin et le ton léger cachent une grande érudition.
Changeons de registre avec, chez Dupuis, une collection intitulée la véritable histoire vraie qui dit nous offrir « un regard pimenté et vrai sur les méchants de l’histoire ». Deux méchants ce mois-ci qui succèdent à Hitler, Caligula ou Attila : Robespierre et Torquemada. Toujours appuyée sur des recherches historiques incontestables, cette collection permettra aux lecteurs de pénétrer dans les arcanes de l’Inquisition espagnole dominée par ce moine pendant quinze ans et dans les coulisses de la Révolution Française où l’avocat d’Arras fait toujours figure de personnalité contestée. Des dessins légers et humoristiques pour une série sérieuse.
Autre personnage historique, mais qui ne fait pas partie des méchants, Pablo Picasso. Avec Picasso s’en va-t-en guerre (Delcourt) , Daniel Torres, rend un magnifique hommage en forme de canular au peintre barcelonais. Le dessinateur imagine un Picasso hanté par le fait de n’avoir pas tiré un coup de feu contre Franco et qui passe commande en 1953 à Torres, un jeune créateur, de réaliser une BD : comment Picasso se serait battu, à coups de dessin, sur le front de l’Ebre. Une BD qui a reçu les honneurs de la critique lors de sa sortie initiale en Espagne.
Plus sérieux, mais traitant d’une certaine manière de la montée du fascisme et du populisme, les remarquables éditions Rackham publient Un rêve d’Europe, une BD appropriée en ce mois de mai, mois des élections au parlement européen. Durant l’été 2017, Fabian Göranson, l’auteur, a fait le tour de l’Europe, désireux de comprendre pourquoi tout un continent semble s’effondrer sous le double poids de la crise migratoire et du chômage grandissant et pourquoi il se révèle impuissant face à la montée du racisme et de la xénophobie. De Stockholm à Berlin, de Bruxelles à Nantes ou encore de Marseille à Gênes, le voyageur va à la rencontre d’artistes et d’activistes, de chercheurs et de journalistes. Göranson dresse un portait sans fard d’un continent coincé entre un héritage historique lourd à porter et un avenir qui se resserre.
D’immigration il en est question avec cette réédition de Les Mohamed de Jérôme Ruillier, une BD indispensable dans laquelle le dessinateur porte un regard novateur et original sur l’histoire de l’immigration maghrébine, à travers des témoignages poignants en trois parties : les pères, les mères, les enfants, témoignages recueillis à l’origine par Yamina Benguigui. Un roman graphique désigné lors de sa sortie initiale en 2011 comme un livre coup de poing, termes qui ont conservé toute leur force huit ans plus tard.
Pour conclure, un petit ouvrage plus léger et plus inattendu avec l’un des dessinateurs français majeurs, Bastien Vivès, qui fait une digression remarquée avec Le Football (Delcourt), petit opus dans lequel, à travers une trentaine de strips drôles et politiquement incorrects, il moque le sport le plus populaire du monde. Le dessin minimaliste laisse la part belle aux textes et dialogues.
Un peu de soleil, de la lumière et une bonne BD. Que demander de plus pour un joli mois de mai ?