En collaboration avec le Carré Rennais, le Musée des Beaux-Arts de Rennes ouvre les portes de ses collections anciennes aux commerçants du centre-ville. De juillet à septembre 2020, le projet ESOPEt si on parlait d’art – revient pour une seconde promenade artistique dans l’espace permanent. Dans cette nouvelle aventure, l’art investit les vitrines des commerces. Unidivers s’est introduit dans les coulisses du projet et a rencontré les commerçants.

esop musee des beaux arts rennes
Guillaume Kazerouni, conservateur des collections anciennes du musée des Beaux-Arts de Rennes

Selon la légende – et le témoignage du grec Hérodote (v. 484-v.420 av. J.C.), Ésope serait un écrivain grec au physique disgracieux ayant vécu au VIIe-VIe siècle avant J.-C. C’est à lui que l’on attribue la paternité de la fable.

Les portes du musée des Beaux-Arts de Rennes sont closes, mais un groupe de privilégiés déambulent silencieusement dans les salles des collections, allant du XIIIe à la fin du XIXe siècle. À leur tête et en médiateur d’exception, le conservateur des collections anciennes Guillaume Kazerouni. Ces rencontres aux allures de réunions secrètes interrogent. Que se prépare t-il au sein d’une des plus grandes institutions rennaises ?

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En cette année 2020, l’arrivée du printemps s’accompagnera du deuxième volet du projet ESOP – Et si on parlait d’art, mis en place en 2019 par le conservateur des collections anciennes. Après l’invitation donnée à l’artiste-plasticien rennais Vincent-Michaël Vallet et l’historienne spécialiste de la littérature artistique, Élisabeth Lavezzi, les commerçants – adhérents à l’association du Carré Rennais – sont invités à partager leur regard sur les collections du musée. « Sous plusieurs aspects, le musée et les boutiques se ressemblent. Avec ce deuxième volet, les commerçants s’installent au musée et inversement », souligne t-il.

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L’idée est simple, mais permet un travail participatif d’envergure où l’art part à la rencontre du quotidien des Rennais. Chaque commerçant choisit une oeuvre et une reproduction sera ensuite installée dans la vitrine de son commerce pendant trois mois. « On proposera trois formats possibles de reproduction. Le tableau sera accompagné d’un cartel divisé en trois parties – précise Guillaume Kazerouni. La première partie est rédigée par les commerçants afin d’expliquer la raison de son choix et je rédigerai moi-même le cartel du tableau et un plus petit sur l’histoire de la boutique. Les mêmes cartels se retrouveront au musée et dans les commerces ».  Ensemble, ils tissent un parcours artistique original selon les sensibilités de chacun.

Face à l’engouement, trente-quatre commerçants ont finalement été sélectionné. « Nous ne pensions pas que le projet rencontre un tel succès. Nous avons privilégié les commerces avec une dimension historique ».

« ESOP n’est pas à voir comme une exposition, mais comme un vent de fraîcheur et de diversité dans l’espace permanent », Guillaume Kazerouni

Pendant la visite, le regard des commerçants s’anime et cherche la subtilité plutôt que la simple illustration. « Choisir un tableau avec un poisson est trop simple pour un restaurant de poisson et de fruits de mer », déclare la responsable du bistrot de curiosités marines Peska.

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Une partie des commerçants pendant la visite de Guillaume Kazerouni

En attendant de plonger dans l’univers de chaque commerçant, Unidivers propose un aperçu de la sélection et donne la parole aux commerçants. Sans trop en dévoiler bien entendu.

« La RESPONSABLE DE LA galerie végétale Akane a été transportéE par la Scène du massacre des Innocents (1823) de Léon Cogniet. Elle a été réellement touchée par le tableau et savait déjà la composition qu’elle voulait pour le mettre en valeur dans sa vitrine », Alix Lequime, directrice du Carré Rennais.

 

La boutique A’Victor Hugo et le Portrait de Jean Janvier de Jean Ronsin
(1908)

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Thomas Dédelot, responsable de la boutique A’Victor Hugo – 2 rue Victor-Hugo, 35 000 Rennes

Thomas Dédelot, responsable de la boutique multimarques A’Victor Hugo nichée au cœur du centre-ville s’est laissé charmer par l’élégance et le charisme du Portait de Jean Janvier de Jean Ronsin, maire de Rennes de 1908 à 1923. « Je recherchais un tableau sans connotation religieuse et la façon dont Jean Janvier portait le vêtement coïncide avec l’esprit du magasin. Nombre d’élus sont venus et viennent encore s’habiller chez nous. La prestance qui se dégage du tableau me plaît beaucoup ».

La Maison Lecoq-Gaby et l’Esquisse du plafond du théâtre de Rennes de Julien Le Mordant
(1912-1914)

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Véronique Brégeon, la gérante de la Maison Lecoq-Gadby – 156 rue d’Antrain, 35 000 Rennes

Pour Véronique Brégeon, la gérante de la Maison Lecoq-Gadby, le choix s’est fait naturellement. « Mon arrière grand-père a fait l’inauguration de ce plafond en tant que traiteur avec la venue de monsieur Henry Poincaré ». Inutile d’aller chercher plus loin quand l’histoire familiale rattrape le projet.

Les Cuisines Bulthaup et Les Apprêts d’un déjeuner, attribué à Jacques-François Amand
(vers 1760)

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Anne Sévignon, gérante de la boutiques Les Cuisines Bulthaup – 5 rue des Fossés, 35 000 Rennes

Comment définiriez vous la cuisine ? De quelle manière décrire ce lieu essentiel dans une maisonnée ? Pour Anne Sévignon, gérante des Cuisines Bulthaup, le tableau Les Apprêts d’un déjeuner reflète l’état d’esprit de sa boutique. « La cuisine est une véritable pièce de vie où l’on se retrouve, une pièce familiale. Ce tableau nous a touché pour cette raison. On y voit la mère avec l’enfant en arrière plan, les préparatifs du repas… Il fait totalement écho avec notre corps de métier ».

La Maison Simon et Les Noces de Cana, de Quentin Varin
(1618-1620)

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Marie-Laurence Perranot, gérante de la Maison Simon – 3 rue Beaumanoir, 35 000 Rennes

Responsable de la boutique Maison Simon, Les Noces Cana semble parler à Marie-Laurence Perranot. « L’idée était de trouver un tableau en corrélation avec notre métier, l’art de la table. Pour cette raison, j’ai choisi les Noces de Cana où sont représentés assiettes, couverts et autres ustensiles. Le Pont de l’Europe était mon coup de cœur, mais il avait malheureusement peu de lien avec la boutique ».

La Boutique Chouette ! et La Classe manuelle, école des petites filles (Finistère) de Richard Hall
(1889)

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Amandine Bernard, gérante de la boutique de créateurs Chouette ! – 4 rue du chapitre, 35 000 Rennes

Le choix est parfois difficile, mais pour ce genre de situation, le conservateur a une botte secrète… Amandine Bernard, gérante de Chouette ! a trouvé chaussure à son pied dans les réserves du musée. « Je tiens une boutique de créateurs donc je voulais un tableau où l’aspect créatif ressort, notamment car nous réalisons des ateliers créatifs ».

La Joaillerie Janin et l’Armide de Jacques Blanchard
(vers 1635)

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Sandra et Alexis Janin de la Joaillerie Janin succombent au charme d’Armide de Jacques Blanchard – 9 rue Hoche, 35 000 Rennes

Chaque tableau issu des collections anciennes du musée des Beaux Arts de Rennes raconte une histoire. Il recèle parfois un secret ou une anecdote que Guillaume Kazerouni révèle avec plaisir. Une histoire parfois décisive dans le choix du commerçant. Tel est le cas de Sandra et Alexis Janin, propriétaires de la joaillerie du même nom. « Les bijoux arborés par la dame dans Armide nous interpellent forcément en tant que joailliers, ces charmes aussi, mais la partie manquante du tableau qui est dévoilée et expliquée dans le cartel, mérite d’être fouillée ».

Le bar culturel Lazarus et la Bacchante endormie de Jean-Baptiste Marie Pierre
(18e siècle)

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Lucas et Grell du Lazarus Café optent pour Bacchante de – 7 place Saint-Anne, 35 000 Rennes

À l’occasion du changement de nom, le Lazarus Café (anciennement le Pignom), Lucas, le responsable et Grell, la chargée événementielle, ont opté pour la représentation remplie d’ivresse et de sensualité aux couleurs lunaires d’une bacchante endormie. « C’est une représentation assez littérale de l’ivresse, mais le côté érotique et la représentation avant-gardiste de la peinture pour l’époque nous a marqué. Le Lazarus est un lieu de culture, de passage et on trouve ce côté de pulsion, un peu animal et érotique ».

La boutique Saint James et Marine bleue, effet de vagues de Georges Lacombe
(1892-1894)

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Katherine, gérante de la boutique Saint- James – 3 Rue Ferdinand Buisson, 35 000 Rennes

Les vagues stylisées aux allures de plumes de paon du peintre nabi Georges Lacombe ont eu raison de Katherine, gérante de la boutique Saint-James. « La boutique a développé un esprit maritime avec comme slogan  » Né de la mer « . Je recherchais donc un tableau aux notes marines. L’intemporalité du tableau associée à des couleurs audacieuses représente bien l’esprit de la boutique qui valorise l’intemporalité du pull marin et de la marinière tout en lui apportant une modernité ».

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Guillaume Kazerouni emmène les commerçants dans les réserves afin de découvrir de potentielles toiles

Le Portrait de ma nourrice par Narcisse Chaillou (que Guillaume Kazerouni surnomme affectueusement l’édentée) n’a pas encore pris preneur, mais une idée s’est faufilée dans la tête du conservateur et il compte bien la mettre en place. « Les visiteurs l’ont surnommé la Joconde et comme chaque musée possède une réplique du tableau de Léonard de Vinci, je me suis amusé à les exposer côte à côte. J’aimerais beaucoup que la pharmacie la sélectionne, j’ai même une idée de scénographie ! ». L’édentée accompagnera t-elle la vitrine de la seule pharmacie participante, place du calvaire ? La réponse en avril prochain…

Esop du 3 avril à fin juin 2020, parcours artistique à travers les vitrines des commerces de Rennes, en partenariat avec le Musée des Beaux-Arts.

 

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HORAIRES
du mardi au vendredi : 10 h > 17 h
samedi et dimanche : 10 h > 18 h
Fermé le lundi et les jours fériés

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