Jusqu’au 3 novembre 2019, le parcours Et si on parlait d’art ? plonge le public dans les collections permanentes du Musée des Beaux-Arts de Rennes. Une invitation donnée à l’artiste-plasticien rennais Vincent-Michaël Vallet et à l’historienne spécialiste de la littérature artistique, Élisabeth Lavezzi. Présentation.

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Vue de la salle des caravagesques avec les œuvres Tirer les rideaux, allumer les bougies (gauche), une des sérigraphies Un possible arrière plan de Vincent-Michaël Vallet et Le Nouveau né de Georges de La Tour (1648)

Le musée de Bordeaux et la peinture anglaise, le musée de Lyon et le XIXe siècle, etc. Chaque musée a son identité artistique, et le Musée des Beaux-Arts de Rennes a fait du XVIIe siècle la sienne. Mais même si elles sont devenues une référence sur le plan international, les collections permanentes du siècle baroque et classique demeurent délaissées par les visiteurs rennais, qui leur préfèrent les expositions temporaires.

« Les collections permanentes d’un musée ne sont pas figées. Elles vivent et évoluent au fil des acquisitions. Le parcours Et si on parlait d’art ? est une réflexion sur les possibilités de dynamiser ces collections », commence Guillaume Kazerouni, conservateur des collections anciennes – peintures et dessins – et initiateur du projet.

Le Musée des Beaux-Arts de Rennes, en collaboration avec Élisabeth Lavezzi, historienne spécialiste de la littérature artistique, a invité l’artiste-plasticien rennais Vincent Michaël Vallet, diplômé de l’EESAB (École Européenne Supérieure d’Art de Bretagne) en 2017.

De l’observation classique à la réappropriation contemporaine

Explorer le parcours Et si on parlait d’Art ? ou ESOP, en référence à Ésope, écrivain grec d’origine phrygienne, a été pensé afin de retrouver le plaisir de se promener dans la collection d’art ancien du musée de Rennes, une des plus dynamiques de France. « L’idée est de venir au musée, picorer, lire un texte, repartir et, pourquoi pas, revenir et poursuivre sa visite », explique Guillaume Kazerouni. Le conservateur, l’historienne et l’artiste, complémentaires dans leur réflexion, invitent le public à appréhender les collections permanentes sous un nouveau jour.

Dès le début de la visite, un dialogue se crée entre les œuvres du passé et les formes hétéroclites contemporaines de Vincent-Michaël Vallet. Dans leur observation commune, le conservateur et l’artiste ont extrait l’essence plastique de chaque œuvre. En découlent des propositions plastiques de l’artiste d’où s’échappe une sensibilité particulière pour les outils numériques. Pour enrichir encore le dialogue, des extraits de textes relatifs à la peinture ont été sélectionnés par Élisabeth Lavezzi. Ils apportent le regard d’artistes, critiques d’art et écrivains du XVIIe sur ces œuvres qui étaient alors contemporaines.

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Vincent-Michaël Vallet, Sous le soleil (2019) Impressions numériques sur vinyle perforé et acrylique contrecollées sur bois.

Les sculptures et tableaux de l’artiste proposent un regard croisé entre le passé et le présent et racontent l’histoire de l’art. Il suffit de s’attarder sur les tableaux-rébus, à l’image de Tirer les rideaux, allumer les bougies et Sous le soleil. « Il s’agit de tableaux sur lesquels on peut s’appuyer et comprendre l’histoire du siècle de la salle », explique l’artiste.

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Jean-Baptiste Siméon Chardin, Pêches et raisins (1759) et Lubin Bauguin, Coupe de Fruits (vers 1630)

En regard de deux chefs d’œuvres, Pêches et raisins de Jean-Siméon Chardin (1759) et Coupe de fruits de Lubin Bauguin (vers 1630), l’artiste donne naissance à D’après nature, un dessin à la tablette graphique. Exposé dans un cadre issu des réserves du musée, le tableau trouve sa place au milieu des collections permanentes de l’espace des natures mortes. L’artiste intervient également dans la scénographie même du lieu avec Stickers. Ces reproductions naïves des éléments de la nature, semblables à des graffitis d’enfants, s’installent sur les murs et questionnent la hiérarchie des genres en remettant en perspective l’histoire de l’art. La nature morte étant autrefois considérée comme un sujet « mineur » concurrencé par la peinture historique et le portrait.

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Vincent-Michaël Vallet, D’après nature (2019) Dessin à la tablette graphique imprimé sur papier.

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Vincent-Michaël Vallet, Stickers (2019)

« Le travail de l’histoire de l’art consiste à recoller les morceaux d’un puzzle » Guillaume Kazerouni.

De la même manière, la sculpture Versailles, exposée dans la salle consacrée à la peinture française du XVIIe siècle, raconte l’histoire du tableau Repos de Diane de Charles de La Fosse (vers 1700). Les recherches historiques ont montré qu’une partie de la peinture a été coupée à une date indéterminée, ne laissant que les jambes d’une des nymphes. Sur socle, la silhouette lisse et épurée de la sculpture de Vincent-Michaël Vallet s’inscrit dans la continuité optique de la peinture et semble lui rendre la partie manquante.

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Vincent-Michaël Vallet, Versailles (2019) et Charles La Fosse, Le repos de Diane (vers 1700)

De même, La descente de croix (vers 1679), retable charismatique de Charles Le Brun devient Amour et bagarre dans les souliers propres sur gazon sous le regard de Vincent-Michaël Vallet. Un écho à la querelle du coloris, débat qui secoue la peinture française à la fin du XVIIe siècle. D’un côté, les poussinistes prônent la suprématie du tracé dans la peinture et de l’autre, les rubenistes, Charles Le Brun en tête, privilégient l’importance de la couleur. « Je me suis posé la question de savoir à quoi ressemblerait le tableau s’il était posé au sol avant d’être relevé ». Jouant sur une symétrie inversée, le retable se transforme en composition contemporaine abstraite d’où émane l’essence des convictions de Charles Le Brun. À en juger par la palette de couleur qui s’étend sur le sol, Vincent-Michaël Vallet, et avec lui une partie de l’art contemporain, semble avoir choisi son camp, à l’encontre de la peinture académique du XVIIe siècle.

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Charles Le Brun, Descente de croix (vers 1679) et Vincent-Michaël Vallet, Amour et Bagarre dans souliers propres sur gazon coloré (2019), modèle numérique imprimé sur moquette.

Le parcours se termine sur une note légère et humoristique et fait écho à l’importance du portrait au XVIIIe siècle, siècle des Lumières. Plus qu’une collaboration professionnelle, Autoportrait avec un ami (Guillaume Kazerouni) – hommage à une peinture du même titre de Raphaël, conservée au Musée du Louvre – révèle la complicité d’un binôme qui s’est créé dans le but de briser les frontières entre la création actuelle et les œuvres historiques.

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Vincent-Michaël Vallet, Autoportrait avec un ami (Guillaume Kazerouni), 2019, Dessin à la tablette graphique, impression laser.

Jusqu’au 3 novembre 2019, Parcours Et si on parlait d’art ? au musée des Beaux-Arts de Rennes. 

HORAIRES
du mardi au vendredi : 10 h > 17 h
samedi et dimanche : 10 h > 18 h
Fermé le lundi et les jours fériés

ACCÈS
Musée des beaux-arts de Rennes
20 quai Émile Zola
35000 Rennes

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