Elle, c’est Jeanne. Jeanne la douceur. Jeanne la libraire. Jeanne la discrète. Elle va bien Jeanne, entre la librairie où elle s’occupe de littérature générale, des prochaines rentrées qu’elle dévore, du train-train et du couple tranquille qu’elle forme avec Matt, son mari. Tout semble au mieux dans le meilleur des mondes… En apparence.

Sorj Chalandon

Parce que Jeanne la discrète ne laisse pas entrevoir les blessures qui ne se ferment pas. La perte de Jules, le fils qu’elle a eu avec Matt et qui est mort il y a cinq ans. Et ce couple qui n’est depuis que façade. Alors Jeanne sert les dents et regarde devant.

Un jour, elle doit voir son médecin pour des examens… Et elle apprend brutalement qu’elle va devoir se battre contre un cancer du sein. Une épreuve de plus, une épreuve encore… Mais cela se soigne bien, la rassure-t-on alentour. Et puis, il faudra bien se battre, sans quoi la maladie aura raison de sa vie.

Jeanne s’exécute, bonne élève, studieuse, obéissante. Elle se plie au protocole qu’on lui impose pour les mois à venir : chirurgie, chimiothérapie, et radiothérapie si les choses se déroulent normalement. Et positivement. Autant se dire qu’on navigue à vue. Heureusement, Jeanne a le soutien de ses proches… Enfin presque, parce Matt se tire, c’en est trop, après la perte du fils, peut-être la perte de sa femme, celle qu’il côtoie, mais ne touche plus depuis la disparition de Jules. Il ne peut plus… le salaud la laisse se battre contre son cancer, après tout c’est son cancer à elle.

Pendant les soins, Jeanne la discrète va faire une rencontre décisive pour la suite de son existence, pour le temps qui reste. Un trio bien singulier, Brigitte, Aïssa et Mélody… Et les quatre femmes aux tempéraments colorés et pimentés vont s’embarquer dans une aventure bien rocambolesque… pour aider, pour rester debout, par solidarité, par amour… pour donner du sens au quotidien au-delà de la peur du jour de trop, des douleurs, de la souffrance, de la mort qui joue sans cesse avec elles.

En jouant de la mise en abyme, Sorj Chalandon met en scène des femmes confrontées à la maladie, à la mort, à l’atteinte dans leur chair, et qui pourtant restent debout, quand les autres alentour s’effondrent, elles vont de l’avant. Roman sur la force mentale, sur la lutte pour la force physique, sur la solidarité, sur la dureté du monde médical devenu une industrie à soigner qui oublie parfois la notion d’humanité, qui réussit à nous distraire malgré tout et évite l’écueil facile du pathos. Jeanne et les autres sont de sacrées femmes qui nous montrent le visage même du courage, l’inverse même de la veulerie des hommes. Entre petits mensonges et grande sincérité.

Dur, foudroyant ! Mais terriblement juste !

Sorj Chalandon, Une joie féroce, Paris, Éditions Grasset, 320 pages. Parution : 14 août 2019. Prix : 20,90 €.

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Sorj Chalandon
Photo : Olivier Dion

Après trente-quatre ans à Libération, Sorj Chalandon est aujourd’hui journaliste au Canard enchaîné. Ancien grand reporter, prix Albert-Londres (1988), il est aussi l’auteur de sept romans, tous parus chez Grasset. Le Petit Bonzi (2005), Une promesse (2006 – prix Médicis), Mon traître (2008), La Légende de nos pères (2009), Retour à Killybegs (2011 – Grand Prix du roman de l’Académie française), Le Quatrième Mur (2013 – prix Goncourt des lycéens), Profession du père (2015) et Le Jour d’avant (2017).

Christophe Maris
Christophe Maris est journaliste et écrivain, agrégé de Lettres modernes. Il collabore à plusieurs émissions de TV et radio et conçoit des magazines pour l'enseignement où il a oeuvré une quinzaine d'années en qualité de professeur de lettres, d'histoire et de communication.

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