Pour sa quatrième édition, le Salon des Expérimentations et Innovations Sociales et Solidaires (SEIS#4), organisé par l’école bretonne ASKORIA, a accueilli plus de 2000 visiteurs tout au long de la journée du 10 octobre. L’objectif de cette journée ? Permettre à des entreprises, associations, coopératives – qui, pour la plupart, fonctionnent sur le modèle de l’économie sociale et solidaire — de mettre en avant leurs projets sur le thème des Solidarités. Étudiants, professionnels et visiteurs de tous horizons ont donc pu s’y rencontrer afin d’échanger et de créer du lien pour qu’un jour peut-être, une nouvelle forme de modèle économique émerge à l’échelle nationale ? Reportage.

L’innovation sociale : qui est concerné ?

La quatrième édition du Salon des Expérimentations et Innovations Sociales et Solidaires (SEIS#4) s’est ouverte par une journée dédiée aux 73 exposants, le mercredi 9 octobre. Outre favoriser les rencontres et les échanges, cette journée a également était le lieu de plusieurs discours et conférences. Olivier Palluault, directeur associé d’ ELLYX, un générateur d’innovation sociale, a rappelé lors du dernier de ces colloques, les attentes et finalités de l’ « innovation sociale ». 

Selon lui, les projets qui se réclament d’innovateurs sociaux concernent la Société avec un grand « S », dans le sens où ils contribuent à des enjeux d’intérêt général. Dans ce dessein, ils viennent nécessairement questionner une problématique d’ordre global. À titre d’exemple, monsieur Palluault a cité une entreprise qui a mis au monde un jeu à destination des personnages âgés en EHPAD. À travers ce jeu, ce sont les facultés des patients qui sont mises en avant, et non pas, pour une fois, leurs défaillances. À ce jour, ce jeu peine à jouir d’une visibilité optimale, car il remet en cause le système financier des l’EHPAD, à l’échelle nationale. Notamment en s’inscrivant dans une dynamique où moins d’argent serait destiné aux soins et plus à la recherche d’autonomie. Dès lors, ce projet a pour vocation de croiser et de transformer les écosystèmes et nécessite une hybridation d’acteurs pour voir le jour. Ce qui fait de lui un modèle exquis en matière d’innovation sociale.

Une journée au SEIS#4

Le SEIS#4 a officiellement ouvert ses portes aux visiteurs le mercredi soir, en les invitant à une représentation théâtrale intitulée « Mémori », mise en scène par la compagnie La Morsure. Un spectacle particulièrement touchant puisque ce soir là, ce sont 8 comédiens amateurs âgés de 65 à 85 ans, accompagnés de trois professionnels qui l’ont interprété. Le grand amphithéâtre d’Askoria, comble de 250 spectateurs, a chaudement applaudi cette « création improvisée » de Marie Parent, où jeu d’acteurs et complète improvisation se sont entremêlés. « Un jeu théâtral entre la mise en forme de la vérité ou la mise en scène du mensonge », qui force l’admiration et fait tomber les barrières de l’expression scénique.

Salon Askoria

Le jeudi 10 octobre, les 73 entreprises, associations, coopératives,… présentent aux SEIS#4 se sont partagées la journée entre : stands d’exposition, conférences, ateliers, projections de documentaires, etc. Quelques-unes de ces manifestations ont spécifiquement retenu notre attention. Et notamment, celles reliées, d’une façon ou d’une autre, à la culture. Petit tour d’horizon.

L’objectif : Rendre l’information accessible à tous.

Comment ? En envoyant par mail, deux fois par semaine un recto/verso aux abonnés, qui reprend l’actualité en l’expliquant simplement. 4 types de journaux sont proposés :
Info-F@x Sourds, créé en 2000 à destination des sourds, Vite Lu Nymphéa (2003) pour un public plus large, comme des associations de lutte contre l’illettrisme, Vite Lu Adultes Âgés et Vite Lu Lila, pour des personnes en situation de handicap mental ou psychique. (Il faut compter environ 73€/an pour recevoir l’un de ces journaux). Des fiches thématiques sont également disponibles gratuitement sur le site Lilavie. Par exemple, la dernière propose une explication claire et concise du fonctionnement des impôts et les taxes. 

Pourquoi ? La fondatrice de l’association, Anne Jeanneau, a un frère sourd qui, pour s’informer au moyen de la presse écrite, se voyait contraint de lire le quotidien pour enfants : Mon quotidien. Bien que très bien pensé pour les enfants, Anne considérait ces journaux très infantilisants pour son frère, d’où son désir de proposer une alternative.

Véronique Jolivet, salariée de l’association depuis plus de dix ans, nous a expliqué pourquoi Lilavie se veut socialement innovante : « Nous créons du lien à grande échelle. Tous les abonnés ont la possibilité de s’exprimer dans nos journaux à travers différentes activités. En plus d’être en mesure de s’informer régulièrement et d’ainsi faire partie intégrante du monde qui les entoure, ils se découvrent et se lisent d’un bout à l’autre de la France. Et ce, parce que nous leur offrons la possibilité de libérer leur parole. »

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Tweet du magazine UP le mag – 20 mars 2017

Le début d’après-midi du jeudi 10 octobre a été ponctué par la projection du documentaire Feuilles libres, réalisé par Pierre François Lebrun, suivie d’une table ronde destinée à une réflexion sur la culture dans le milieu carcéral. Alain Faure, le directeur des Établissements Bollec et Alice Guibert, chargée de projet de La Ligue de l’Enseignement 35 répondaient présents. Le grand amphithéâtre de l’école Askoria était plein à craquer pour accueillir le documentaire.

L’objectif : Mettre en lumière le projet Citad’elles. Celui-ci a été initié par Les Établissements Bollec, avec le Service pénitentiaire d’insertion et de probation d’Ille-et-Vilaine et la Ligue de l’Enseignement 35. Il permet à des détenues du Centre Pénitentiaire pour femmes de Rennes de créer un magazine trimestriel, à travers lequel elles abordent des thématiques qui leur tiennent à cœur. Dans ce dessein, elles sont accompagnées d’une journaliste, d’une graphiste et d’une illustratrice issues des Etablissements Bollec.

Comment ? Pendant 4 mois, le réalisateur s’est immiscé dans les ateliers dédiés à la création du 13ème numéro du magazine Citad’elles.

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13ème numéro de Citad’elles – un magazine trimestriel. Le 20ème numéro est sorti cet été

Pourquoi ? « Les femmes représentent 3% du milieu carcéral. Il est primordial de leur donner la parole pour qu’au-delà de la prison, nous puissions nous rendre compte de leur réalité. Faire entrer la culture dans leur quotidien est un moyen de les émanciper personnellement et de leur faire oublier, le temps d’un instant, qu’elles sont en détention. Participer à ce salon est une façon de rencontrer de nouveaux partenaires financiers pour que les détenues puissent continuer à s’exprimer et que leurs voix résonnent, jusqu’outre les barreaux », souligne Alain Faure.

Les Établissements Bollec proposent « une approche décalée et joyeuse » du dessin, du graphisme, de la bande dessinée et proposent des ateliers, des expositions itinérantes, des spectacles ainsi que des modules de formation. Ils sont largement partisans de l’éducation populaire, du « faire ensemble », du partage des connaissances, de l’expérimentation et de l’interdisciplinarité. Il s’agit d’une association loi 1901 qui regroupe depuis 2005 un collectif de dessinateurs, d’auteurs, de graphistes, de journalistes, … déterminés à partager leurs compétences. Le projet Citad’elles existe depuis 8 ans et se destine à des femmes qui purgent de longues peines (de 3 à 25 ans).

Les épisodes du documentaire sont à retrouver ici et tous les numéros de Citad’elles sont en libre accès ici.

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Alain Faure exposant les derniers numéros de Citad’elles

L’objectif : Redorer la figure des opéras.

Comment ? En créant des opéras coopératifs où des jeunes issus de lycées professionnels (près de 500 par an) sont invités à prendre part à la mise en scène d’un spectacle lyrique : costumes, décors, maquillages, coiffures, organisation.

Pourquoi ? Impliquer des jeunes dans le processus de création d’un spectacle lyrique destiné à être vu par des milliers de spectateurs, permet aux lycéens de s’investir dans un projet ancré dans des réalités professionnelles. Ceci est également un moyen de réduire considérablement le prix d’un billet d’Opéra. Benjamin Molleron, directeur du développement de La Fabrique Opéra, complète les raisons d’être de cette association : « Seulement 4% des Français vont à l’Opéra et la population qui s’y rend vieillit d’année en année. Notre association collabore avec des lycées professionnels et bizarrement, il n’y a jamais aucun absent aux cours destinés à la préparation des Opéras, bien qu’ils soient facultatifs. Lorsque l’on arrive avec une approche différente en proposant aux jeunes de s’impliquer pour un projet concret, on arrive à changer les jeunes eux-mêmes. Et ainsi, ils se prennent d’intérêt pour une activité culturelle qui n’aurait certainement jamais croisé leur chemin. »

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Benjamin Molleron au stand de La Fabrique Opéra – association lauréate du concours de La France s’Engage qui récompense chaque année des acteurs porteurs d’un projet dans l’innovation sociale

L’objectif : Proposer des obsèques coopératives.

Comment ? En mettant les familles au cœur du processus des funérailles avant, pendant et après. Notamment en prônant la transparence de l’information, en proposant des permanences d’accueil pour les personnes désireuses d’échanger au sujet des obsèques, peu importe le moment de leur existence. Ou encore, en organisant des Cafés mortels pendant lesquels les tabous concernant la mort sont invités à être brisés. Le prochain de ces cafés sera l’occasion pour des thanatopracteurs de venir présenter leur profession et de discuter avec les participants des raisons d’être d’un soin sur le corps d’un défunt. Il se tiendra le 24 octobre au Ateliers du Vent. Cette coopérative expose aussi aux familles toutes les possibilités qui s’offrent à elles en matière de cérémonies, religieuses ou non, qui souvent, sont parfaitement réalisables, même si elles s’émancipent des carcans traditionnels.

Les acteurs locaux sont également mis en avant par cette coopérative qui s’inscrit dans la dynamique du développement durable. La Coopérative funéraire de Rennes ne vend pas de produits mais aspire à faire prendre conscience aux familles que des alternatives sont envisageables, même en matière de funérailles. Acheter des fleurs chez un fleuriste de la région, plutôt que des les faire venir de l’autre bout de la planète par exemple.

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Pourquoi ? Isabelle Georges est à l’initiative de ce projet. Elle raconte : « Lors d’un voyage au Québec en 2011, j’ai découvert ce qu’était une coopérative funéraire. À cette époque je ne m’y étais pas vraiment intéressée mais 4 ans plus tard, j’ai dû organiser les obsèques d’un proche et c’est à ce moment que j’ai réalisé que ce qui était proposé en France ne me convenait pas du tout : pas assez d’accompagnement, pas de propositions d’alternatives et surtout, des prix assez exorbitants ! »

La Coopérative funéraire de Rennes ouvrira ses portes en novembre prochain. Un accompagnement complet y coûtera 1000 €. Bien sûr, puisque la coopérative fonctionne sur le modèle de l’économie sociale et solidaire, tous les bénéfices seront réinvestis pour le développement de la structure.

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Reconstitution d’un intérieur chaleureux d’une coopérative funéraire avec en fond, le cercueil en carton destiné à prouver que des alternatives sont possibles en matière de funérailles.

À la fin de la journée, Unidivers a rencontré quelques visiteurs. Chloé et Marguerite, deux étudiantes d’ASKORIA nous ont confié : « Grâce à ce salon, nous avons pu nous rendre compte des initiatives et projets qui existent sur le territoire, ce qui est très intéressant pour notre avenir professionnel. Aussi, comme les exposants représentaient des thématiques très diverses et variées, ceci nous a permis de nous ouvrir à des sujets qui ne nous auraient pas forcément intéressées si nous n’avions pas eu une personne en face de nous pour nous défendre son projet. »

Quant à Anne, elle nous a révélé les raisons qui l’ont poussé à venir passer l’après-midi au salon :  » Je suis consultante et je suis venue me renseigner pour savoir comment les structures solidaires s’organisent, notamment en ce qui concerne leur modèle économique (combien de bénévoles ont-elles ? Quels sont les salaires des salariés ? …). Et sur le plan personnel, comme je suis bénévole dans une coopérative d’achat qui fonctionne exclusivement avec des bénévoles, je suis venue nourrir mon esprit pour savoir comment il faut que je m’y prenne pour salarier quelqu’un. Je suis ravie, je repars avec les idées plus claires grâce à ce salon ! ».

Pour Colin, un jeune visiteur, ce salon a été l’occasion de dénicher des projets qui vont désormais lui être utiles au quotidien : « En déambulant de stand en stand, j’ai par exemple découvert l’existence de l’association Solinium, une association qui centralise toutes les informations relatives au domaine social. Je trouve ça génial, je compte bien utiliser leurs services et parler d’elle autour de moi afin qu’elle prenne de plus en plus d’ampleur ! ».

En outre, ce salon a été l’occasion pour tous de réfléchir autour des Solidarités, tout en prenant conscience que des systèmes économiques alternatifs, qui luttent contre les mécanismes capitalistes habituels, sont possibles. Et plus ceux qui adhèrent à ces schémas innovants sont nombreux, plus cela pourrait amener les puissantes structures de ce monde à se pencher sur la question. Jusqu’à ce qu’elles se voient, un jour peut-être, contraintes à se réformer…

 

L’interview de Marion Eslinger, coordinatrice du SEIS#4 et d’Antoine Leroyer, étudiant à Askoria : ici. 

Liste des exposants présents au SEIS#4 :

Les lauréats de La Fondation s’engagent ( « Quand un projet gagne le concours national La France s’engage, il intègre une promotion durant 3 ans, au sein de laquelle la France s’engage va leur donner les moyens financiers nécessaires, de 50 000 à 300 000 euros pour leur permettre d’exister, d’investir, d’embaucher ».)

La Fondation La France s’engage
Entourage
La Fabrique Opéra
Indigo
My Human Kit
ProxiDon
SOLAAL
Unis Cité
Wintegreat

Mais aussi :

A – B

C – D

E à J

 K à O

P à R

S – T

U à Z

 

Site internet Askoria 

Site internet du SEIS#4 

Page Facebook de SEIS#4 

 

Julie Pialot
Julie Pialot a suivi des études de Lettres Modernes. Pendant une année d'ERASMUS à Pondichéry (Inde), elle a rédigé un mémoire sur la littérature de voyage en Orient, avant de compléter sa formation à l'école de journalisme de Marseille. Passionnée de voyages et de nouvelles découvertes, c'est en Bretagne, son choix de coeur, qu'elle a choisi de mettre en valeur les initiatives culturelles locales.

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