Sur le parvis des Champs Libres de Rennes se déroule un étrange spectacle : Nous sommes de la compagnie Jeanne Simone offre au spectateur une aventure urbaine et scénique peu commune mélangeant danse, prise de parole et musique. Deux jours pour découvrir ce spectacle singulier, beau, parfois drôle, surtout intelligent.

nous sommes

En arrivant devant les Champs Libres, vous ne verrez que de simples bancs de bois, des haut-parleurs et un tapis vert. Ces gradins et l’équipe technique sont les seules traces visibles de l’emplacement du spectacle. Pourtant, il se déroule bien là, la rue est le lieu de l’événement. Dès les premières minutes, lorsque les huit interprètes sortent de leur anonymat et s’avancent vers le public, on comprend que le spectacle sera dans la rue, partout à la fois. Vous voilà plongés dans plus d’une heure « d’intervention graphique, corporelle et sonore urbaine ».

NOUS SOMMES
Les artistes de la troupe Jeanne Simone utilisent l’espace urbain comme un espace d’art et d’expression. Chacun bouge, s’approprie les lieux à sa façon. L’ouverture de Nous sommes utilise d’emblée l’espace public dans toute sa grandeur. Au rythme de son monologue, le premier acteur apparaît en remontant l’esplanade Charles de Gaulle vers les Champs Libres. Les allers-retours incessants des bus, les piliers métalliques des Champs Libres ou les arbres de la place deviennent des structures de jeu pour eux. Ils les grimpent, les frôlent, les heurtent ou les utilisent comme promontoires.

À l’aide d’instruments divers, les interprètent investissent le lieu. L’un joue de la clarinette avec plus ou moins de talent, l’autre du trombone, un autre encore se promène avec un micro et tente de nous faire écouter le moindre des bruits urbains (bus, conversation, bruit de pas…). Le mobilier de la ville devient lui aussi instrument du spectacle, les poubelles sont par exemple utilisées.

Différentes techniques artistiques sont utilisées tout au long de la représentation. D’abord la parole, avec laquelle le spectacle s’ouvre. Tour à tour, les artistes prennent place devant l’estrade du public, et pour certains, se présentent au micro. Leurs discours souvent hésitants sont parasités par les bruits de la ville, par les sons d’instruments, par de la musique, etc. Cependant, le spectacle prend véritablement vie grâce aux mouvements et à la danse. Ils courent, ils sautent, se lancent dans des ballets classiques, se cachent sous l’estrade…

Le spectacle Nous sommes met en avant la notion de simultanéité. Les interprètes n’arrêtent jamais de jouer lorsque l’un d’entre eux prend la parole ou commence une danse. Continuellement, il faut chercher du regard sur la place ce que fait chacun des huit acteurs. Ils forment un tout, se répondant par leurs mouvements, leurs paroles, leurs cris. Parfois, ils s’allient en petits groupes pour quelques instants avant de repartir chacun de leurs côtés et de poursuivre leur démarche artistique.

nous sommes jeanne rennes

Le jeu n’est cependant pas qu’entre eux ou avec la ville, il s’instaure également entre les interprètes et les passants. Par intermittence, les artistes s’intègrent parmi ces derniers, disparaissent dans la foule avant de réapparaître sur le devant de la scène. Certains spectateurs sont intégrés dans la représentation artistique, les artistes s’arrêtent auprès d’eux, jouent avec eux avant de repartir. Ils sont dans un mouvement constant, une forme de flux comme l’explique une des huit interprètes au cours du spectacle : « Je suis dans un flux, je suis traversée par un tas de flux que je ne peux pas toujours identifier ».

nous sommes jeanne simone

Le spectacle porte toute une réflexion sur l’union et l’unité. L’ouverture menée par un interprète, insiste sur le « je » en mettant en exergue tout ce que la subjectivité peut être : « Je suis beau, je suis un homme, je suis un ongle incarné, je suis un loser, je suis François Bayrou ». Puis de façon brutale, lorsque la troupe se réunit, le « je » devient un « nous » : « Nous sommes la foule, nous sommes la fureur ». Toutefois, plus qu’un assemblage de « je » en un « nous », la troupe se transforme progressivement en un « on », comme pour souligner que plus qu’un amalgame de subjectivités, ils forment un ensemble hétérogène, mais uni. La comparaison ouverture/fermeture est parlante à bien des égards. L’interprète qui marche seul sur le devant de la scène en déclamant haut et fort son monologue du « Je suis… » au début de la représentation, se transforme à sa fin en un groupe statique avec une porte-parole au ton apaisé, doux et calme qui répète inlassablement « On est… ».

« On est vaste, on est multiple, on est ancien, on est des suites, on est de passage, on est des passants, on est des quelqu’uns. »

nous sommes rennes

Au travers des paroles de chaque interprète, s’esquisse également un questionnement sur l’identité individuelle. Lorsque les artistes entreprennent de se présenter verbalement, ils mettent en avant des données factuelles comme leur âge ou leur sexe, mais aussi leurs liens avec les autres, leurs parents, leurs grands-parents, leurs enfants… Pourtant, comme le souligne une des interprètes, chacun d’entre eux est plus que ce qu’il nous énonce ou ce qu’il semble être : « Je suis beaucoup plus vaste que ce que vous voyez devant vous ».

nous sommes jeanne simone

La compagnie Jeanne Simone a été fondée en 2004 par Laura Terrier. Danseuse et chorégraphe de formation, elle a pour ambition d’amener la danse dans l’espace public, de l’inviter là on ne l’attend pas. Ce souci l’a amenée à proposer des représentations au milieu des espaces de vie comme la rue pour Nous sommes (2015) ou sur des routes pour Le goudron n’est pas un meuble (2007). Plus récemment, elle a également réalisé le spectacle Une forêt d’écoutant (2015) afin d’inviter les spectateurs dans une rencontre de ce qui nous entoure.

Les prochaines représentations de Nous sommes auront lieu samedi à 12h30 et dimanche à 15h. Elles seront l’occasion de vous surprendre et de vous questionner sur ce que vous êtes, ce que nous sommes et sur ce que chacun est et qu’on ne voit parfois pas.

Nous sommes, Compagnie Jeanne SimoneParvis des Champs Libres1h10, samedi à 12h30 et dimanche à 15h, durée : 1h10. Gratuit. 400 places. dans le cadre des Tombées de la nuit.

DISTRIBUTION

Chorégraphie et mise en scène : Laure Terrier  et Mathias Forge /Regard extérieur sur la dramaturgie et l’espace : Cyril Jaubert ( Opéra Pagaï ) / Ecrit avec la complicité des artistes interprètes  : Laetitia Andrieu, Mathias Forge, Guillaume Grisel, Céline Kerrec, Nicolas Lanier, Camille Perrin, Anne - Laure Pigache et Miles Siefridt / Administration de la production : Marilyne Peter /Production : JEANNE SIMONE

Coproductions et accueil en résidence
OARA ( Office Artistique de la Région Aquitaine ) / PRONOMADE ( S ) EN HAUTE - GARONNE, Centre National des Arts de la Rue, Encausse - Les - Thermes (31) /LA PAPERIE, Centre National des Arts de la Rue, Angers ( 49 ) /ENTRE-SORT DE FURIES,, Châlons - en - Champagne ( 51 ) / LE CARRE -LES COLONNES, Scène conventionnée de Blanquefort - St - Médard - en - Jalles ( 33 ) / LE LIBURNIA, théâtre de Libourne ( 33 ) / Ville de BORDEAUX (33) / Ville de MERIGNAC ( 33 ) / HAMEKA, Communauté de communes Errobi, Itxassou ( 64 ) / RAMDAM, Sainte - Foy - Lès - Lyon ( 69 ) / L’ODYSSEE, Scène conventionnée de Périgueux, ( 24 ) / Institut national des Arts du Mime et du Geste / L’ABATTOIR, Centre National des Arts de la Rue, Chalon - sur - Saône ( 71 ) / 2R2C, Coopérative De Rue De Cirque, Scène conventionnée pour les arts de la rue et du cirque pour l’accompagnement de la création, Paris ( 75 )

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Laura Brassier
Laura Brassier est étudiante en 3e année à Sc. Po. Elle réalise son stage de web-journalisme à Unidivers.

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