fresque écrans juliette hirtz

La Fresque des écrans est un atelier participatif. Il s’emploie à faire comprendre le fonctionnement du numérique afin de reprendre le pouvoir sur notre rapport aux écrans. Sur le même modèle que La Fresque du climat, l’outil pédagogique est une proposition de la structure d’Économie sociale et solidaire COLORI, dédié à l’apprentissage du numérique chez les enfants, et a été conçu par Juliette Hirtz.

Depuis l’avènement d’Internet et l’explosion des appareils connectés, le numérique ne cesse de transformer notre société moderne. Il a pris une place prépondérante dans notre quotidien et est présent dans tous les aspects de notre vie : la communication, l’éducation, la santé, les loisirs, le travail. Mais connaissons-nous réellement son fonctionnement et ses impacts sur nous en tant qu’individus, mais aussi de manière collective ? Sur le même modèle que la fresque du climat, la fresque des écrans de Juliette Hirtz a été pensée comme un moyen de reprendre le pouvoir sur notre rapport aux écrans. 

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Juliette Hirtz, conceptrice de La Fresque des écrans

La Fresque du climat est un outil pédagogique de vulgarisation scientifique imaginé en 2018 par le Français Cédric Ringenbach, expert scientifique du GIEC. Définies comme un jeu sérieux d’intelligence collective, les 42 cartes permettent d’appréhender de manière ludique et pédagogique les causes et conséquences du dérèglement climatique et les phénomènes qui y mènent. Formée à la fresque sans l’avoir encore animée, Juliette Hirtz s’occupe néanmoins régulièrement de l’atelier 2 Tonnes, dont le titre fait référence à l’objectif de réduction de notre empreinte carbone à l’horizon 2050. « Là où la fresque du climat se concentre sur les enjeux scientifiques de compréhension du phénomène météorologique, l’atelier 2 Tonnes est une proposition politique sur les solutions et les choix de vie individuels et collectifs », déclare l’ancienne conseillère de la présidente de la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL). Elle s’occupait particulièrement des questions liées à l’éthique du numérique, à la réflexion de ce qui est juste ou pas dans une société. « La société étant particulièrement chamboulée par l’évolution rapide des nouvelles technologies, certaines de nos logiques de vivre ensemble sont ébranlées. Et la CNIL, qui a toujours eu un rôle de juge sociétal, s’intéresse à ses questions et organise chaque année un colloque, ce qui m’a amené à beaucoup lire. »

C’est Amélia Matar, fondatrice de la start-up COLORI, entreprise de l’Économie Sociale et Solidaire (ESUS) dédiée à l’éducation au numérique des enfants, qui l’a sollicité pour concevoir la fresque des écrans et prolonge ses missions. Depuis 2018, COLORI initie tous les enfants dès 3 ans au numérique par le biais d’ateliers sans écrans. Ils manipulent les grandes notions informatiques et questionnent le fonctionnement des ordinateurs, échangent sur la place des écrans et sur l’empreinte écologique de la révolution numérique.

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Dans la société moderne hyper-connectée, la maîtrise du numérique devient fondamentale selon Juliette Hirtz : « Yuval Noah Harari, dans son livre Homo Deus, explique qu’il y aura plus de différences en termes de compétences et d’intelligence entre l’homo sapiens et l’homo deus, l’homme qui s’est numérisé et maîtrisé la technologie, qu’entre l’homo sapiens et l’homo neandertal », nous apprend-elle. « On voit très bien dans l’accès à l’emploi, par exemple, que ceux qui maîtrisent le numérique ont un avantage sur les autres et nos enfants auront des métiers qui n’existent pas encore. » Juliette Hirtz a conçu le jeu, Amélia Marat le déploie et Marie Danet, maîtresse de conférence en psychologie à l’Université de Lille et spécialiste sur la place des écrans dans les familles, a relu les cartes. « On voulait être dans une démarche la plus scientifiquement sourcée possible. » La conceptrice s’est appuyé sur le premier rapport éthique de la CNIL publié en 2017, IA et Algorithme : comment permettre à l’homme de garder la main, et sur le baromètre du numérique 2022 qui quantifie nos usages. « Aujourd’hui, on passe un tiers de notre temps sur nos écrans et il y a dix ans, seulement 20 % de personnes ne pouvaient se passer d’internet une journée, aujourd’hui c’est 50 %. » Tout un corpus scientifique a aussi été rassemblé par Marie Danet a fait un rapport,un condensé de la recherche sur l’accès des enfants au numérique.

Alors que COLORI s’adresse aux enfants dès trois ans, la Fresque des écrans cible en priorité les adolescents à partir de 11 ans. L’atelier participatif vise à développer l’esprit critique, apprendre à prendre du recul sur la pratique du numérique, éduquer sur le fonctionnement des médias dans le but, in fine, d’aider les jeunes générations à grandir en citoyens heureux et responsables. Au même titre qu’elle met en lumière les dangers du numérique, la fresque montre les progrès et les bénéfices des écrans – lien social, culture, éducation, etc. À usage modéré et conscient, le numérique peut développer notre curiosité et enrichir notre culture, l’ambition d’un tel projet est ainsi de responsabiliser les adolescents en leur donnant toutes les clés en main. « L’idée est d’alerter sur certaines dérives et certains problèmes sociétaux réels, mais on n’est pas dans une démarche de diabolisation. »

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Pendant l’atelier, est passé en revue tout ce que la science a prouvé comme dangers à l’échelle individuelle – problèmes de vue, de poids, mais aussi relationnel -. Les participants s’attardent ensuite sur le système économique dans lequel nous sommes, en abordant notamment la logique des algorithmes et la captologie (la science pour capter notre attention), puis sur la conséquence sociétale de cette nouvelle économie. En éclairant sur des sujets divers – les jeux vidéos comme lieux de propagande et de manipulation pour les jeunes, le cyber-harcèlement sur les réseaux sociaux, la manipulation des opinions ou la fracture sociale -, une réflexion globale sur l’usage intensif de chaque type d’écrans.

« Ce qui est problématique dans les écrans, c’est que, parfois, leur usage cache une réalité sociale qui, elle, est problématique. »

L’atelier s’adresse également aux parents. « Tout fonctionne par mimétisme. Si on veut éduquer les enfants, il faut déjà que les parents le soient », affirme Juliette Hirtz en citant un des débats actuels : les écrans rendent-ils bêtes ou pas ? « Michel Desmurget a publié un essai sur le rapport à la lecture [La fabrique du crétin digital, publié aux éditions Seuil, ndlr], mais cette question de l’intelligence est délicat d’un point de vue purement scientifique. Ce qui est prouvé, c’est qu’effectivement l’usage intensif des écrans peut affecter le développement langagé des jeunes enfants. Néanmoins des études prouvent qu’ils peuvent aussi être un facteur d’apprentissage et de développement cognitif bénéfique pour qui sait s’en servir. » 

Après ce premier temps d’atelier, les participants et participantes sont invités à réfléchir à leurs pratiques numériques et les plans d’action à mettre en place individuellement et collectivement. « Les écrans ne sont pas mauvais en soi, c’est l’usage qu’en est fait. Ce qui est mauvais, c’est quand il y a une sensation impulsive et que ça crée de l’isolement », conclut la conceptrice.

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Pour le moment, les ateliers de La Fresque des écrans se déroulent exclusivement à Paris, mais des dates devraient être prochainement programmées en Bretagne.

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