Les Champs Libres repensent la scénographie de son hall d’accueil, un changement signé Guénolé Jézéquel. Redistribution des espaces, modifications de la structure centrale, mobilier flambant neuf, le jeune architecte redynamise le lieu. Aperçu d’un projet atypique.

Il faudra prendre son mal en patience. Le nouveau visage du hall des Champs Libres ne sera visible qu’en décembre 2021. En attendant, voici dévoilés les projets et plans du nouveau hall d’accueil, une étude à la fois minimaliste, mais complète qui permettra de revaloriser un espace trop longtemps laissé de côté. C’est à Guénolé Jézéquel que la direction des Champs Libres a fait appel, dès fin 2019, pour repenser cet espace. Cet architecte de formation a su cumuler, au fil des années, des expériences diverses dans le domaine du design et de la scénographie. Des qualités qui font de lui la personne adéquate pour repenser de manière complète un espace aussi complexe que le hall de ce bâtiment, figure majeure de la vie culturelle rennaise.

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Guénolé Jézéquel

Architecte, designer et scénographe

Tout a commencé lorsque le jeune homme s’est associé, à la fin de ses études, à d’autres architectes en devenir pour créer le collectif Bureau Cosmique, un collectif autour de la réflexion entre architecture et construction. L’idée était d’intervenir sur de futurs sites urbains et de leur insuffler une première vie sans attendre 10 ou 15 ans que se terminent les travaux.

Le collectif était intervenu, entre autres, sur le site en friche de La Courrouze, en 2012-2013, et avait travaillé sur un projet de territoire La Vallée de la Vilaine, en 2015. Ce dernier avait pour but la revalorisation les abords de la Vilaine entre Rennes et Laillé, avec l’installation d’un parcours d’une dizaine de kilomètres parsemé de bivouacs et de « banquets » itinérants créés pour l’occasion par Bureau Cosmique.

  • vallée de la vilaine
  • vallée de la vilaine

Une réflexion autour des différentes pratiques scénographiques architecturales, mais aussi sociales vers lesquelles Guénolé Jézéquel orientera ses travaux. En effet, en parallèle du collectif, il collabore avec Eric Morin pour la réalisation d’expositions comme celles de Giacometti et de Mirò à la Fondation Leclerc, à Landerneau.

Il travaille également avec des compagnies de théâtre sur la création de scénographies et d’installations. Sans oublier ses connaissances théoriques et pratiques dans la menuiserie et l’artisanat qu’il entretient durant son temps libre. Ces expériences éclectiques lui ont permis d’acquérir un véritable savoir-faire scénographique qui, associé à ses compétences en architecture, font de lui un architecte complet et atypique. Cette fusion de disciplines se retrouve dans le projet qu’il propose pour le réaménagement de l’accueil des Champs Libres, un projet orienté vers la mise en valeur de l’artisanat et des matériaux dans l’espace public et vers l’appropriation que cette mise en valeur suscite.

hall champs libres

Un projet atypique

Trois structures cohabitent au sein des Champs Libres, à savoir le Musée de Bretagne, la Bibliothèque et l’Espace des Sciences. La grande contrainte que présente le hall d’accueil réside donc dans la pluralité des espaces qu’il doit desservir. Prévus cet automne, les travaux de transformation auront pour but la restructuration d’un espace davantage adapté aux flux permanents, tout en divulguant les informations pratiques de la manière la plus pertinente possible.

Un premier AMO (assistant à maîtrise d’ouvrage) appelé par les Champs Libres avait donné des préconisations et diverses recommandations en termes de stratégie et de budget, mais sans entrer dans les détails de la restructuration prévue. C’est ici qu’est intervenu Guénolé Jézéquel dont la volonté était d’inclure un mobilier adapté aux multiples fonctions de l’espace : accueil des étudiants qui souhaitent travailler, accueil de familles, installations d’un concert ou d’un festival de la science, aménagement du festival Jardins d’Hiver, etc.

« du jour au lendemain L’ESPACE DOIT pouvoir se transformer complètement. »

  • rennes champs libres
  • rennes champs libres

Afin de contraster avec l’ossature monumentale du hall d’accueil, Guénolé Jézéquel a en tête de ramener de la matière brute. À l’intérieur, le squelette de l’édifice laisse apparaître des éléments qui rappellent le schiste, le zinc ou bien le granit, dans le but d’évoquer la Bretagne. Le projet de l’architecte s’inscrit dans cette veine afin de continuellement créer un lien avec le territoire dans lequel on fabrique. De la même manière qu’une architecture se construit selon un discours cohérent, le mobilier peut créer ce dialogue avec le territoire dans lequel il s’insère. Pour cette raison, l’architecte a opté pour l’utilisation de la bauge, technique de terre crue, patrimoine de la région rennaise datant du XVIe siècle. Le pisé sera aussi présent. Provenant de la région lyonnaise, la technique consiste, comme la bauge, à compresser de la terre humidifiée en créant différentes superpositions de strates.

Le deuxième apport de mobilier se caractérisera par l’installation de bancs ingénieusement conçus de manière à s’adapter à tous. En jouant sur les volumes et le minimalisme des formes, ils pourront à la fois devenir table ou bureaux, comme si la bibliothèque se déplaçait jusque dans le hall.

Autre objectif : requalifier les espaces devant les vitres devenus des impasses pour le visiteur, à partir d’objets très simples, mais aux usages variés et adaptés à tous.

La redistribution des espaces est désormais assurée par une grande table d’environ 7 mètres sur 6 mètres, servant à la fois de banc, de table ou de scène. Elle permet d’avoir un regard extérieur sur l’ensemble des possibilités qu’offre les trois institutions. Point pivot du hall d’accueil, elle est une fenêtre qui ouvre le regard sur l’ensemble du bâtiment avec, au centre, un mât mobile créé par l‘Atelier Blam (Belvédère Bouroullec). Ce dernier, pas encore installé, tournera en permanence, tout en créant une image différente au fil des saisons.

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La billetterie, quant à elle, restera sur le côté, mais sera remaniée avec l’installation d’une table en chêne massif. Et la richesse de la programmation sera mise en avant grâce à un grand panneau, au dessus de la billetterie, mis à jour quotidiennement. « On voulait valoriser de manière égale tous les activités : les petites propositions, et celles plus institutionnelles, plus officielles. Et surtout, mettre en avant les personnes qui travaillent ici », explique l’architecte.

Valorisation du personnel et des savoir-faire

À travers ces changements, les Champs Libres souhaitent mettre en avant l’importance du personnel. Au-delà de l’accueil des publics, ce dernier écrit et invente des projets, conçoit des ateliers et repense la manière d’accueillir le flux constant des visiteurs. Cette nouvelle mise en scène de l’espace rythmera ainsi la vie du hall, et plus largement du lieu. Le panneau de programmation et la présence des agents d’accueil, qui accompagneront le parcours et les déplacements dans le lieu, permettront une médiation plus mobile et dynamique.

« les Champs Libres c’est avant tout un espace de fabrique. c’est cela que l’on souhaite montrer avec ces transformations du grand hall. »

Cette volonté de souligner l’importance de ceux qui travaillent aux Champs Libres est aussi présente dans la manière d’opérer de Guénolé Jézéquel. Aux experts extérieurs et entreprises spécialisées, il a préféré, dans la mesure du possible, faire appel au savoir-faire des équipes déjà présentes sur place. La lumière devant notamment faire l’objet d’une étude, l’architecte s’est rapproché des techniciens de la salle de conférences qui s’occupent de la régie lumière, qui ont réalisé eux-mêmes le diagnostic.

atelier travail de la terre crue
Le travail des matériaux et de la terre pour le projet de réaménagement du hall des Champs Libres

Cette valorisation du savoir-faire reste par ailleurs un des credo du jeune architecte. Des premières ébauches du projet jusqu’à la fabrication du mobilier, en passant par la conception des plans, il cherche toujours à collaborer avec des structures qui soient cohérentes. Que ce soit par la présence de Jean-Philippe Lanoë, un ébéniste de La Mézière, de Ghislain Maetz, maçon qui travaille la terre, ou encore celle d’Amàco (Atelier Matière À COnstruire) originaire de Lyon, on retrouve toujours un savoir-faire et un artisanat qui sera valorisé aux yeux des publics, et qui valorisera le lieu. « On souhaite que la bibliothèque, le Musée de Bretagne et l’Espace des sciences puissent s’approprier l’endroit et le mobilier sera comme une boîte à outils qui permettra cette appropriation », précise-t-il.

Une fois les travaux terminés, l’espace rappellera les grands bâtiments du XIXe siècle. Symbolique dans la manière avec laquelle il s’inscrit dans la ville, l’édifice des Champs Libres est une architecture au centre du tissu urbain qui va de pair avec la question de l’appropriation par les habitants. La générosité de l’espace permettra aux objets fraîchement apportés de créer un dialogue avec le visiteur.

Guénolé Jézéquel s’inspire notamment de Peter Zumthor, architecte suisse qui travaille sur cette question de la matière et de l’espace, et de l’appropriation qui en est faite. Comment recréer l’atmosphère et la puissance caractéristiques des grands édifices du XIXe siècle? Comment recréer, avec nos outils et notre œil contemporain, des sensations et des expériences produites par ce type d’espaces publics et urbains ? Pour Guénolé Jézéquel, ces sensations proviennent du lien entre urbanisme et manière de valoriser la main et le geste dans la fabrication. « C’est vraiment le lien entre urbanisme, comment est mis en valeur la main et le geste dans la fabrication, et comment on vit dans cet espace et on se l’approprie, qui me semble très important », conclut-il.

Cette conception de l’espace et de la matière semble expliquer l’éclectisme de l’architecte. Ce lien entre architecture, design et scénographie semble évident dès lors qu’il cherche à recréer la puissance d’une atmosphère. Le hall des Champs Libres sera le témoin de la vison hétérogène qu’il apporte à l’architecture. L’espace d’accueil du bâtiment scintillera des mille couleurs apportées par la matière et les nouveaux objets. La clarté de certains bois se mariera avec la dureté de l’inox. La terre quant à elle amènera des teintes grises, beiges ou encore orangées pour le plus grand plaisir des yeux du visiteur, avant qu’il ne s’envole au planétarium pour regarder les étoiles, ou bien qu’il s’enfonce dans les tréfonds des collections du Musée de Bretagne. Un nouveau visage pour les Champs Libres à découvrir au mois de décembre.

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Plus d’infos et d’actualités sur les Champs Libres

https://www.unidivers.fr/event/agenda-champs-libres-rennes/

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