Opéra de Rennes OSB, Il re pastore de Mozart ou les aspirations de la jeunesse…

 Antonio Salieri se promenant dans un salon viennois où il sait Mozart présent se posait la question de savoir si le génie, en l’occurrence musical, peut se reconnaître du premier coup d’œil, comme s’il portait en lui-même des signes évidents. Il s’agit là d’une scène du film « Amadeus » de Milos Forman. Elle résume de façon assez proche l’état d’esprit du public lyrique rennais lors de ce nouveau rendez-vous fixé par son directeur musical Darell Ang.

L’interrogation est légitime, en effet. Que faut-il attendre d’un opéra si l’on sait qu’il a été écrit par un quasi-adolescent qui vient à peine de fêter ses 19 ans ? Cela étant, malgré son jeune âge il n’en était pas à son coup d’essai, puisqu’il s’agit du neuvième opéra et de sa seconde collaboration avec l’illustre Métastase, l’un des plus grands, pour ne pas dire le plus grand librettiste du Siècle des Lumières.

Dès l’ouverture de cette coproduction Opéra de Rennes et Orchestre Symphonique de Bretagne, le doute n’est pas permis : il y a une véritable marque de fabrique et cette vigoureuse introduction aurait pu appartenir aux Noces de Figaro, entre autres. Les membres de l’OSB sont très à l’aise avec cette partition ; sous la baguette de leur chef, ils nous offrent une prestation des plus satisfaisantes.

Bien que le livret – tout à fait dans l’esprit de l’époque – soit un peu infantile et que ces amours entre berger et nymphe, princesse et allié d’Alexandre aient quelque chose d’un peu « gnangnan », c’est sans grande importance. Car ces amourettes sont portées par une musique pleine d’énergie, d’enthousiasme et assez souvent d’une réelle beauté. Il y a dans cette partition un peu de naïveté, mais aussi la fraîcheur de la jeunesse.

Les chanteurs présents ont eu à cœur de mettre en évidence les beaux moments de cette œuvre.  C’est la cas en particulier de Géraldine Casey, de toute évidence la plus expérimentée. Elle a interprété l’air « Barbaro » avec conviction et talent. Elle nous aura offert l’un des beaux instants de cette soirée.

Ne soyons pas injuste, Elina Shimkus, joliment drapée d’une robe d’un orange éclatant, plante le personnage du roi-berger avec un réel charme. Très attendue dans le morceau de bravoure « l’améro, saro constante » – sans doute l’extrait le plus connu de cette œuvre, – elle tire son épingle du jeu avec grâce et reçoit du public une ovation méritée.

Un accessit sera aussi accordé a Mathias Vidal dans le rôle d’Alexandre le Grand. Cette partition est difficile et requiert des qualités de diction indiscutables, il s’en sort avec brio, même si ses aigus manquent un peu de volume.

Marlon Soufflet, dans le rôle d’Agenor, accuse quelques difficultés pour nous entraîner dans son univers. Lors du premier acte, il se met en danger en approchant de trop près les limites de ses capacités vocales. Il faudra attendre le second acte pour être un peu ému et, malgré de réels efforts pour donner corps à son personnage, il demeure quelque peu en retrait.

Sylvia Kevorkian dans le modeste rôle de la princesse Tamiri  est convaincante, même si sa voix manque un peu de médium. Elle a le port d’une princesse grecque ; en cela, elle est tout à fait à sa place.

Globalement, les amateurs de Mozart auront vécu une belle soirée. Et si la question posée au début doit recevoir une réponse, ce sera celle-ci : oui le génie est déjà présent. S’il est impossible de le trouver dans les traits d’un visage, la musique, quant à elle, ne saurait mentir. Cette œuvre est inspirée, délicate, elle met en évidence les aspirations de la jeunesse et sa générosité. Certes, elle n’a pas encore ni la densité, ni la profondeur, ni le mysticisme du Don Giovanni ou de la Flûte enchantée, elle n’en est pas moins belle. Nous n’en attendions pas moins.

N.B.: c’est avec joie que nous avons noté dans l’assistance la présence de Willard White qui fut l’année passée un inoubliable Wotan dans Walkyrie.

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Il re pastore
Opéra en concert

Orchestre Symphonique de Bretagne
Direction musicale : Darrell Ang
Elina Shimkus : Aminta (Soprano)
Géraldine Casey : Elisa (Soprano)
Diana Axentii : Tamiri (Mezzo-soprano)
Mathias Vidal : Alessandro (Ténor)
Marlon Soufflet : Agenore (Ténor)
Coproduction Opéra de Rennes / Orchestre Symphonique de Bretagne
lun. 9 décembre 2013 à 20h
mar. 10 décembre 2013 à 20h
Opéra de Rennes
 Place de la Mairie, 35000 Rennes

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Il re pastore de Mozart a l’Opéra de Rennes : les aspirations de la jeunesse…

 

Il re pastore de Mozart a l’Opéra de Rennes

 

 

 

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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