Mozart ? Vous connaissez bien entendu. Sa musique, sa rivalité avec Salieri. Mais son mal être à devenir un génie ? Sa difficulté à vivre avec les autres ? Peut être moins. Ou pas du tout. Frantz Duchazeau profite du séjour du compositeur à Paris pendant quelques mois pour nous faire découvrir un Mozart intime. En souffrance.

BD MOZART A PARIS

Amadeus de Milos Forman a donné pour longtemps une vision agitée du plus grand compositeur d’opéra de l’histoire. Excité, emporté, Mozart sous la caméra du réalisateur américain est un personnage hors du commun, au-dessus des hommes. A peine plus silencieux, le Wolfgang Amadeus du dessinateur Frantz Duchazeau, est néanmoins fidèle à cette agitation frénétique du compositeur qu’il trace à traits esquissés et qu’il vêt d’un costume rouge, pour le distinguer des autres mortels contemporains. Mozart marche, cause, compose, écrit, discute, se fâche, s’emporte et le dessin de Duchazeau traduit à merveille cette permanente instabilité. Quand il arrive à Paris en cette année 1778, accompagné de sa mère qui se languit de Salzbourg, il est annoncé comme un jeune prodige virtuose, proche du singe savant. À 22 ans, il cherche à s’éloigner de l’influence conformiste de son père qui lui adresse des lettres de remontrance et lui dicte une attitude conformiste. C’est cette période de quelques mois que raconte cette BD originale par le ton et le traitement graphique.

BD MOZART A PARIS

S’appuyant sur la correspondance croisée du père, de la mère et de Mozart, Duchazeau raconte à merveille les coulisses d’un univers musical marqué de la flagornerie, de l’ignorance, du conformisme, où le public se dispute entre Gluck et Piccinni. S’adapter au goût de ce public ou créer l’Opéra dont il rêve, sans autre préoccupation que celle de la poésie et de la beauté, le plus grand musicien de tous les temps a vite fait son choix. Cette tension permanente, dans un univers de noblesse hostile et sotte, entre création et conformisme, cette primauté de l’art, le dessinateur la montre avec force et talent. Plus qu’un physique anonyme et banal, il s’attache surtout à dessiner un caractère, à montrer un génie dont il confronte la petite taille à celle du commun des mortels qu’il inverse symboliquement dans des planches parmi les plus réussies. Etre génial conduit à être incompris et à souffrir.

Pourquoi être aimé des Dieux ? Si je ne puis être aimé des hommes ?

Dans des pages oniriques, où souvent des couleurs criardes rendent compte du génie et d’une musique évanescente, Mozart est porté sur les épaules de petits hommes gris qui le portent (le supportent ?) et réussissent parfois à le maintenir dans un équilibre précaire. Cette quête de la beauté, dans la vingt quatrième année de sa vie, allier à la nécessité de vivre, l’auteur la situe dans ce qui est l’autre intérêt majeur de la BD : la description d’un Paris sale et ignorant, où l’on sent monter la colère d’un peuple affamé, les prémices d’une révolution à venir.

BD MOZART A PARIS

Au contraire des personnages, souvent à peine esquissés, comme Aloysia, amour rêvé et perdu de Mozart, les rues, les bâtiments parisiens sont magnifiquement dessinés, avec précision et justesse. Les murs des palais sont souvent unis et sans détails. Les rues pavées de Paris sont pleines de crottes et d’odeurs. Paris, que Mozart déteste, n’est pas qu’un décor, mais devient un véritable personnage que le musicien fuira, ayant tiré de tristes leçons de son passage. Des leçons vitales cependant pour lui permettre enfin de se libérer des contingences matérielles et des modes superficielles. C’est à Vienne où il s’installera plus tard que commencera sa révolution musicale. Paris aura été un lieu d’apprentissage de vie.

BD MOZART A PARIS

Il y a un an Clément Oubrerie décrivait un Voltaire Amoureux (1) dépoussiéré, qui à 24 ans partait à la conquête de femmes et d’une société fermée et hypocrite. Avec le même talent, Frantz Duchazeau, transforme une biographie sérieuse et documentée en récit passionnant, intelligent et profond et donne envie d’écouter la Symphonie 31 dite « Parisienne ». Prendre la vie de génies reconnus par le prisme du quotidien permet souvent d’approcher au plus près la réalité d’Hommes hors du commun. Si le talent des dessinateurs est au rendez vous.

Mozart à Paris de Frantz Duchazeau. Éditions Casterman. 96 pages. 18,95€.

(1) Editions les Arènes.

Feuilletez la BD ici.

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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