Depuis Mal de pierres, paru en France en 2007, Milena Agus est la plus célèbre des auteurs sardes. Dans ses romans, elle décrit la vie rustique de sa Sardaigne natale en l’illuminant de l’heureuse nature de ses personnages. Avec Une saison douce, elle s’empare du sujet difficile des migrants pour raconter le renouveau inattendu d’un petit village perdu, envahi par des étrangers.

Marco Alberto Desogus
Photo : Marco Alberto Desogus.

Occupés à ranger leurs armoires à l’approche de la nouvelle saison, les habitants d’un petit village sarde non loin de Cagliari, sont surpris par l’arrivée d’une troupe bigarrée. Mais que viennent faire ces migrants et humanitaires dans leur misérable village où la seule maison décente est celle des Dames, Donna Ruth et sa fille Lina ? Bien sûr, ils ont déjà connu des invasions comme celle des aides-soignantes de l’Est qui ont fini par épouser les célibataires. Mais que pourraient bien faire ces Noirs, ces Arabes accompagnés de quelques Blancs dans leur village perdu ?

Le maire du village d’à-côté les a affectés dans la Ruine, une ancienne belle demeure utilisée comme salle des fêtes avant qu’elle ne s’écroule en partie. Sûr que pour ces migrants, ce n’est pas l’Eldorado qu’ils espéraient !

Marco Alberto Desogus
Photo : Marco Alberto Desogus.

Pour les habitants du village, la haine se mue en méfiance puis en curiosité. Très vite, le village se scinde en deux. Quelques villageoises commencent à discuter avec les migrants, à leur donner des couvertures, des biscuits et du matériel de première nécessité provoquant la colère de leur mari. D’autres les critiquent violemment.

Souvent avec Milena Agus, ce sont les femmes, généreuses parfois davantage par curiosité que par nature qui prennent l’initiative. Et si les envahisseurs avaient quelque chose à apporter à ce village qui a perdu ses couleurs.

Du récit de ces échanges se dégagent quelques portraits, surtout des humanitaires qui ne semblent pas toujours avoir la trempe pour épauler leur prochain. Robin, un lycéen, ancien dealer, au grand coeur et à la bouche de travers, est particulièrement attachant. Il pourrait être un fils pour les villageois qui ont vu leurs enfants partir en ville et ne plus même revenir pour Noël tant cette terre leur fait honte.

Marco Alberto Desogus
Photo : Marco Alberto Desogus.

Les hommes qui n’entretenaient plus leur village, se contentant de la culture des artichauts et des biomasses, finissent par aider leur femme, apportant matériel pour réparer la Ruine et semences pour créer un potager. « Outre cultiver le potager, nous échanger des recettes et supputer les chances de l’idylle entre l’ingénieur et Lina, ou la possibilité que l’humanitaire du sex-shop et Abdulrahman soient gays, une autre de nos activités favorites était de rêver. »

Qu’elle est douce, finalement, cette saison quand on a une bonne raison de vivre : aider ceux qui ont encore moins que vous. Chacun a à gagner à faire un pas vers l’autre. C’est ce que nous montre Milena Agus avec cette belle histoire mêlant tendresse et humour.

«  Peut-être reste-t-il toujours une petite lueur aux tréfonds les plus obscurs des humains. »

La question douloureuse des migrants est ici traitée de belle manière grâce à la générosité, la couleur de ses personnages.

Une saison douce (Un tempo gentile) de Milena Agus, paru chez Liana Levi le 4 février 2021, traduit par Marianne Faurobert, 176 pages, Prix : 16 euros, ISBN : 9791034903696.

MILENA AGUS

Milena Agus est née en 1959 à Cagliari. Son premier roman Quand le requin dort (2005) passe inaperçu, mais c’est le succès français de Mal de pierres (Liana Levi, 2007, traduit par Dominique Vittoz) qui lui vaudra reconnaissance en Italie et dans le monde entier.

Les photos de Marco Alberto Desogus sont issues du Sardiniapost. Milena Agus s’est inspirée de ces photos pour créer ses personnages.

Marco Alberto Desogus
Uno sguardo su Castello, Marco Alberto Desogus

« Je devrais écrire une préface à cette petite galerie de photos tirées d’un de mes livres sur le quartier du Castello, mais je préfère les présenter avec quelques lignes de la postface de Milena Agus.

Si j’y réfléchis, je me rends compte que lorsque j’entre par les portes des bâtiments et que je prends les escaliers et que quelqu’un me demande ce que je cherche, peut-être que je sais ce que je cherche. Je voudrais savoir si ceux qui vivent dans ces maisons sont heureux ou malheureux, et si le bonheur et le malheur ont quelque chose à voir avec les lieux où nous vivons, si ces lieux perçoivent nos émotions et nous les transmettent, et si les deux choses se mélangent au point de nous faire sentir comme faisant partie de la ville, d’un quartier, et de vouloir ne jamais le quitter.

…… clair-obscur. La lumière et l’obscurité. La tristesse et la joie qui se rencontrent, car l’obscurité de Castello est une obscurité qui ne pèse pas et l’œil ne se perd pas tristement. » Marco Alberto Desogus.

Marie-Anne Sburlino
Lectrice boulimique et rédactrice de blog, je ne conçois pas un jour sans lecture. Au plaisir de partager mes découvertes.

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