Qui n’a jamais rêvé d’une escapade au Sahara ou, mieux encore, d’échanger son quotidien d’urbain sédentaire contre le sentiment de liberté unique qu’éprouve et revendique tout nomade ayant grandi au cœur des dunes ? Entre fantasme et réalité, la question du devenir de populations fragiles, des liens qu’elles entretiennent avec le reste du monde, mérite d’être posée, quand les conflits au Sahara en ont fermé l’accès ces dernières années. Quelques enclaves sécurisées comme au Sud Maroc continuent à accueillir des touristes et prospèrent grâce à de belles initiatives comme le Festival international des Nomades. Ailleurs, des communautés entières sont livrées à leur propre sort, vulnérables, marginalisées par un contexte politique, économique et environnemental peu enviable.

Dans ce contexte de tensions exacerbées, l’image d’un désert hospitalier, paisible, garant d’un silence dont l’âme humaine a besoin pour grandir et sonder sa peur du vide, est en train de disparaître de notre imaginaire collectif. Au Sahara, pâturage veut aussi dire espoir en Kel Tamasheq, mais que reste-t-il de cette vision du monde quand cette conscience d’un destin singulier ne peut se transmettre de génération en génération, à travers des gestes, des valeurs, des chants, des danses, des rythmes de vie liés au campement et aux caravanes ? Entre un désert de carte postale pour brochure en papier glacé et ce désert habité dont nous savons au fond peu de choses, comment nous garder d’une actualité anxiogène pour partager des expériences, des images, des témoignages qui n’ont rien à voir avec le prisme par lequel passe aujourd’hui toute information médiatique ?

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Dans un film «  M’hamid el Ghizlane » dont elle a eu l’idée à Pontivy avec la réalisatrice marocaine Laila Lahlou, Françoise Ramel, journaliste à Unidivers, témoignera le 19 octobre sur Télé Maroc de l’urgence à s’intéresser à un héritage culturel triplement menacé : du fait de l’abandon progressif par les jeunes devenus sédentaires des modes de vie et des codes culturels de leurs parents nés dans le désert, par le développement d’une architecture en béton et de mode de consommation importés de modèles urbains, par l’avancée du Sahara et autres impacts du réchauffement climatique. En une seule décennie, selon les chiffres d’un recensement réalisé en 2014, les populations nomades ont accusé au Maroc une baisse de 63%.

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Partie à l’inconnu pour vivre un projet d’écriture et des coopérations dont elle n’avait pas préfiguré la teneur, l’auteure bretonne a alimenté un projet de blog pendant deux ans grâce aux échanges avec des habitants, avec qui elle a souhaité partager tout au long de l’aventure ses rencontres, ses observations, et des questionnements qui l’ont amenée à convaincre Laila Lahou qui ne connaissait pas le Sahara de la rejoindre à M’hamid el Ghizlane pour y poser son micro et sa caméra.

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« J’ai créé Plan B à partir de mon histoire personnelle, faite d’engagement et de passion pour la rencontre, afin d’aller creuser une réalité qui m’était étrangère, loin de chez moi, de mes repères. Je ne veux pas me laisser entrainer par ce tourbillon malsain qui voudrait nous faire croire que tout va mal, que nous sommes en guerre, que le choc des civilisations est la cause de tous nos problèmes. Je crois qu’une des solutions à ces tensions est au contraire dans la force du dialogue, de l’apaisement, et la nécessité de multiplier les initiatives qui favorisent la coopération interculturelle. »

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« Ce n’est pas un nième film sur M’hamid el Ghizlane, comme il s’en tourne beaucoup, à l’initiative d’étrangers surtout, ou d’acteurs locaux qui cherchent à promouvoir, non pas un territoire en évolution en tant qu’espace habité, mais un projet spécifique et une image très formatée. Ce documentaire de 52’ propose par une approche inédite, en darija, une immersion dans le quotidien d’une communauté, une rencontre entre des regards que portent les nomades eux-mêmes sur ce qu’ils conservent ou non en mémoire, de cette identité, de cette conscience, qui leur confèrent une responsabilité en qualité d’héritiers d’une culture nomade en voie de disparition. »

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Plan B, nom que la Pontivienne a choisi pour son blog en hommage aux hommes et aux femmes du désert, à leur intelligence de l’environnement, à la sobriété de leur mode de vie et de leur modèle économique, sera évoqué dans le documentaire, au détour d’une multitude d’autres sujets.

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Le film permet de découvrir les dunes de chegaga, destination touristique par excellence, avant de s’intéresser au projet d’une ferme bio en plein désert à l’oasis d’Ergsmar, aux ateliers de Terrachidia, une association de femmes architectes espagnoles, qui forme des bénévoles du monde entier pour entretenir avec des habitants des ksours et des kasbahs de vrais chef-d’œuvre en péril, en partie désertés au profit du centre de M’hamid el Ghizlane, une des stars du blues touareg, Bombino qui était sur scène à Art Rock et au Bout du monde cet été, les explications d’un musicologue sur la richesse du patrimoine oral, des images de la vallée du Drâa qui offre de superbes couchers de soleil sur l’oasis, le témoignage d’un jeune producteur de dattes qui accueille les touristes à la façon du réseau « accueil paysan » dans l’auberge familiale « La palmeraie ». Ibrahim Laghrissi n’a jamais quitté M’hamid el Ghizlane et pour rien au monde il ne quitterait son désert, quand son frère musicien dans un groupe local, Génération Taragalte, ne rêve que de partir sur les traces du groupe mythique : Tinariwen.

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C’est en rentrant d’un séjour à M’hamid el Ghizlane justement que Françoise Ramel nous a rejoint au sein de l’équipe d’Unidivers en mai 2016. Blogueuse investie dans l’action culturelle en Centre-Bretagne, elle est la première Bretonne à avoir remporté le prix Mondoblog-RFI, ce qui lui ouvert les portes de la plus grande communauté internationale de blogueurs francophones lors d’une rencontre internationale à Dakar en décembre 2015. Ses articles font régulièrement la Une de la plateforme Mondoblog depuis ses premiers sujets.

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En octobre dernier, cette passion de l’écriture et de la rencontre l’a conduite à Saint-Jacques de Compostelle pour le WOMEX, le plus grand salon professionnel dédié aux musiques du monde, où elle avait invité le directeur du festival international des nomades à venir présenter le festival. Avec la diffusion de de ce documentaire réalisé par Laila Lahlou, Françoise Ramel se réjouit que Plan B ne soit pas qu’une histoire de mots, de style, d’une relation fantasmée entre un auteur et son lecteur, mais au contraire une invitation à vivre la rencontre, à faire le voyage, à se penser à la fois dans le silence de l’introspection en prenant exemple sur les nomades, et dans le plaisir de l’action.

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http://dernierbaiser.mondoblog.org/2017/07/15/laila-lahlou-voix-de-tv-maroc-sahara/

https://www.facebook.com/PLAN-B-Mondoblog-RFI-484056121980645/

Le documentaire de Laila Lahlou sera accessible en direct sur ce lien jeudi, à 23h, heure française (22h pour nos amis marocains) : https://www.youtube.com/channel/UC6eBD5wxTbOdZbZSTlHKtVg

Contact : planb.fanchon@gmail.com

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