Retour en force pour une quatrième enquête d’Anselme Viloc, le flic de « papier » de Guy Rechenmann, dans Même le scorpion pleure. Entouré de ses comparses, drôles parfois même farceurs, mais néanmoins d’une efficacité remarquable, l’auteur nous plonge dans une histoire noire, étrange, au Cap Ferret, station balnéaire si prisée d’Aquitaine.

scorpion pleure guy rechenmann
Pour l’ancien Savoyard qu’il demeure, Anselme va devoir naviguer dans le mode restreint des affaires de viager. Non, rien à voir avec le célèbre film de Pierre Tchernia – au titre éponyme -, où le héros, joué par l’inégalable Michel Serrault, enterre tous les prétendants à sa bâtisse en rusant de grossiers stratagèmes pour raccourcir les jours du crédirentier. Cette fois, les vendeurs meurent dans des conditions suspectes et similaires, mais les négociateurs ne font pas long feu non plus. À qui profitent donc tous ces crimes en rafales ? En apparence, l’affaire devrait s’annoncer rapide et aisée puisque les ventes viagères en France demeurent presque confidentielles et sont recensées essentiellement dans deux zones : Paris et la Côte d’Azur.

Eh bien, pas si simple en réalité. Anselme, qui pleure son ami Augustin, une des victimes, s’attaque là à un véritable réseau savamment organisé que rien ne semble pouvoir stopper. Heureusement, le flic en retraite n’est pas seul. Il peut compter sur sa hiérarchie comme sur ses anciens collègues pour « investiguer ».

Entre souvenirs, anecdotes dures ou burlesques, entre moments présents, Guy Rechenmann soigne tant l’intrigue de ce polar qui nous sort des trajectoires habituelles, que les ambiances du Cap Ferret et les portraits des différents personnages pour un roman qui permet de passer un excellent moment tant on se passionne pour une enquête singulière où le lecteur est totalement associé aux recherches que pour les bleus à l’âme que nous livre l’inspecteur Viloc. Et les champs des possibles ne manquent pas ; si on ne se perd pas dans le labyrinthe créé par des criminels ingénieux, c’est toujours grâce à Anselme Viloc, qui bienveillant et logique, s’assure que nous progressons en même temps que lui. Même si d’aucuns pourraient grogner que cela reste significatif, l’auteur souligne combien son personnage s’est investi dans ses affaires passées autant qu’il s’investit dans cette quatrième énigme, que sans un bon collectif – tout comme au sport -, rien n’est possible et qu’une famille, des gosses c’est tout un bonheur à condition d’en prendre grand soin. N’oublions pas non plus cette question en filigrane : pour un vrai flic… la frontière entre le métier et la vie personnelle existe-t-elle ? est-elle possible ? Et puis… cette phrase de Jean Ferrat qui résonne de loin… Nul ne guérit de son enfance…

Même le scorpion pleure, un polar piquant, redoutablement efficace. Au-delà, un roman sur une personnalité hors du commun.

Écrivain et homme de télévision, Guy Rechenmann avoue être un rêveur et un poète. Le hasard, il n’y croit guère, préférant parler de coïncidences, son thème de prédilection… Il attendra 2008 pour publier un recueil de poésies et de nouvelles, La Vague (Écri’mages). Suivront plusieurs romans dont Flic de papier, Fausse note et À la place de l’autre (Prix virtuel du Polar 2016) aux Éditions Vents Salés, dans lesquels apparaîtra Anselme Viloc, un flic atypique et obstiné qui lui permet de revisiter de façon inattendue le genre policier.

Même le scorpion pleure un polar de Guy Rechenmann – Éditions Cairn – 230 pages, mars 2018, 16€.

Couverture : Djebel – Photo auteur Guy RECHENMANN

Christophe Maris
Christophe Maris est journaliste et écrivain, agrégé de Lettres modernes. Il collabore à plusieurs émissions de TV et radio et conçoit des magazines pour l'enseignement où il a oeuvré une quinzaine d'années en qualité de professeur de lettres, d'histoire et de communication.

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