Il a levé le voile sur l’histoire oubliée des vespasiennes dans une exposition et un livre à succès. L’ouvrage de Marc Martin, « Les Tasses, Toilettes Publiques – Affaires Privées », Prix Sade 2020 du Livre d’Art, fourmille d’anecdotes croustillantes. À l’occasion de la Journée Mondiale des Toilettes, l’artiste, qui se joue des codes, vous invite à découvrir d’un autre œil ces lieux d’aisance atypiques dans l’espace public. Citations, caricatures d’époque et collages contemporains à l’appui. Entre lieux confinés et caricatures, l’artiste Marc Martin combat les tabous.

LES TASSES MARC MARTIN

Il a levé le voile sur l’histoire oubliée des vespasiennes dans une exposition et un livre à succès. L’ouvrage de Marc Martin, Les Tasses, Toilettes Publiques – Affaires Privées, Prix Sade 2020 du Livre d’Art, fourmille d’anecdotes croustillantes. À l’occasion de la Journée Mondiale des Toilettes, l’artiste, qui se joue des codes, vous invite à découvrir d’un autre œil ces lieux d’aisance atypiques dans l’espace urbain. Citations, caricatures d’époque et collages contemporains à l’appui.

Un nouveau mobilier urbain

Avant-garde, puis partie intégrante de la révolution haussmannienne, les vespasiennes ont fait leur apparition sur les trottoirs de la capitale dans les années 1830. Mis au rebut depuis, ces édicules ont pourtant fait partie du patrimoine architectural de la ville au même titre que les colonnes Morris, les fontaines Wallace et autres bancs verts iconiques. Très vite, les vespasiennes ont été détournées de leur usage premier (à savoir hygiénique). Un détournement qui a causé leur mise à l’index.

MARC MARTIN

Le début de la révolution féminine

L’accès aux vespasiennes, exclusivement réservé aux hommes, a donné lieu aux premières revendication féministes : pourquoi cette exclusion ? Une légende urbaine voulant que les femmes n’aillent jamais aux toilettes dans l’espace public pourrait trouver ici son origine… Ou faut-il voir là l’infamie méprisante de ceux qui ignorent délibérément les besoins de l’autre sexe, qualifié à l’époque de « sexe faible » ? Déjà, le combat pour l’égalité était en marche.

MARC MARTIN

La vespasienne, canal de communication politique

Années 80 : Jacques Chirac, puissant Maire de Paris, s’appuie sur son bilan à la tête de la capitale pour se lancer à la conquête de l’Élysée. C’est alors que les vespasiennes cèdent le trottoir aux Sanisettes JCDecaux. Mixtes et auto-lavantes, mais payantes… Exploitant cette corrélation, certains lancent un slogan assassin : « Avec Chirac, tu chies, tu raques ! » Néanmoins, l’appellation « Chiraquette » ne parvient pas à s’imposer face à « Sanisette ». Les incursions des toilettes publiques en politique sont bien antérieures, comme l’illustre ce « combat » inégal entre Vincent Auriol et Charles de Gaulle, qui domine son sujet de la tête et… des épaules.

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Paris fascine les Américains … pour ses toilettes publiques en plein air

L’Amérique protestante enterre le plus souvent ses toilettes publiques : les fonctions corporelles ne doivent pas s’exhiber. Les Américains voient dans des vespasiennes à l’air libre une expression de la permissivité de l’Esprit français. Dès la Première Guerre mondiale, ils se font photographier devant elles comme devant la Tour Eiffel. Déjà, nos vespasiennes font le buzz ! Une nuit de 1962, celle du Pont-Neuf est même dérobée par un riche Américain accro au mobilier urbain de Paris…

MARC MARTIN

Quand les toilettes soulèvent la question du genre

Une plaque « DAMES » et l’autre « MESSIEURS ». Mais qu’en est-il des personnes transgenres ou en quête de soi ? Pour elles, ces pictogrammes illustrent le dilemme : aller chez les hommes ou au contraire chez les femmes ? Quelles réactions attendre des autres visiteurs en fonction de leur choix ? Voici un exemple de questionnement social que les toilettes mettent en lumière, déjà dans les années 1960. Aujourd’hui des pictogrammes non-genrés font une timide apparition dans les universités françaises.

LES TASSES MARC MARTIN

Les toilettes publiques : lieu de rencontre et + si affinités …

Ces édifices, souvent jugés repoussants, ont aussi abrité – à une époque où l’homosexualité était réprimée – les rencontres entre hommes. Ces lieux de passage ont ainsi offert un cadre à une sociabilité atypique où les classes sociales s’estompaient, où les cultures se mélangeaient. On a souvent reproché à ceux qui draguaient là d’être lâches, qualifié de sordides leurs rencontres en ces lieux publics. Or, n’ont-ils pas, pendant plus d’un siècle, osé affronter des plaisirs défendus par la loi ? Ainsi ce ministre de l’Information de la IVe république, coincé dans une rafle de pissotière et qui, reconnu par un policier qui lui demande, éberlué, ce qu’il fait là, lui répond sobrement : « Je m’informe, voyons ! ».

MARC MARTIN

À la recherche des tasses perdues

À l’heure de la crise sanitaire, les uns se ruent sur les rouleaux de PQ. Tandis que d’autres, commodément confinés, se plongent dans Proust. Marc Martin fait partie de ceux-là. La plume de Proust, trempée dans les eaux troubles des toilettes, jouit en effet d’un glossaire spécifique. Le lieu d’aisance y est moins associé aux besoins naturels qu’à l’expérimentation du plaisir. Du pain béni pour Marc Martin : les épices de ses collages ont toutes à voir avec cette zone indécise de transgression jubilatoire qu’est le cabinet. Si Marcel Proust n’était pas très à l’aise avec ses penchants, son œuvre, à lire entre les lignes, le dévoile : quel est donc le point commun entre une tasse (de thé) et le pantalon jaune (pisse) du Baron de Charlus – qui séjourne (inlassablement) dans la pissotière rue de Bourgogne ? Quel est le point commun entre la place de la Madeleine (à Paris) et la fameuse madeleine (imbibée) de son enfance ? Rendez-vous dans l’ouvrage de Marc Martin pour savourer les éléments de réponse. Son collage « Proust aux tasses » met déjà l’eau à la bouche.

MARC MARTIN

Marc Martin (1971) est un artiste français (photographe, vidéaste, plasticien…) qui décentre le regard porté sur les zones d’ombres. En confrontant les notions de beauté et de répulsion, de bon et de mauvais goût, l’artiste repositionne dans son rapport à l’intime le curseur de la tolérance. Y compris au sein des cercles minoritaires. Son approche en marge montre tout sans rien voir du tout. Car le secret fait corps avec l’intime. Et la censure ainsi disparaît dans le flou.

 Visite virtuelle de l’exposition « Les Tasses, Toilettes Publiques – Affaires Privées »

Marc Martin, LES TASSES, Éditions AGUA (elagua.eu), 300 pages, catégorie Arts-Beaux-Livres / Histoire / Photographie, paru le 7 novembre 2019. PRIX SADE 2020 du livre d’art.

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