Marc Humbert, professeur d’économie à l’Université de Rennes 1, a fait paraître en 2013 un court essai intitulé : « Vers une civilisation de convivialité : travailler ensemble pour la vie, en prenant soin l’un de l’autre et de la nature », paru aux éditions Goater. Ce texte, véritable manifeste « convivialiste », nous renvoie, par son titre et son contenu, à un livre paru en 1972, « La Convivialité », du philosophe autrichien Ivan Illich, disparu en 2002, dont Marc Humbert apparaît ici comme un héritier.

Ce que nous voulons tous, c’est donner la priorité à la convivialité et non à la performance technique (Marc Humbert).

Le progrès humain, développé en particulier au moment de la révolution industrielle du XIXè siècle, a réussi à dominer et asservir la nature : « La nature est labourée, creusée, bousculée, remodelée, épuisée et sert de déchetterie à une énorme usine de transformation ». La recherche de la performance technique est aussi devenue au fil des décennies le but ultime de l’homo sapiens qui, à ce jour, « a achevé la colonisation de la terre entière », Nous vivons aux XXè et XXIè siècles le triomphe de la « méga-machine technico-économique » (Serge Latouche) qui laisse de côté des bataillons d’exclus, de chômeurs et de pauvres. Ivan Illich le disait déjà : « Le système industriel est organisé en vue d’une croissance indéfinie et de la création illimitée de besoins nouveaux […] qui accentue les écarts sociaux » (in : La Convivialité).

IVAN ILLICH

Nous sommes à la croisée de deux chemins, nous dit Marc Humbert. L’un veut nous conduire à tout prix à l’excellence technique et économique incessante supportée « par l’efficacité de la compétition entre les individus, compétition stimulée par la poursuite de l’enrichissement individuel et la promesse d’une croissance économique sans limites ». C’est l’axe choisi, dans des formes démocratiques, par les USA, le Japon, l’Europe. La Chine et l’Inde, dans des formes autoritaires, tendent vers le même objectif.

La seconde voie nous mène, selon Marc Humbert, à la « transition sociétale d’une grande civilisation de convivialité » et nous oriente vers une « volonté de travailler ensemble pour la vie en prenant soin l’un de l’autre et de la nature ». Cette volonté de vivre ensemble, cette attention à l’autre n’est pas nouvelle, elle remonte jusqu’à cette période où l’homme a manifesté les premiers signes de respect dû aux défunts et instauré les premières inhumations, il y a 120 000 ans. Les religions ont créé ensuite des communautés et relié les hommes entre eux. L’attention aux autres a pu ainsi conduire à « l’attention au Vivant […] et au Monde : à la Nature dont procède toute vie et dont nous sommes » . Du respect et du dialogue des hommes entre eux découle le respect de la nature, traduite dans une économie raisonnée et durable, une exploitation énergétique des réserves terrestres sans danger ni artifice, une ressource agricole et alimentaire naturelle et proche des hommes, une économie équitable et solidaire, et des techniques de production douces et maîtrisées…Voilà tout ce qui constitue « un idéal convivialiste ».

Cet idéal est aussi éminemment politique. « Il se peut que, terrorisés par l’évidence croissante de la surpopulation, de l’amenuisement des ressources et de l’organisation insensée de la vie quotidienne, les gens remettent de leur plein gré leurs destinées entre les mains d’un Grand Frère et de ses agents anonymes. [Mais] l’installation du fascisme technobureaucratique n’est pas inscrite dans les astres. » (Ivan Illich). C’est pour cela que l’idéal de convivialité doit être indissolublement lié à un authentique idéal de démocratie et de terrain. « La mise en œuvre de la subsidiarité et l’importance accordée aux échelons de base de l’organisation collective doivent aider à éviter ces excès de la concentration-centralisation des pouvoirs » (Marc Humbert). C’est la clé d’une nouvelle pratique politique, disait déjà Ivan Illich. Et la vraie manière pour les citoyens de reprendre la maîtrise de leur destin, individuel et collectif, et sauvegarder le bien commun, la Terre.

Vers une civilisation de convivialité, Travailler ensemble pour la vie en prenant soin l’un de l’autre et de la nature de Marc Humbert aux Editions Goater. Date de publication 2014. Collection Essai. 64 pages. 10 €.

Marc Humbert. Publications du même auteur :
Alain Caillé, Marc Humbert, Serge Latouche, Patrick Viveret, De la convivialité. Dialogues sur la société conviviale à venir.

Réalisation CREA – service communication / Université Rennes 2
Images Marina Mershchart et Gwendal Le Goff
Montage Gwendal Le Goff

© Université Rennes 2 – 2015

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