Le grand public mélomane de Rennes, Nantes et Angers est ravi de retrouver en juin 2022 l’un des chefs d’œuvres de Puccini, Madame Butterfly, sixième au box-office des opéras les plus joués dans le monde ! Il sera retransmis en simultané sur des écrans répandus dans plusieurs villes de Bretagne le 16 juin 2022. Opéra sur écrans !

Nous avions été injustement privés de cette œuvre, il y a deux ans, à cause du covid. La première de Butterfly à l’opéra de Rennes mercredi 8 juin 2022 fut émouvante et belle, comme une renaissance miraculeuse. Afin de bien comprendre l’incroyable émotion que cette œuvre de Giacomo Puccini ne manque jamais de susciter, il suffit d’en connaître l’histoire dans sa tragique simplicité.

opera butterfly rennes

La jeune geisha Cio-Cio San tombe amoureuse du bel officier américain, Pinkerton. ; malgré de nombreuses oppositions, elle finit par l’épouser. A peine marié, l’époux volage repart pour un long voyage, laissant la pauvre Butterfly seule, triste, abandonnée, mais pourtant pleine d’espoir. Après trois années d’absence, il revient au Japon, flanqué d’une nouvelle épouse, et prétend emmener avec lui l’enfant né de sa rencontre avec la belle geisha mais dont il ignorait jusqu’à présent l’existence. Butterfly est au désespoir, mais choisit, par amour, de lui laisser l’enfant ; en faisant ce choix, c’est également la mort qu’elle choisit.

Cette œuvre créée en 1904, en deux actes, fut au départ l’un des rares échecs de Puccini. Le second acte d’un trop grande longueur mettait le public à bien rude épreuve. La version définitive fut achevée deux ans plus tard en 1906.

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Il ne faut pas s’y méprendre, mais le sous-titre de Tragédie japonaise n’inclut en aucun cas une forme d’exotisme à bon marché, dont son époque était friande et Puccini avait étudié avec beaucoup d’attention les us et coutumes de ce pays qui n’a jamais cessé pour l’occident d’être une insondable énigme. On pourrait juste lui reprocher d’avoir confondu les geishas avec d’affligeantes Vénus mercenaires, ce qu’elles ne sont pas du tout. Éduquées avec une incroyable rigueur, elles sont des dames de compagnie élégantes et cultivées qui ont répété des centaines de fois le même geste pour offrir aux hommes qu’elles accompagnent une perfection toute japonaise.

La mise en scène que nous propose Fabio Ceresa a l’habileté de nous éviter de pénibles clichés ; bien au contraire, elle réussit un exploit de sensibilité et de sobriété. Tout concourt à la réussite de cette production, les costumes de Tommaso Lagattolla restituent sans aucun effet de pacotille un Japon ancestral : celui des guerriers samouraïs obéissant au strict code du Bushido. La scénographie de Tiziano Santi offre un écrin tout à fait remarquable. Les grands panneaux mobiles rappelant les cloisons coulissantes des maisons japonaises font évoluer le décor d’une façon sobre et presque invisible. Peu souvent cités, mais dans ce cas, essentiels, les éclairages subtils, mêlant les roses tendres à la chaleur du doré, nous faisant passer de la nuit aux délicates teintes de l’aurore, créés par Flammetta Baldisseri sont proprement sublimes et participent beaucoup à donner une force particulière à l’intensité dramatique.

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L’ensemble des chanteurs, par la qualité de leurs respectives prestations, a donné à cette interprétation une forme de compacité tout à fait étonnante, en quelques mots «rien à jeter».

Sébastien Guèze donne vie à un Pinkerton époustouflant. Sa voix est à la fois puissante et nuancée, son jeu d’acteur irréprochablement exécuté, il nous laisse bouche bée. Anne-Sophie Duprels, en Butterfly, saura nous tirer des larmes tant elle sait donner corps aux profondes émotions de son personnage, elle atteint plusieurs fois au sublime et nous déchire l’âme par ses plaintes et sa souffrance. À tous les deux, on a envie de dire merci pour cette merveilleuse offrande. N’oublions pas notre ami Marc Scoffoni, de retour à Rennes, et qui a bluffés le public dans le rôle du consul Sharpless. Souvent dans des rôles facétieux pour lesquels il excelle, nous le retrouvons cette fois dans la peau d’un personnage humain et grave, occasion pour lui de nous dévoiler une nouvelle facette d’un talent souvent salué. Par rapport à sa dernière visite, Marc Scoffoni a sensiblement évolué. Sa voix semble un peu plus grave, vraiment belle. Il nous donne l’impression d’avoir acquis une forme de maturité vocale. Nous avons également apprécié l’excellente Manuela Custer dans le rôle de Suzuki, servante de Butterfly qui campe avec justesse un personnage sévère et aussi compatissant tout à fait dans l’esprit de l’œuvre.
Les personnages secondaires n’ont pas été négligés : Gregory Bonfatti dans le rôle de l’entremetteur Goro, l’étonnant Jiwon Song en prince Yamadori ou même l’impressionnant Ugo Rabec en bonze, tous sont parfaitement dans le ton et contribuent à la qualité de cette soirée de première. Pour ne pas être injustes n’oublions pas Sophie Belloir, en épouse de Pinkerton et le très jeune et charmant bambin Victor Derode qui par sa seule apparition fait fondre toute une salle.

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Et la musique dans tout cela ? Assurée par l’Orchestre national des pays de Loire et les chœurs de l’opéra de Nantes, elle est servie avec talent. C’est aussi l’occasion pour les Rennais de retrouver avec un plaisir non dissimulé le toujours remarquable chef Rudolph Piehlmayer qui dirigera d’une main de « maestro » – mais pouvait-il en être autrement – cette première version de Butterfly à Rennes.

Après l’ultime accord du troisième acte tombant comme un couperet, c’est toute une salle pétrifiée pendant les quelques instants d’un douloureux silence, qui va éclater en applaudissements frénétiques. Quelle démonstration vient de nous offrir l’opéra de Rennes!

opera butterfly

Dommage pour ceux qui n’y étaient pas, et pour les autres représentations il reste peu de places, alors hâtez-vous !

Et, n’oubliez pas que le jeudi 16 juin2022 place de la mairie ainsi qu’en beaucoup d’autres lieux vous aurez la possibilité de juger par vous-même en assistant en direct à une représentation. Occasion à ne pas rater, elle offre à tous la possibilité de faire connaissance avec l’opéra ou plus simplement de venir en profiter en famille.

Dernière information, en juin 2023 c’est L’Elixir d’amour de Donizetti qui sera proposé sur écrans dans une nouvelle production de l’opéra de Rennes.

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ANGERS, GRAND THÉÂTRE

AVRIL 2022

Jeudi 28 – 20h

Samedi 30 – 18h (garderie proposée)

Réservation ici

NANTES, THÉÂTRE GRASLIN

MAI 2022

Dimanche 15 – 16h

Mardi 17 – 20h

Mercredi 18 – 20h

Vendredi 20 – 20h

Samedi 21 – 18h (garderie proposée) 

Réservation ici

OPÉRA DE RENNES

JUIN 2022

Mercredi 8 – 20h

Vendredi 10 – 20h

Dimanche 12 – 16h

Mardi 14 – 20h

jeudi 16 – 20h (retransmis en direct sur écrans : Angers (place du Ralliement) Nantes (place Graslin et Hippodrome), à Rennes (place la Mairie) et dans d’autres villes des régions Pays de la Loire et Bretagne. 

Réservation ici

Tragédie japonaise en trois actes de Giacomo Puccini
Durée : 3h italien surtitré
Livret : Luigi Illica et Giuseppe Giacosa
Orchestre National des Pays de la Loire. Direction : Rudolf Piehlmayer
Mise en scène : Fabio Ceresa
Décors : Tiziano Santi
Costumes : Tommaso Lagattolla
Lumières : Flammetta Baldiserri
Chœur d’Anger Nantes Opéra. Direction : Xavier Ribes
Cio-Cio San : Karah Son ou Anne-Sophie Duprels (en alternance)
Suzuki : Manuel Custer
Benjamin Pinkerton : Angelo Villari ou Sébastien Guèze (en alternance)
Sharpless : Marc Scoffoni
Goro : Gregory Bonfantti
Le Prince Yamadori : Jiwon Song
Kate Pinkerton : Sophie Belloir

Reprise de production de la Fondation du Maggio Musicale Fiorentino et du Teatro Petruzelli de Bari.

Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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