Vous allez Mâcher la poussière ! Après trois romans remarqués dont le premier, Zénith-Hôtel, couronné du Prix de Flore en 2012, Oscar Coop-Phane, jeune auteur à peine trentenaire nous offre cette année un huis clos où il décortique une fois de plus l’âme humaine de ses personnages.

MÂCHER LA POUSSIÈRE OSCAR COOP

Dans Mâcher la poussière, le baron Stefano, plus riche propriétaire de la région tue un jeune garçon venu chaparder des amandes sur ses terres. Malheureusement, cet enfant n’est pas un vagabond, mais le neveu d’un chef de clan de la mafia palermitaine. Impossible de supprimer celui qui fait vivre le pays, Stefano est donc enfermé dans une prison dorée, le célèbre et vieillissant hôtel des Palmes.

Comment vivre enfermé quand il était si agréable de flâner au rythme des saisons au milieu de ses champs, des arbres et des étoiles ? Dorénavant, l’hôtel est son seul lieu de vie. Stefano se crée des rituels : petit-déjeuner, observation depuis la fenêtre, sieste, apéritif au bar de l’hôtel avec Joseph. Parfois, il part en découvertes dans les couloirs, les escaliers de secours. Son cœur s’emballe en humant de nouvelles odeurs, en sortant du luxe dans les pièces dédiées au service.

Oscar Coop-Phane

Puis il rencontre Isabelle, la femme de chambre qui a la fraîcheur de la jeunesse et un éclat qu’elle ignore. Il décide de la séduire pour redonner du sel à son existence. Ce ne fut guère difficile, elle qui le trouvait mystérieux dans son costume de lin blanc et rêvait de luxe et d’une vie plus agréable. Mais à peine dans son lit, le vieil homme se lasse de cette petite qui peut courir dehors et le tromper.

Comme chacun est prompt à satisfaire les caprices d’un homme riche, Joseph le barman lui propose de la drogue et des filles. Mais prostituées et stupéfiants ne procurent que des évasions de courte durée. Sortir, voilà ce qu’il veut. C’est un écrivain suicidaire, Raymond, largement inspiré de Raymond Roussel qui se suicida en 1933 au Grand Hôtel Et des Palmes de Palerme, qui l’emmènera dehors à l’opéra déguisé en femme.
Grosse déception, une fois de plus.

Oscar Coop-Phane

« Car moi, voyez-vous, je n’ai rien goûté, je n’ai pas ri. Je n’ai pas eu mal, pas la moindre entorse, pas un froissement. J’ai ressenti une grande absence, un trou, ce fossé qui s’était tendu entre mes regards et mon cœur. Oui, c’est cela, une crevasse large. J’ai regardé le monde comme on regarde un film auquel on ne croit pas. J’ai vu les ficelles des scénaristes et le jeu faux des acteurs. Voilà le plus cruel, en m’y mêlant, j’ai moins senti le monde qu’à travers ma fenêtre. »

Le personnage de Stefano, pourtant détestable, parvient souvent à détourner ses défauts en se faisant apprécier par ce petit microcosme hôtelier, tant par le personnel que par les clients. On finirait presque par le plaindre s’il n’était un assassin et un noble imbu de son pouvoir.

Dans un style fluide, poétique, travaillé où perce une douce mélancolie, Oscar Coop-Phane insiste davantage, dans Mâcher la poussière, sur la psychologie de ses personnages que sur les faits. En prisonnier de luxe, l’hôtel devient l’espace de Stefano, mais cet enfermement entraîne une quête incessante d’évasion, de bonheur. Malgré les attentions obligées de la domesticité, le baron ne trouve plus les occasions qui lui donnent envie de vivre.

En revenant sur un huis clos dans un hôtel, lieu hautement romanesque, et en s’inspirant d’un fait réel, Oscar Coop-Phane, influencé par Flaubert et des auteurs peu connus du début du XXe siècle comme Emmanuel Bove ou Jean Forton, confirme, dans Mâcher la poussière, son talent d’analyse psychologique des âmes désespérées.
Un auteur à suivre.

Mâcher la poussière de Oscar Coop-Phane, le 4 janvier 2017 aux Éditions Grasset, 320 pages, 19 euros

Oscar Coop-Phane est né en 1988. Il a publié trois romans aux éditions Finitude (Zénith-Hôtel, Prix de Flore 2012, Demain Berlin en 2013, et Octobre en 2014).

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Marie-Anne Sburlino
Lectrice boulimique et rédactrice de blog, je ne conçois pas un jour sans lecture. Au plaisir de partager mes découvertes.

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