Tout le quartier du Portrieux frémissait depuis un an d’une douce excitation, parfois traversée par la peur d’une promesse sans lendemain : « une librairie va ouvrir rue Clemenceau ! » Et pas une petite librairie, façon occasion ou confidentielle, non, une grande librairie généraliste ! Elle devrait se nommer « Librairie le Fanal » – entendait-on susurrer dans les rues du port. L’attente et l’espérance étaient telles que l’observateur (lettré ou non) était en droit de craindre une amère déconvenue. Mais le résultat est à la hauteur : ce n’est pas une jolie librairie qui a ouvert ses portes (et ses livres) au public le 3 août 2022, mais une librairie de 200m2 à l’organisation et à l’esthétique tout simplement somptueuses. Rencontre avec le couple de libraires qui fait ce beau cadeau aux Quinocéeens et, à n’en pas douter, aux lecteurs et écoliers de tout le pays et l’arrière-pays. Bienvenue dans le monde de Françoise et Thierry Le Flohic que vous découvrirez en suivant la lumière du fanal qui est à la fois celle du guide et celle de la connaissance.

Unidivers – Françoise et Thierry Le Flohic, votre patronyme laisse penser que vous êtes d’origine bretonne… Du Portrieux ?

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Françoise et Thierry Le Flohic devant leur librairie Le Fanal dans le Portrieux

Françoise et Thierry Le Flohic – Nous sommes nés respectivement à Ploërmel dans le Morbihan et dans le Finistère. Pour autant, Thierry a passé son enfance à Saint-Brieuc. 30 ans plus tard, nous nous sommes rencontrés à la fac de biochimie de Rennes. Depuis, nous ne nous sommes plus quittés. Malgré une vie de déplacements et de résidences ponctuelles à l’étranger – Angleterre, Mexique, Hongrie notamment.

Thierry – explique Françoise – termine sa carrière (encore deux ou trois ans) dans l’industrie vétérinaire des vaccins. Françoise a conclu avec succès ses études en biologie – commente Thierry – par une thèse consacrée à un sujet cardio-vasculaire avant de rejoindre une société de biotechnologie où elle contribuait à établir des diagnostics génomiques.

Nous avons quasiment fait le tour du monde, mais nous avons toujours réussi à vivre ensemble. Heureusement ! – se réjouissent de concert Françoise et Thierry. Cela étant, avec la naissance des nos filles (âgées de 18 et 20 ans), la vie d’expatriés s’est compliquée. Françoise a pris un poste d’enseignante de SVT au lycée français de Budapest. Et puis, les années ont passé, et nous sommes définitivement rentrés il y a trois ans.

Unidivers – Avec la perspective du Fanal en tête…

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Françoise et Thierry Le Flohic – Nous nourrissons notre projet depuis environ 5 ans. Revenir en France et ouvrir une librairie pour nous deux et pour tous. Nous sommes deux grands lecteurs ; nous nous plaisons ensemble dans la compagnie des livres.  Il y a trois ans, quelques mois avant l’épidémie, notre décision était prise : l’heure était venue de ce grand tournant de notre vie. 

Unidivers – …et Saint-Quay-Portrieux comme destination ?

Françoise et Thierry Le Flohic – Hé bien, au début, non. Nous cherchions en Bretagne, c’était la limite de la carte et du territoire. Et puis aussi, près ou dans un port ; c’est inexplicable, mais un port, c’est tout un monde. Cela étant, au regard de la superficie de la libraire que nous prévoyions, nos visites de potentiels emplacements se soldaient toutes par un échec. Et l’échec, comme un mentor inconscient, nous ramenait sans cesse à Saint-Quay-Portrieux.

Unidivers – Je ne comprends pas : vous connaissiez déjà cette merveilleuse cité balnéaire ?!

Françoise et Thierry Le Flohic – Je vais vous raconter une anecdote que peu de personnes connaissent… – confie Thierry – Il y a 20 ans, j’ai découvert Saint-Quay-Portieux par le GR34 et je me suis fait la promesse que j’aurais un jour une maison sur cette côte sublime. Chose faite depuis 10 ans.

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Unidivers – Donc, le puzzle s’est éclairé peu à peu et a révélé son dessein et dessin : la lumière du Fanal devait naître et illuminer le port…

Françoise et Thierry Le Flohic – Et bien oui. À un moment l’évidence s’est imposée. Dès lors, nous avons appris que le Grenier était susceptible d’être racheté. L’affaire fut faite.

Unidivers – Et l’ouverture visiblement une réussite à en croire le nombre de clients qui se pressent dans les travées de votre librairie ?

Franchement, nous ne nous attendions pas à une telle réception. Dès l’ouverture, les lecteurs – de tout âge – étaient au rendez-vous. La librairie depuis ne désemplit pas.

Unidivers – Tous les Quinocéens s’en réjouissent. Mais ce succès doit sans doute à un choix éditorial riche et équilibré ainsi qu’un fonds en quantité significative pour une ville de la taille de Saint-Quay-Portrieux.

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Françoise et Thierry Le Flohic – La librairie Le Fanal mesure 200m² et peut en effet s’enorgueillir de 15 000 titres. Le fonds se décline en différents versants propres à une librairie généraliste, mais un accent est mis sur le rayon polar et sf (2500 titres) et BD (2500 également). Thierry est un grand lecteur de polar et SF et saura conseiller les amateurs. Et Françoise excelle dans le conseil dans le rayon jeunesse car elle a été représentante notamment de la maison d’édition l’École des Loisirs. 

Unidivers – À propos, de livres, d’école et de loisirs… chacun de vous peut-il citer un livre qui a eu un impact fondamental dans son existence ?

Françoise et Thierry Le Flohic – (Respiration plus rapide, yeux au ciel puis à terre puis de nouveau en l’air, débuts de réponses, mais vite coupées, quelque hésitations, un soudain sourire, balayé par quelques réminiscences muettes ; une bonne minute s’écoule avant que le choix parvienne à formulation…)

ThierryLe Principe du loup-garou de Clifford D. Simak et Tortilla flat de Steinbeck ;

FrançoiseAutant en emporte le vent de Margaret Mitchell et La Montagne magique de Thomas Mann.

Unidivers – Un commentaire au sujet du retrait en 2020 par la plateforme HBO de son catalogue d’Autant en emporte le vent…

Thierry – Que dire ? Bannir un film d’un catalogue ou un livre d’un rayon… Que dire si ce n’est qu’on ne refait pas l’histoire…

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Françoise et Thierry dans leur librairie Le Fanal

Unidivers – Bon, je vous avais demandé un livre, vous m’en avez donné chacun deux. J’y vois la manifestation de cette générosité propre aux libraires et lecteurs à l’appétit insatiable… (rires) Une dernière question pour finir. Ce projet ambitieux d’une librairie en zone littorale traduit votre enthousiasme et votre certitude d’arriver à faire converger vers le Fanal des lecteurs du pays et de l’arrière-pays. Quels moyens comptez-vous déployer à cette fin ?

Françoise et Thierry Le Flohic – D’emblée, il faut préciser que notre objectif est au service de notre plaisir et non de notre porte-monnaie. Cela étant dit, nous avons dimensionné notre projet en fonction du territoire et de ses montagnes russes démographiques. Avec 3 mois de ventes soutenues sur 12 et l’équivalent de 3 temps pleins, nous devrions nous en sortir. En faisant ce que nous aimons et désirons. Ce qui est l’essentiel.

Dans ce cadre, nous allons mettre en place des actions autour d’ateliers à destination des élèves et organiser des rencontres autour d’auteurs. Les idées naissent dans le feu de la pratique ; des nouvelles devraient voir le jour dès la rentrée…

Enfin, en plus du conseil, qui est le maître-mot de tout libraire, notre approche du métier de libraire est moins centrée sur l’actualité que chez d’autres : le Fanal proposera un important fonds d’ouvrages indépendamment du roulement (un tantinet excessif…) de l’actualité littéraire et de ses nouveautés par centaines. Nous voulons constituer une maison ancrée dans la littérature avec toutes ses racines diverses, actuelles et passées. Comme une lumière chaleureuse dans les jours parfois crépusculaires que notre société traverse. Bref, nous aspirons à devenir un fanal. 

Librairie Le Fanal
6 Rue Georges Clémenceau

22410 Saint-Quay-Portrieux
Ouvert tous les jours sauf dimanche 09:30–12:30, 14:30–19:30
Tél : 02 96 70 77 52

rue clemenceau saint-quay-portrieux

Le renouveau survient parfois comme un éclair sans précipitation. Il s’abat gentiment comme une promesse de renaissance sur la ville, le hameau ou l’artère fatiguée par le ressac des ans ou oubliée par la modernité et ses récentes activités. L’attractivité de la rue Clemenceau, qui était quasi à l’abandon il y a un lustre, connaît ainsi une métamorphose inaugurée par l’ouverture d’un café suivie en quelques mois par deux restaurants et deux galeries d’art. La photo ci-dessus montre Ludovic Pellan, grand lecteur et voyageur en sus d’être le patron du café Le Bon Dieu sans confession, se réjouir de l’arrivée du Fanal et du dynamisme de ce bout de rue qui est devenue en 3 ans le nouveau coin de paradis de Saint-Quay-Portrieux.

fanal vieux port Portrieux
Le fanal du vieux port du Portrieux
Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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