Marc Mifune, alias Les Gordon, et Thomas Lucas, aka Douchka, forment un duo pop-électronique depuis plus de deux ans. Sans mettre de côté leurs projets solos, les deux acolytes dégagent une énergie folle sur scène. Rencontre avec ce duo rennais à l’univers particulier qui suscite l’intérêt des festivals.

LESKA
Thomas Lucas et Marc Mifune réunis dans Leska

Musicalement parlant, Leska se différencie un peu de vos projets solos…

Thomas Lucas : C’est pas tout à fait pareil. Nous prenons des risques et des choix que nous ne ferions pas sur nos projets solos. Leska est un vrai groupe, c’est un projet qui se joue en live, plus que nos projets solos. Les Gordon et Douchka restent des projets de producteurs. Leska est un projet un peu plus ambitieux, nous avons cette volonté de transmettre sur scène, avec de vrais instruments.

Marc Mifune : Nous avons des envergures différentes sur chaque projet. Leska c’est un peu une symbiose de nos expérimentations, nous concrétisons et synthétisons un peu tout ça. Nous marchons à deux cerveaux au lieu d’un et nous avons toujours un peu ce côté producteur mais avec une envergure plus importante. Quand nous avons envie de jouer, nous jouons. Il y a beaucoup de choses que nous créons et que nous transmettons en live, c’est un peu la patte Leska.

Comment s’est monté le projet Leska ?

Thomas Lucas : Nous nous sommes rencontrés il y a trois ans. Nous jouions tous les deux à un open air à l’ECAM, une école d’ingénieur à Rennes. Ensuite, nous nous sommes revus et nous avons fait du son un peu par hasard chez moi, parce que l’ordinateur était allumé et que nous avions envie de tester un truc. Et de fil en aiguille ça a continué. Le projet a vraiment existé quand nous avons fait notre premier live, c’est à ce moment là, que nous avons trouvé un nom parce qu’il n’y avait pas de soundcloud, pas de sorties, ni de label et tourneur.

Marc Mifune : C’était un side projet plus par amitié, nous voulions à la base s’échanger des tricks. Comme nous avions nos projets solos, nous n’avions pas forcément l’idée de rajouter un projet ensuite, mais ça s’est fait naturellement. Il n’y avait pas de stratégie marketing, c’était plus par plaisir et voir ce que ça pouvait donner.

Certains de vos morceaux comme L&H rappellent un peu l’univers de Møme, Fakear ou encore Clément Bazin, vous en pensez quoi ?

Thomas Lucas : Je trouve pas, c’est pas la même musique, nous la jouons pas de la même manière. Il y a des machines, des contrôleurs qui reviennent comme les MPC (machines de composition musicale). Nous sommes plus influencés par des duos comme Moderat, ou des groupes qui fonctionnent avec des univers bien distincts comme Gorillaz et Justice. Nos influences correspondent à nos âges.

Marc Mifune : Je comprends que nous pouvons être rattachés à cette scène là car nous évoluons en même temps qu’eux. Il y a peut être des similarités sur certains de mes projets avec Les Gordon. Sur Leska nous avons une patte un peu différente. Notre but est de nous différencier sur ces artistes là.

Sur scène vous dégagez une certaine énergie, vous sautillez dans votre live session réalisé à la Tour Mabilais de Rennes, cela fait parti de l’identité de Leska ?

Marc Mifune : Il y a une énergie qui se crée quand nous sommes deux et que nous n’avons pas en tant que producteurs solos.

Thomas Lucas : Même en live c’est différent. Nous avons mis un point d’attache afin que ça soit bien développé. Nous avons un peu inversé les choses. Le live s’est très vite développé, nous sommes partis très tôt en tournée, avec des dates importantes comme les Transmusicales et le Printemps de Bourges, alors qu’il n’y avait pas encore d’EP. Nous voulions aussi faire vivre Leska à travers le live et beaucoup de gens nous ont découvert en concert. Nous avons fait beaucoup de petits festivals aussi et nous nous sommes retrouvés à jouer aussi bien sur des plateaux électro que sur des plateaux rock. Bizarrement nous nous retrouvons pas tant que ça à jouer sur des plateaux vraiment électro, à part Nordik Impakt ou les soirées Nowadays mais nous brouillons volontairement les pistes.

Vous faites vivre une expérience live assez particulière…

Thomas Lucas : Nous arrivons avec nos instruments sur scène, une partie de notre studio et le but c’est d’essayer d’offrir aux gens quelque chose hors des schémas classiques MPC qu’il y a partout finalement. Nous essayons de se différencier là-dessus en accordant une importance à la scénographie et aux lumières. Nous pensons à enlever certaines choses sur les nouveaux lives. J’ai un SPD par exemple, une sorte de petite boîte avec des baguettes, je me pose la question de l’enlever car je vois plein de gens qui l’ont et je me demande si ça sert vraiment à quelque chose en live.

Comment vous partagez-vous la scène ?

Thomas Lucas : Je dirais que ça reflète un peu ce qui se passe en studio. Marc est plus musicien et s’occupe des arrangements. Il va être concentré sur les parties mélodiques, les jeux d’harmonies au piano et le violoncelle aussi que nous ramenons sur scène. Je ne connais pas de groupes en musique électronique qui apportent un violoncelle électrique sur scène. Moi, je suis plus sur la partie beatmaking producteur. Je m’occupe des parties rythmiques, du déclenchement de loop ou de sample. Après nous nous rejoignons par moment car le but n’est pas seulement d’être dans la performance.

Marc Mifune : Nous voulons créer un lien sur la dynamique, le symbole de Leska forme deux cercles et ça crée un lien, comme une sorte de triangle. C’est assez symbolique, nous apportons surtout de l’énergie en live et c’est ce que les gens aiment.

La part d’improvisation en live existe-t-elle ?

Marc Mifune : La part d’improvisation est très minimale. Beaucoup de musiciens en électro ont un set-up définit avec très peu de marge d’improvisation. Les lives sont assez répétés, c’est normal lorsqu’un concert est donné devant des gens, nous ne pouvons pas faire n’importe quoi. Je regarde beaucoup de lives comme Justice par exemple et c’est très calé. Les gens aiment le live, ils découvrent des morceaux d’une autre envergure et nos morceaux sont beaucoup retraités pour qu’ils soient plus long en live.

Thomas Lucas : Ça peut aussi être des erreurs qui deviennent des accidents cools que nous allons garder. Il y a toujours un petit moment où nous nous plantons en live que le public n’entend pas, mais à part le jazz, je ne vois pas de musique live qui se prête à improviser.

Marc Mifune : Comme nous sommes deux et que nous jouons avec des bandes, l’intérêt c’est de retransformer les morceaux pour le live. Les parties d’improvisations se font plus en studio, où nous pouvons garder une boucle mélodique que nous avons apprécié et la rejouer devant les gens. Pour moi, cela ne servirait à rien d’improviser dans le sens où ça dénaturerait plus le morceau qu’autre chose.

Thomas Lucas : Nous n’allons jamais faire à la note près deux fois le même live, c’est impossible. Parfois je vais déclencher des samples, des fois je vais oublier. Sur les structures globales des morceaux, nous avons aussi travaillé un show lumière qui accompagne les morceaux, donc si nous commençons à changer, les techniciens en face ne comprennent pas. Le live en l’espace de deux ans, il a peut être changé quatre ou cinq fois. Plus nous tournons, plus nous comprenons comment amener les morceaux de manière intelligente et fluide. La partie d’improvisation arrive dans le studio quand nous allons tester pour la première fois des choses. Aux Transmusicales, nous avons joué un live que nous avions jamais répété avec les lumières et devant le public. Il y avait plein d’erreurs mais c’était notre challenge : être présent sur un rôle en ayant jamais joué devant 5000 personnes, c’était un vrai défi. Si nous l’avions fait en décembre dernier, nous aurions fait un show carrément meilleur parce qu’entre temps nous avons pris de la bouteille.

Vous êtes souvent accompagnés de feats, Batuk dans I Got You, Lia sur votre dernier titre One and Only, comment le choix s’opère-t-il ?

Thomas Lucas : En vrai c’est une galère sans nom. Sauf si nous sommes avec les gens en direct. Avec I Got You, nous avons eu une chance énorme. Nous les avions rencontré en Afrique du Sud, ils ont posé une fois et c’était dans la boîte. Avec Lia ça été comme ça aussi. Mais sinon il y a plein de feats pour lesquels ça n’a jamais fonctionné. Il y a peut être huit feats que nous avons reçu mais que nous n’avons jamais sorti parce que ça ne le faisait pas.

Marc Mifune : Nous n’avons pas continué de collaborer parce que derrière il y a beaucoup de tests de feats pour tous les producteurs. C’est un gros travail de mise en relation avec la personne pour que nous nous sentions bien et voir si le fealing passe bien, si la personne aime notre musique. C’est beaucoup d’étapes mais la plupart des producteurs envoient beaucoup de mails pour trouver des feats. C’est un travail d’échange surtout si la personne habite Montréal et que nous sommes en France, et ensuite il faut enregistrer la voix en studio et faire des cachets.

Thomas Lucas : Après le plus gros se passe en studio. Si nous ressentons qu’il y a un truc à faire avec un morceau en feat, nous le faisons. Nous nous sommes rendu compte que les morceaux qui marchent le mieux en live ne sont pas forcément chantés. Rolling qui est sur les plates-formes marche super bien alors que c’est un morceau instrumental et hyper simple à la guitare, que nous avons réalisé en deux après-midi.

En décembre dernier, vous avez fait la première partie de Rone, que représente cette première partie pour vous ?

Thomas Lucas : Rone en l’occurrence c’était génial parce que c’est une grosse influence pour nous. Les premières parties c’est particulier. Parfois l’artiste ne sait même pas qui tu es, il n’a même pas écouté ce que tu faisais, c’est sa prod qui t’as mis là. Rone c’était une belle rencontre humainement et musicalement parlant et c’était le meilleur moyen de finir la tournée.

LESKA
Leska au côté de Rone

En plus de vos projets, vous menez aussi des actions culturelles, c’est important pour vous de transmettre et partager votre passion aux plus jeunes notamment ?

Thomas Lucas : Ce qui est bien c’est quand il y a un investissement des deux côtés. En ce moment nous tenons des ateliers avec des enfants à l’École Champion de Cicé à Rennes. Ils sont disponibles et volontaires, et quand ça se fait dans un cadre comme celui-là c’est super. L’Antipode c’est aussi une salle que nous connaissons bien, tous les gens avec qui nous avons mené des actions culturelles aiment notre projet. Nous ne sommes pas forcément en recherche de ça mais quand nous pouvons partager, nous le faisons.

Marc Mifune : Nous diversifions ce que nous faisons au quotidien, les concerts, le studio. Faire de l’action culturelle nous permet de toucher d’autres publics, de voir d’autres palettes sur ce que nous avons l’habitude de faire.

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Leska en atelier à l’École Champion de Cicé de Rennes

Vous allez être pas mal occupés ces prochains mois…

Marc Mifune : Nous avons une tournée label Charrues dans le cadre de la date aux Vieilles Charrues cet été. Nous avons un single qui sortira en mai et un EP en juin. Nous allons aussi sûrement remettre des dates à l’automne dans le cadre de la sortie de cet EP. Nous avons aussi des projets perso que nous avons depuis un petit moment, plus en tant que producteurs. Moi j’ai un album qui sort fin juin. Thomas travaille avec d’autres prods. Nous sommes en permanence en train de travailler sur des projets, et nous travaillons pour d’autres artistes aussi.

Prochaines dates de concert Leska : 

03/05 – La Nouvelle Vague – SAINT MALO
05/05 – Le Run Ar Puns – CHATEAULIN
06/05 – Festival Kleg – CLEGUEREC
11/05 – La Citrouille – SAINT BRIEUC
01/06 – Festival Le Jardin du Michel – NANCY
03/06 – Festival Sakifo – LA RÉUNION
21/07 – Festival Les Vieilles Charrues – CARHAIX

Timothy Gaignoux
Timothy Gaignoux est journaliste spécialisé en culture musicale.

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