Lui, il avait, tout en apparence, pour être heureux. Une entreprise prospère, un appartement cosy, et puis une femme, un fils… qu’il aime tendrement… Un frère jumeau, une belle-sœur attentionnée. Et puis tout a basculé en quelques secondes, quand un petit branleur en mal de conduite dangereuse, de stupéfiants, et d’alcool a démonté la Renault Twingo dans laquelle circulaient Julien, le fils, 16 ans et sa mère, Françoise.

Jean François Dion

 

Jusque-là… Rien de bien extraordinaire. C’est triste, émouvant un accident. Dans le même temps, cela reste un fait divers. Banal. Des tueurs, des chauffards, il en existe des milliers sur nos autoroutes comme nos routes de campagne, aux carrefours de nos villes. Le récit aurait pu demeurer bien classique si l’auteur n’avait pas eu ce sursaut pertinent de nous permettre de nous installer dans la tête de cet homme meurtri et de suivre son parcours. Et quel parcours ! Peu commun au cœur même de la douleur extrême.

On m’a volé ma vie en me prenant la leur. Je me suis emmuré, j’ai fui, j’ai disparu, j’ai été seul. J’ai écouté passer le temps, qui ne fait pas tant de bruit. Les portes s’ouvrent et se referment. Devant moi. Derrière moi.
Elles étouffent et gueulent des sons.

C’est depuis le fond d’une chambre (ou une cellule), laquelle il a louée dans un monastère pendant une semaine (les conditions limitent le séjour à huit jours), qu’il nous raconte son histoire. Sa douleur. Son cheminement. Ses décisions. Les conséquences… Ainsi le lecteur connaîtra le passé, le présent de cet homme. Son futur, on pourra l’écrire ou l’imaginer en pensées.

jean francois dion

 

Page après page, chapitre après chapitre, on va pouvoir mesurer toutes les phases qui vont occuper l’esprit de ce quinquagénaire, détruit, qui tente comme il le peut de survivre, obsédé par la vengeance et torturé par sa conscience, une tempête permanente sous un crâne. Ainsi, cet homme – ce mari, ce père -, va devoir digérer la perte des deux êtres, piliers de son existence et s’habituer à une certaine forme de solitude tout en jouant un rôle, celui de l’homme qui reste debout, poursuit son travail et regarde l’avenir autrement, aspirant à une certaine forme de résilience.

Mais les seules forces qui l’animent c’est de faire justice lui-même puisque le jeune inconscient, Ludovic, a été laissé en liberté conditionnelle en attente de son procès. Il conduisait sans permis, et continue de conduire sans permis passant ses week-ends en boîte de nuit, entre rails de coke et la pêche aux filles. Même si le chauffard a été choqué sur le moment, juste un bras en écharpe, il a vite repris le dessus et a vite recouvré ses petites habitudes, drogue et sexe à gogo. Les morts peuvent dormir tranquille. Et si cet inconscient, ce criminel, s’en sortait trop facilement ?

Mais l’endeuillé, martyr, lui, ne l’entend pas ainsi. Il se découvre chasseur et va traquer sa proie pour rendre honneur à son épouse, à son fils… Et il arrivera ce qu’on peut redouter… C’est toute la suite des événements qui ne manquent pas de profondeur. Le tout proposé dans un style descriptif et minutieux qui nous enveloppe de sons glaçants. Une question intéressante réside aussi au cœur de ce roman terrible : est-ce que droit rime avec morale ?

Les portes et les sons qu’elles font Jean-François DION – Éditions Carnets nord – 288 pages. Parution : septembre 2019. Prix : 16,00 €.

Jean François Dion

Homme de télévision (Canal+), amoureux de cinéma, Jean-François Dion habite aujourd’hui dans un village du sud-ouest de la France où il se consacre à l’écriture.

Christophe Maris
Christophe Maris est journaliste et écrivain, agrégé de Lettres modernes. Il collabore à plusieurs émissions de TV et radio et conçoit des magazines pour l'enseignement où il a oeuvré une quinzaine d'années en qualité de professeur de lettres, d'histoire et de communication.

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