Avec ce premier roman, Le Dit du Mistral, Olivier Mak-Bouchard frappe fort. Il nous offre un texte incomparable où soufflent sur le Luberon, mistral tonitruant et légendes locales. Un récit inclassable, mais vivifiant et poétique.

S’il vous plait Olivier racontez moi une histoire. Ainsi pourrait-on résumer l’envie de lire ce premier roman d’Olivier Mak-Bouchard. Le livre, l’objet, nous invite déjà à cette demande. Une magnifique couverture ouverte à toutes les lectures, une qualité de papier et d’impression remarquable, un éditeur courageux et audacieux, tout est en place pour que l’on se blottisse dans un large fauteuil prêt à lire ou à écouter une histoire. Cette histoire est celle des quatre éléments : la terre, le feu, l’eau et l’air. Quatre éléments et un pays, le Luberon qui s’étend entre Lourmarin et le Mont Ventoux, quatre éléments qu’a déjà raconté Jean Giono à qui l’on pense dès le premier chapitre. Giono pour le rapport à la nature, mais aussi Bosco pour le fantastique et l’irrationnel.

le dit du mistral Olivier Mak-Bouchard

C’est un soir d’orage que tout débute, de la pluie et un éboulement de terre dans la propriété voisine qui va révéler, enfoui dans le sol depuis des millénaires, un mur étrange et une « femme-calcaire » dont l’apparition va bouleverser la vie de deux hommes, le narrateur et son voisin.

De ces fouilles, de cette mise à nu, vont surgir des contes et légendes du passé, des liens entre de lointains cousins et des lieux aux origines mystérieuses. On revisite un coin de terre que foulèrent Hannibal et la chèvre de Monsieur Seguin, et dans un récit dont on se demande où il va nous mener, à Bédoin ou en enfer, on se laisse peu à peu porter par les mots d’une totale neutralité, presque anodins quand ils décrivent des personnages, mais gardent toute l’ampleur de leur souffle pour raconter les paysages et la force des quatre éléments créateurs.

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Le Mont-Ventoux (Vaucluse)

On laisse sur les chemins pierreux, bordés par des cairns, notre rationalité glissée dans la besace et de rêves en rêves, on se prend à écouter le Mistral, cet enfant qui souffle, trois, six ou neuf jours, sale gamin que les hommes, à l’image du narrateur, veulent maitriser mais qui n’obéit souvent, comme tout minot turbulent, qu’à la magie et la poésie d’une belle histoire. On remonte les millénaires, et on cherche l’origine de toute chose. Mais on n’est pas seul dans ce récit qui mêle avec bonheur, réalisme et légendes, rêves et futur. Un chat, au nom de Hussard, autre clin d’œil à l’écrivain de Manoque, va veiller sur nous, « Arlésienne » jouant avec ses apparitions nocturnes. Sa silhouette noire, silencieuse, accompagne notre entrée progressive dans l’univers du fantastique, qui laisse notre imagination s’imprégner de la blancheur calcaire de la roche ou du dieu celte Vintour, qui règne au sommet du Mont chauve.

On aurait tort de penser que l’auteur plagie, copie ou paraphrase les pages de Frédéric Mistral ou de Pagnol. Aucun régionalisme, pas de folklore, pas de « avé accent » mais plutôt à travers le prisme d’un petit territoire, la portée universelle des origines du monde, là où se déploient toutes les forces du cosmos. Les personnages semblent flotter, hors du temps, insaisissables, passeurs entre passé et présent. La narrateur devient loup, Albique ou musicien et avec lui on plonge dans l’eau de source, on avale des ocres et des blancs, on plie sous le mistralet.

lourmarin
Lourmarin (Vaucluse)

Convoquant la magie des légendes, le roman nous ensorcelle avec une simplicité de conte pour enfant sans ostentation érudite ou ambition métaphysique. L’auteur invite le lecteur à laisser voguer son imagination, à apprendre à aimer la nature qui nous entoure, oiseaux, pierre, source, soleil. Avec lui on apprend à aimer cette terre porteuse de parfums, de poésie et de couleurs. Et de langues. Le texte est parsemé de phrases, de proverbes en provençal, balises du temps qui passe, porteuses de traditions qui font la richesse d’un pays comme ces treize desserts du réveillon de Noël provençal.

On referme le texte, blotti dans son fauteuil, heureux d’avoir lu un conte merveilleux, un roman sans pareil et on a envie d’aller boire à une fontaine, sur une petite place peut être pour y trouver une source de jouvence ou de sagesse. Et on prolongerait bien la balade à Lourmarin sur la tombe de Bosco, proche de celle de Camus, pour essayer de comprendre les signes cabalistiques gravés sur son tombeau. Mais cela n’a rien à voir avec ce roman. Quoique.

Le Dit du Mistral de Olivier Mak-Bouchard, Éditions Le Tripode. 356 pages. 19€.

Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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