Le beau monde est le premier roman de Laure Mi Hyun Croset… Un mariage, c’est d’abord une décision commune puis c’est un temps de préparation qui demande énergie, contrôle de soi et un sens de l’organisation qui ne tolère aucun faux pas sous peine de rater la fête, de s’exposer aux quolibets des siens, des invités… Et dans la famille de Charles-Constant, on souhaite un mariage parfait qui satisfera tant les heureux unis que les quelque trois cents invités.

Mais voilà, la belle et jeune Louise, future mariée, ne pointe pas présente le grand jour venu. Où est-elle ? Que lui est-il arrivé ? La cérémonie à l’église est annulée mais le banquet est maintenu et toute la caravane des conviés, composée de la bonne bourgeoisie lyonnaise, pourra ripailler. Car dans ce milieu, ces choses-là ne s’envisagent pas un moment. Alors on va tenter de s’amuser comme on peut. Et puis qui sait ? Louise a peut-être eu finalement un simple retard de dernière minute.

le beau monde

Bien sûr, le grand sujet des conversations devient de sitôt Louise et sa personnalité si fascinante. Au fil des heures et des mets présentés, des alcools ingurgités, les langues vont se délier et le portrait de Louise va être brossé tant par celles et ceux qui la connaissent que par celles et ceux qui prétendent la connaître. Ainsi va se dérouler une curée autour de cette étrange jeune fille. Cruauté, médisance, conduite au pilori. Louise sera vêtue non de sa robe de mariée mais d’un dress code des plus immondes ; et ce, pour le restant de sa vie. Tout Le beau monde convoqué à la noce va se lâcher, va larguer tous les codes de la « bonne société » pour s’adonner à un véritable jeu de massacre.

Pour son premier roman, Laure Mi Hyun Croset nous gratifie d’un roman écrit au scalpel, à une satire digne de La Fontaine ou La Bruyère, de cette caste qui ne tolère aucun défaut, aucun faux pas chez les autres. En Louise, ces gens ont trouvé là un excellent bouc émissaire. Et tous les masques des uns comme des autres vont tomber. Derrière les bonnes manières vont apparaître le vrai caractère des amis de la jeune absente comme du marié, qui semble d’un charisme diaphane autant que liquide. Pauvre Charles-Constant, on se demande bien de quelle guimauve il est composé. Et le pleutre n’a pas même assez de relief pour prendre la défense de sa bien-aimée, de sa future épouse… Comme elle est magnifique cette société qui se défend d’être presque sans aucun défaut.

Laure Mi Hyun Crosset nous invite donc dans un huis clos sans pitié, féroce et malsain. Quelle fête ! Quelle fête en fous rires, en sourires, en faux rires. Quelle fête factice qui ressemble plus à un tribunal qu’à une noce.

Et si ce roman n’était pas qu’une fiction ? Qui n’a pas mis au moins une fois les pieds dans un milieu où les conventions finissent par se consumer à la moindre petite flamme. La grande finesse de l’auteure, avoir fait d’un personnage absent, le personnage central, omniprésent qui conduit l’intrigue de bout en bout. Et cela ne manque pas de sel. Jusqu’au-boutiste. Le beau monde est aussi très visuel, drôle, grinçant où les « ridicules » sont à l’honneur. Et l’on pense souvent à Chabrol qui ne se lassait pas de croquer les bourgeois, d’envoyer valser tous les codes. Ça fait un bien fou ! C’est monstrueusement jouissif !

 

Laure Mi Hyun Croset
Laure Mi Hyun Croset

Le beau monde, Éditions Albin Michel, 200 pages, mars 2018, couverture : © Sean Murphy / Getty Images – Photo auteure – © Aurélien Bergot Prix : 15,00 € – www.albin-michel.fr

 

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Christophe Maris
Christophe Maris est journaliste et écrivain, agrégé de Lettres modernes. Il collabore à plusieurs émissions de TV et radio et conçoit des magazines pour l'enseignement où il a oeuvré une quinzaine d'années en qualité de professeur de lettres, d'histoire et de communication.

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