Grégoire et le vieux libraire (éd. Albin Michel), de Marc Roger, nous plonge dans un quotidien ordinaire… qui recèle pourtant la force de l’extraordinaire … Le luxe des petits riens… Véritable coup de cœur pour ce premier roman empreint de tendresse et de bienveillance, cette bienveillance mise à mal, car galvaudée de-ci de-là.

Grégoire est un jeune homme en rupture avec le milieu scolaire. Il n’en veut plus des études. Même son bachot, il l’a loupé. Oh, Grégoire n’est pas un mauvais bougre, mais les études, ce n’est pas franchement son truc.

Alors, il décroche un petit boulot, homme à tout faire dans un EPADH. Le vieux libraire qui y réside, M. Picquier, est un drôle de bonhomme. À la fois bougon, maniaque, dandy, il n’en a plus pour bien des années avec sa Parkinson qui l’affaiblit de saison en saison. Le jeune et le vieux se rencontrent dans cette maison de retraite, hors champ de nos vies si précipitées, souvent brutales, fondées avant tout sur le paraître et les faux-semblants. Ils apprennent à se connaître, à s’apprécier et même à s’aimer.

Si Grégoire a horreur de la lecture, c’est pourtant elle qui les rassemble. Le deal entre M. Picquier et le jeune Grégoire, c’est quelque temps de lecture chaque semaine, au-delà des corvées de cuisine ou de laverie imposées au jeune homme par sa responsable, Mme Masson.

Et le voyage des deux compères peut commencer. Un voyage au pays des mots, au pays des livres, des pages, ailleurs, bien ailleurs que dans cette chambre de quelques mètres carrés où M. Picquier s’approche de la mort. C’est qu’ils ne manquent pas de faire les quatre cents coups, redonnant élan et joie aux autres pensionnaires, ni de se moquer de certains personnages cruels qui voient d’un mauvais œil la relation entre ce vieux libraire homosexuel et ce damoiseau en demande d’attention, voire d’affection. Pourtant, rien de malsain entre ces deux-là, bien au contraire. Rien qu’une solide amitié, une confiance réciproque et une parole libre, parfois crue, entre deux caractères bien trempés.

À côté de cette relation singulière, une présence féminine, Dialika, la jeune infirmière trentenaire de l’EPADH, au dévouement à toute épreuve et dont Grégoire tombe amoureux. Elle sert de trait d’union entre les deux hommes. Ainsi, les jeunes accompagnent le vieux libraire jusqu’au dernier moment, y compris dans un voyage initiatique sur les traces d’Aliénor d’Aquitaine à l’abbaye de Fontevraud, en Anjou, touche historique et poétique subtile.

Si Grégoire se découvre et se réalise tout au long de ce roman, par les livres, la littérature, la force et la musicalité des mots, par l’attachement au vieil homme, il en va tout autant de M. Picquier qui redécouvre la force de l’amitié, du partage, mais aussi de cette passion de transmettre au fils qu’il n’a jamais eu, ses passions, sa passion pour l’écriture comme la lecture. C’est drôle, c’est parfois cocasse, c’est avant tout touchant jusqu’aux larmes parce que les belles histoires finissent un jour aussi…

Grégoire et le vieux libraire, c’est un roman fort, un roman qui fait du bien et qui réconcilie les générations.

Grégoire et le vieux libraire de Marc Roger – Éditions Albin Michel – 235 pages
Parution : 7 février 2019. Prix : 18,00 €. 

marc roger Marc Roger est lecteur public. Il organise des lectures partout en France et principalement dans des librairies. En 2014, il a été le Coup de Cœur du Jury du Grand Public livres Hebdo (présidé par Amélie Nothomb) pour son extraordinaire rôle de passeur entre les livres et le grand public. Grégoire et le vieux libraire est son premier roman.

Christophe Maris
Christophe Maris est journaliste et écrivain, agrégé de Lettres modernes. Il collabore à plusieurs émissions de TV et radio et conçoit des magazines pour l'enseignement où il a oeuvré une quinzaine d'années en qualité de professeur de lettres, d'histoire et de communication.

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