Le film Django du réalisateur Étienne Comar met en lumière une petite partie de la vie du fameux guitariste tzigane Django Reinhardt : celle de l’occupation Allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. Soutenue par une musique fabuleusement juste, cette production souffre d’un manque de vitalité, l’interprétation de Reda Kateb lui donne heureusement une crédibilité à côté de laquelle elle aurait pu passer.

DJANGOIl suffit de quelques mesures, de quelques notes égrenées par une guitare à la sonorité acide et un peu bridée par la main de l’interprète, pour identifier sans coup férir la musique de Django Reinhardt. Mélange de jazz et des mélodies d’Europe de l’Est qui appartiennent à la communauté manouche, ce style est reconnaissable entre tous et renvoie immédiatement aux glorieuses années du quintet du hot club de France dont Stéphane Grappelli, fut le violoniste fétiche. En Angleterre pendant presque toute la guerre il retrouva Django en 1946, épisode fameux, à l’occasion duquel, dans une chambre d’hôtel, ils se mirent à jouer spontanément la Marseillaise.

DJANGOL’ambiance particulière de cette époque troublée est plutôt bien rendue. On retrouve avec plaisir l’atmosphère un peu interlope de ces clubs de jazz en forme de caveaux où une population bourgeoise et noctambule, venait s’encanailler au son d’une musique faussement prétendue décadente (celle de Cab Calloway entre autres). Le focus sur la communauté tzigane rappelle opportunément que, à l’instar des juifs, ces populations furent la cible des purificateurs ethniques et qualifiés de « sous-hommes ». Beaucoup disparurent dans la barbarie des camps nazis, avec, il est triste de le souligner, la participation active de la police française. Cela met également en lumière le malaise de Reinhardt, pris entre deux feux, d’un côté l’appel des siens, de l’autre, la cour un peu pressante des Allemands, désireux de l’exhiber en concert à Berlin.

DJANGOCet aspect du film est bien traité et l’interprétation de Reda Kateb met en avant le caractère réservé du guitariste, plutôt silencieux que prolixe et réussissant à s’exprimer complètement dans sa musique plus que dans la vie réelle. Pour cela l’acteur s’est véritablement investi dans un travail de découverte de celui dont il allait interpréter le rôle, allant jusqu’à prendre des cours de guitare et s’imposant à la main une prothèse, pour s’obliger à jouer de la même manière que Reinhardt (lequel, sérieusement blessé à la main gauche lors d’un incendie de sa roulotte en 1928, passera près de 18 mois à l’hôpital et finalement s’inventera une nouvelle technique pour jouer malgré ses lésions). Le résultat est remarquable et la gestuelle correspond exactement à la musique, ce qui n’est pas la moindre des choses au vu de la vélocité de certaines mélodies. Bien entendu, il est quand même doublé par le trio Rosenberg, héritiers reconnus, qui offre de cette musique manouche une interprétation pleine de verve et d’authenticité. Petit clin d’œil des plus sympathiques, Levis Reinhardt, petit fils de Django s’est vu offrir le rôle de Gagar Hoffmann (violoniste et directeur musical de Vie et Lumière, la Mission évangélique des Tziganes de France).

Mais Reda Kateb n’est pas seul et Cécile de France lui donne la réplique avec un indiscutable talent, même si son personnage semble un peu nébuleux et passablement anecdotique. D’ailleurs le générique présente bien ce film comme étant une libre interprétation du livre Les folles de Django de Alexis Salatko. Il convient donc de s’éloigner de l’idée de « biopic » qui ne semble pas une définition correcte pour cet opus.

DJANGOL’aspect « mise en scène » n’est pas critiquable, même si cela manque parfois de rythme et donne l’impression de s’envaser dans un récit par trop romancé et des dialogues un peu plats. L’impression générale reste pourtant positive et doit encourager à se rendre dans les salles obscures pour faire connaissance de ce Django et de sa musique hypnotique. Elle est, avec le travail de Reda Kateb, le premier point fort de ce film. Autre élément de surprise, et pas des moindres, il nous est donné de faire connaissance, en forme de conclusion, d’une œuvre malheureusement en grande partie perdue, le « Requiem pour mes frères Tziganes » et qui ne fut donné qu’une fois, à Paris, à la fin de la guerre. Seuls subsistent quelques éléments de partition. Musique simple et empreinte de naïveté, elle n’en est pas moins une prière poignante appelant au repos de ceux qui furent les victimes d’une toujours inexplicable démence. Nul n’étant prophète en son pays, c’est au festival « Berlinale 2017 » que Django a reçu huit nominations, dont celle du meilleur acteur et du meilleur réalisateur. Souhaitons que le public français l’accueille avec autant d’intérêt.

Film Django par Étienne Comar avec : Reda Kateb, Cécile de France, Beata Palya, Bimbam Merstein, Gabriel Mirété, Vincent Frade, Johnny Montreuil, Raphaël Dever et Patrick Mille, Sortie le 26 avril 2017, durée 1h55

Scénario : Étienne Comar et Alexis Salatko – Librement adapté de l’ouvrage « Folles de Django » de Alexis Salatko, publié aux Éditions Robert Laffont, Producteur(s) : Olivier Delbosc et Marc Missonnier

Article précédentRENNES. O RAGE ! UN SPECTACLE SANS DÉSESPOIR À LA PARCHEMINERIE
Article suivantSCULPTURE CLUB DE LAURENT PERBOS S’EXPOSE A VERN SUR SEICHE
Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici