La XVIe édition du Festival photo de La Gacilly se déroule du 1er juin au 30 septembre 2019 dans l’Ouest, dans le Morbihan. Son thème se concentre sur l’Est, notamment les territoires de l’actuel territoire fédéral russe. Trois grands noms de la photographie du XXe siècle apportent une perspective historique : le chimiste, qui a fixé l’empire russe sur la plaque, Sergueï Prokoudine-Gorski (1863-1944), le constructiviste Alexander Rodchenko (1891-1956) et le Franco-Tchèque, gitan de coeur, Josef Koudelka (1938-). Trois photographes qui jettent un regard majestueux – à la fois docte, décalé et vivant – sur 24 séries de photos contemporaines à la qualité inégale. Nous vous présentons ci-après les 5 photographes dont le travail a le plus retenu notre attention. Mais à tout seigneur, tout honneur, commençons par le commencement.

Alexander Rodchenko

Figure emblématique de l’avant-garde russe et peintre à l’origine, la photographie d’Alexander Rodchenko est à l’image de sa peinture : composition géométrique, parfaitement structurée, d’où se dégage une esthétique artistique autant qu’un reflet d’une nouvelle société, voire d’un homme nouveau. Le tout dans un travail de noir et blanc impeccable. Qu’il s’agisse des architectures en contre-plongée ou des portraits frontaux, l’exposition L’œil révolutionnaire du constructivisme rassemble ce que l’on peut attendre du médium photographique : qu’il transporte le public, amateur ou éclairé. À ne pas manquer !

Josef Koudelka

Camus a écrit dans L’homme révolté (1951) « La révolte est l’une des dimensions essentielles de l’homme », une vraie leçon de vie pour l’exposition de Josef Koudelka au Garage. Dans la nuit du 21 août 1968, les chars soviétiques envahissent les rues de la capitale tchécoslovaque… Équipé de son appareil-photo, le photographe d’origine tchèque capte l’invasion de Prague dans son immédiateté et révèle l’intensité du moment. Encore aujourd’hui, ces clichés historiques sélectionnés par l’auteur montre l’importance vitale pour la démocratie du photojournalisme. Joseph Koudelka raconte l’histoire de milliers d’habitants et livre un témoignage poignant. Plus que des photographies de reportage, les grands-formats sont un véritable hymne à la résistance et à ceux qui refusent l’oppression. Il met la barre haut pour toute une nouvelle génération de photoreporters.

 

Elena Chernyshova

Ancienne architecte, cette photo-reporter autodidacte a traversé, armée de son appareil-photo, les régions les plus froides de la Russie. Comme un témoignage, la série Vivre dans le grand froid donne à voir la vie de ces habitants qui vivent dans des températures extrêmes une grande partie de l’année. Sur chaque cliché, une présence humaine habite une composition lumineuse colorée, en contraste avec la blancheur de la neige. L’architecture y est un des éléments principaux également.

Marine Lecuyer

Et si l’eau venait à disparaître ? Le long du chemin des Libellules, une jeune photographe française tire son épingle du jeu photographique de la Gacilly par la trame narrative et artistique de ses photographies, un univers apocalyptique entre réalité et fiction. De l’art fiction.

Marine Lecuyer propose une histoire dystopique où l’eau aurait disparu de la surface de la Terre. Sans réelle chronologie, sa série Burning se construit autour de photographies hétéroclites sur lesquelles elle agit au moyen de divers procédés. Ces paysages mentaux se dessinent tels des souvenirs d’un temps passé, où l’homme est présent, mais rarement visible. Une très jeune photographe, mais prometteuse. Gageons qu’elle persévère dans la belle voie qui s’offre à elle.

Sergey Maximishin

Passer devant l’exposition de Sergey Maximishin ressemble à une balade dans les multiples facettes culturelles de la Russie. Le photographe propose de découvrir une réalité peu connue de son peuple afin d’en capter la schizophrénie. Qu’ils soient humoristes ou traditionnels, les clichés apportent un regard authentique sur la culture soviétique de nos jours.

À retenir, la photographie de deux hommes en costume confortablement installé sur un télésiège qui rappelle l’humour anglais de la troupe des Monty Python.

Kasia Strek

La photojournaliste polonaise Kasia Strek est descendue dans les profondeurs des derniers gisements de charbon des villes de Radin, Budryn et Bytom afin de donner la parole aux dernières gueules noires de Pologne. La lumière artificielle des projecteurs ou des lampes frontales révèlent les traits tirés et la fatigue, la difficulté du travail et la trace du charbon. Une façon de capter cette vérité inconnue de l’industrie minière.

Alexey Titarenko

De 1992 à 1994, Alexey Titarenko a photographié les lieux très affluents de Saint-Petersbourg à l’aide de pose longue. De ces expériences est née Saint-Petersbourg, la ville des ombres, une série de photographies semblable à une composition picturale qui interpellent par leur poésie. Les passants se transforment alors en ombres abstraites semblables à des fantômes urbains « La série s’est crée au croisement de deux époques. Celle du totalitarisme, puis de la perestroïka… ».

Rapprochant la photographie de la musique, chaque photographie se lit comme une composition dont une touche de couleur ravive l’éclat. On retiendra particulièrement La place Haymarket à Saint-Petersbourg vue d’un toit, une photographie qui ressemble à s’y méprendre à une peinture.

 

Du 1er juin au 30 septembre 2019. Festival de photographie, La Gacilly. 

Un article de Emmanuelle Volage, Clémence Pays et Nicolas Roberti

Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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