La cinéaste et bédéaste Nadia Nakhlé expose des dessins tirés de son roman graphique Les Oiseaux ne se retournent pas, dans le bâtiment O de l’université Rennes 2 jusqu’au 20 janvier 2023. Une BD bouleversante d’une enfance en exil.

Rester enfant, quand on a connu la guerre, la fuite, les frontières hérissées de barbelés. Grandir, quand l’autre devient un danger. Réussir à vivre, après n’avoir que survécu. C’est ce que l’héroïne tente de faire dans Les oiseaux ne se retournent pas de Nadia Nakhlé, dont des planches sont actuellement exposées à l’Université sur La Mezzanine et dans le hall du Tambour (Bâtiment O).

Les oiseaux ne se retournent pas

« Nous souffrons d’un mal incurable qui s’appelle l’espoir. » C’est sur cette citation terrible de Mahmoud Darwich, poète palestinien que Les Oiseaux ne se retournent pas débute. Le thème moteur de ce livre ? L’espoir, cet ingrédient humain essentiel à la survie. Le roman graphique de Nadia Nakhlé est un roman graphique publié aux Éditions Delcourt en 2020. Cette BD raconte l’histoire de Amel, comme elle aurait pu raconter la vie de tant d’autres enfants qui, comme elle, ont dû fuir la guerre absurde des adultes. Comme un oiseau, Amel trace sa route vers la liberté sans se retourner. Se retourner, c’est prendre le risque que les souvenirs nous submergent, prendre le risque de vouloir arrêter de se battre devant un ennemi plus grand, imbattable.

Dans son petit sac à dos jaune, elle a entassé toute sa maison, tous ses souvenirs. Désormais chez elle, c’est plus loin. Devant. Au cours de son périple, elle va rencontrer Bacem, un soldat déserteur joueur de Oud. Il n’a pas pu se résigner et devenir un bourreau. Il n’a pas voulu saisir la haine qu’on lui tendait en drapeau. Alors à l’endroit exact où ses camarades de feu portent un fusil, Bacem porte en bandoulière son Oud, dernier bagage et vestige de sa vie d’avant, et fuit lui aussi son cher pays devenu fou.

Les Oiseaux ne se retournent pas

Les dessins très peu colorés de ce roman graphique, essentiellement en noir, blanc et gris, rendent une impression de grande et douce poésie. Les protagonistes n’ont plus rien. L’exil les a dépouillés de tant de choses de leurs vies d’avant, sauf de l’espoir de trouver la liberté au loin. Le dessin épuré semble traduire ces pertes. Seuls quelques détails sont parfois en couleur (rouge, bleu ou jaune) comme pour mettre en évidence ces symboles que l’espoir qui ne disparaît jamais.

« On peut tout te prendre, mais pas tes rêves. Avec eux, tu iras loin. »

Amel, devenue Nina, rêve encore, son seul échappatoire sur la route. La guerre et les passeurs avides ne peuvent pas lui enlever ça, l’intérieur de sa tête, ce qui fait ses rêves et sa personnalité. Ces passages oniriques sont dessinés avec talent, les dialogues sont très poétiques ce qui rend ses échappées lyriques magiques, faisant coupure avec le reste du récit. Amel prend conscience de la violence du monde et se questionne dans les pages sur l’absurdité du paysage qui reste de marbre.

« Dieu si tu existes je t’avoue que je ne suis plus sûre… Comment peux-tu accepter tout le sang versé ? Comment le ciel et la mer parviennent à rester bleus ? »

Au questionnement de l’enfant face à la désertion de Dieu devant ce spectacle de désolation humain, on lui proposera autre chose, une autre voie, pour atteindre cette résilience.

Nadia Nakhlé Dieu

L’exposition de ces dessins fait suite au spectacle du même nom de l’artiste, porté par la compagnie Traces & Signes qui met en scène l’histoire d’Amel et Bacem fuyant leur pays en guerre. Si Bacem parle d’une ombre monstrueuse qui s’est abattue sur son pays, obligeant les femmes à voiler leurs visages et effacer leurs sourires, le pays n’est jamais nommé. Il peut être partout et à toute les époques possibles. En ces temps incertains, l’œuvre de Nadia Nakhlé Les Oiseaux ne se retournent pas est particulièrement bluffante de réalisme et d’actualité.

  • Zaza bizar
  • Zaza bizar

En 2021, la jeune artiste a sorti une seconde BD, Zaza bizar qui parle du quotidien semé d’embuches d’une petite fille porteuse de trouble Dys. Si Les Oiseaux ne se retournent pas émeut par son actualité brulante, Nadia Nakhlé s’attelle à une autre actualité importante, encore trop peu exploité sans cliché, celle des troubles de l’apprentissage. Là encore, l’artiste vise le large public, tout le monde est concerné, personne ne doit ignorer.

Les Oiseaux ne se retournent pas est la bande dessinée remarquable d’une artiste de talent à qui on souhaite de continuer à créer, et qu’on ne peut lire et commenter sans conclure avec la chanson La Petite Kurde de Pierre Perret, reprise par le chanteur Idir

Exposition à voir jusqu’au 20 janvier 2023 à l’Université Rennes 2, dans la Mezzanine et le hall du Tambour, dans le bâtiment O.

Ouvert du lundi au vendredi de 8h à 20h !

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