Dans le monde de la littérature où l’offre est bien plus importante que la demande, peu d’élus sont publiés dans les maisons d’édition. Il y a la voie de la soumission de son manuscrit et celle de la participation à un concours littéraire avec, parfois, une publication à la clé. Présentation de concours qui concourent à différents succès…

Selon le SNE[1], seulement 1% des manuscrits envoyés est publié. Si l’on se fonde sur ce faible pourcentage, voir son livre sur les étagères des librairies relève plus du rêve que de la réalité. Pourtant, les concours roman, album jeunesse, littérature générale ou young adult pleuvent chaque année sur les sites et réseaux sociaux des maisons d’édition. L’année 2023 en recense pour l’instant trois : un concours album jeunesse des éditions Gründ, un concours premier roman des éditions Auzou et un concours premier roman jeunesse des éditions Gallimard Jeunesse.

concours premier roman

Les concours lancés par les maisons d’édition offrent une grande opportunité aux auteurs de pouvoir être publiés. La mention de « premier roman » donne la chance à ceux et celles qui n’ont jamais pu être publiés de l’être, sans être en compétition avec des auteurs confirmés qui auraient plus de chance d’être remarqués par une maison d’édition. Mais est-ce réellement le but premier d’un concours roman ?

Si une maison d’édition choisit d’organiser un concours, une organisation complexe en découle : le choix du thème, la recherche d’un jury et de partenaires, le besoin de passer par un professionnel pour l’identité visuelle et les différentes communications sur diverses plateformes (réseaux sociaux, site internet, presse). Une campagne qui demandera du temps, du budget, un planning chargé ; et ce, dans un temps imparti court. Pourtant, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, le réel travail commençant à la fin du concours. Les éditeurs doivent trier les manuscrits, opérer une première sélection, voire une seconde et une troisième pour choisir des finalistes. Ces derniers seront ensuite départagés par le vote du jury final. Il reste alors l’annonce du gagnant et la publication du livre, tout comme sa communication dans les mois à venir.

Si les concours sont de gros enjeux pour les auteurs – afin de ne serait-ce qu’effleurer ce doux rêve d’être publié –, il semblerait tout autant qu’ils constituent de gros enjeux pour les maisons d’édition, mais des enjeux… marketing.

Concours Auzou Roman

En lançant un concours, une maison d’édition attire la lumière sur son catalogue, sa ligne éditoriale et ses collections. En effet, un concours permet de faire connaître les éditions à un nouveau lectorat, voire même de pouvoir mettre en avant un pôle en particulier de son catalogue. Les éditions Auzou sont connues dans le monde de la littérature jeunesse comme éditeurs d’album, notamment avec Loup, le héros préféré des tout-petits. Toutefois, leur catalogue roman se développe ces dernières années, avec une attention particulière portée vers le young adult (genre où le personnage principal est un adolescent ou jeune adulte et qui vise donc un lectorat du même âge). Ainsi, ce concours se révèle un moyen de faire découvrir les romans publiés dans la catégorie et permet de s’implanter dans la mémoire des lecteurs comme un éditeur de young adult ; et ce, en annonçant ce concours au salon du livre jeunesse de Montreuil lors de la présence en dédicace de leurs auteurs YA.

Dans le cas des éditions Gallimard, le roman est déjà associé à cette maison d’édition prestigieuse dont la collection Blanche n’est plus à présenter. Toutefois ce même prestige peut aussi les desservir. Si l’image de marque des éditions l’inclut naturellement dans les maisons illustres du patrimoine français, cette même étiquette est susceptible de l’handicaper précisément parce que son identité peut peser comme un joug. C’est pourquoi le pôle jeunesse a choisi de se détacher de la maison principale en créant les éditions Gallimard Jeunesse afin de s’éloigner d’une image institutionnalisée qui ne correspond pas forcément à l’esprit d’ouvrages destinés à un lectorat jeune. Par ce concours, Gallimard Jeunesse tente aussi de renforcer leur présence en Jeunesse et de prolonger la séparation avec la maison mère.

Concours Gallimard
Concours Gallimard

Les éditions Gründ ont commencé avec des livres d’art. Leur collection de beaux livres est travaillée et développée tandis que la catégorie « Jeunesse » est en plein essor. La maison d’édition tente de se démarquer de ses concurrentes par une ligne éditoriale bien spécifique. Dans cette démarche, les éditions Gründ ont préféré lancer un concours album jeunesse où le manuscrit est demandé sans illustrations. Ce choix n’est pas anodin. La demande d’un texte seul peut contraster avec la définition d’un album, d’une littérature imagée, mais elle permet de rappeler qu’un auteur d’album n’est pas systématiquement illustrateur et vice-versa. Il est fréquent qu’un album naisse d’une collaboration entre auteur et illustrateur. Par ce choix, la maison d’édition peut vouloir montrer sa volonté à chercher un auteur plus qu’un ouvrage dans sa globalité et, ainsi, inciter certains à se lancer bien qu’ils ne soient pas illustrateurs.

concours Grund

Si un enjeu marketing se dévoile derrière ces différentes annonces de concours, elles restent tout de même un moyen pour l’auteur d’être publié dans un secteur saturé. Ces stratégies marketing sont des indicateurs pour l’auteur qui souhaiterait soumettre son projet dans un concours. Un manuscrit peut être refusé sur plusieurs critères : sa construction, son écriture, son orthographe, etc. Les raisons sont multiples et semblent pointer vers l’auteur et sa plume. Toutefois, d’autres raisons justifient aussi ce refus tels la cohérence avec la maison d’édition et son catalogue de publication.

Avant d’envoyer un manuscrit, il est donc nécessaire de se poser plusieurs questions :

  • Est-ce que mon manuscrit rentre dans leur ligne éditoriale ?

Une ligne éditoriale est l’identité même de la maison d’édition, qu’est-ce qu’elle édite, quel est son pôle majeur, quel genre privilégie-t-elle ? L’album, le roman, la jeunesse, le young adult, la littérature générale, etc. Quels thèmes sont récurrents ? L’imaginaire, la fantasy, la philosophie, le développement personnel, l’ésotérisme…

  • Est-ce que mon manuscrit coïncide avec leur image de marque ?

Si la ligne éditoriale est l’identité d’une maison d’édition, l’image de marque est ce qu’elle renvoie à autrui. Que cherche-t-elle à accomplir sur le secteur de l’édition ? Comment se positionne-t-elle par rapport à ses concurrentes ? Comment cherche-t-elle à s’en différencier ?

  • Est-ce que mon manuscrit rentre dans la collection du concours ?

Une maison d’édition ne lance pas de concours pour son catalogue entier mais pour une collection en particulier. Quelle est cette collection ? Quels sont les autres ouvrages qui font partie de cette collection ? Est-ce que mon manuscrit remplit ses critères ?

  • Quel est le lectorat visé par mon manuscrit ?

Chaque livre a son lectorat. Lequel est susceptible d’être intéressé par mon manuscrit ? Est-ce le même que celui visé par le concours ?

Ces questions permettront de trier les maisons d’édition et de mieux connaître les demandes et attentes de celles-ci. Car si les maisons d’édition choisissent entre différents manuscrits lesquels publier, l’auteur doit choisir quelles maisons d’éditions contacter.

PRATIQUE :

Concours d’écriture des éditions Auzou

Concours du premier roman, Gallimard jeunesse

Concours d’écriture des éditions Gründ

[1] Les Ressorts de l’économie de création, SNE, mars 2015

Areni Nirmalan
Passionnée de littérature jeunesse en tout genre (romans, albums, bandes dessinées), je souhaite analyser son évolution, ses nouvelles formes et les coulisses de sa publication en France.

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