« Les États Unis racontés par leurs grandes affaires criminelles », ainsi se présente la collection « True Crime » des éditions 10-18 qui s’ouvre avec une affaire emblématique « L’affaire Alice Crimmins ». Passionnant comme un polar mais une histoire réelle et vécue.

Les faits divers disent beaucoup d’une société. Les journalistes, les écrivains s’en emparent pour résoudre des affaires jusqu’alors non solutionnées, décrire des personnages hors du commun, une époque. Jaenada, Jablonka, Florence Aubenas, Anthony Passeron, et tant d’autres ces dernières années ont écrit des livres souvent remarquables, le dernier Sambre de Alice Géraud (éditions JC Lattès) consacré à un violeur en série faisant partie de ceux là. À un tel phénomène souvent accueilli favorablement par les lecteurs, les éditeurs ne pouvaient rester insensibles. La maison d’édition de livres de poche 10-18 du groupe Editis s’est associée au magazine Society pour créer une nouvelle collection « True Crime » dont le but est de publier « une affaire criminelle par État » américain afin d’en dessiner une cartographie des crimes. En ce début de mois cette collection est inaugurée avec trois ouvrages emblématiques et répondant à un cahier des charges commun.

true crime collection

L’affaire Alice Crimmins est un des premiers livres de la collection et constitue une belle entrée en matière. Nous sommes en 1964 dans le quartier du Queens à New-York. Quand elle se lève Alice Crimmins ne trouve pas ses deux enfants dans leur chambre. La fenêtre est ouverte, un landau est devant la fenêtre mais aucune trace de Eddie, 5 ans, et Missy, 4 ans. Ils vont être retrouvés séparément dans les jours qui suivent, affreusement mutilés. Très vite le profil de leur mère devient, au milieu de ces années soixante, un motif d’acharnement policier. Fêtarde, adultérine, grande gueule, aimant l’alcool, le sexe, elle a rapidement aux yeux de policiers exclusivement masculins, d’origine irlandaise, profondément catholiques, un profil de femme immorale et donc de coupable.

Obsédés par cette supposée culpabilité, ils vont alors tout mettre en oeuvre pour déstabiliser la jeune femme jusqu’à son procès : micros, faux témoignages, dénonciations calomnieuses, mensonges, fausses preuves, faux témoignages. Tout n’a qu’un but : prouver la culpabilité de Alice Crimmins, la mauvaise mère et donc l’assassine, le tout dans une ville de New-York qui atteint au cours de ses années le sommet de la délinquance et de la violence. Un premier procès a lieu en 1968. Puis un second en 1971, mais entre ces deux jugements, le mouvement féministe est apparu, rejetant l’image patriarcale de la femme et de l’épouse. Mère au foyer, épouse soumise, la femme américaine est en train de rejeter ces stéréotypes pour s’émanciper. Suffisamment pour modifier un premier jugement ?

true crime collection

En choisissant ce récit comme ouverture de collection, l’éditeur répond à la perfection aux ambitions éditoriales annoncées. Ce fait divers fut l’un des plus importants de l’Amérique des années soixante et démontre les fléaux du pays : machisme outrancier, morale puritaine qui fait fi de la vérité, mafia, magistrats carriéristes, politiciens douteux et opportunistes dessinent une société en proie à des démons idéologiques et moralisateurs outranciers.

Anaïs Renevier, l’autrice de ce livre, journaliste au magazine Society, s’inscrit dans le cahier des charges de la collection. Pas de littérature, ni de faits ou de personnages romancés mais une enquête, un récit documenté et actualisé, accompagné de témoignages recueillis récemment, qui se lisent comme un roman policier, éloignés des passions. Passions, c’est en effet de cela qu’il s’agit, et de cela dont il faut se méfier dans ces crimes, meurtres, accidents où à chaque fois une grande partie de l’opinion publique, selon sa morale, ses principes, se place en faveur ou en défaveur de l’accusé(e), faisant fi des faits et de la réalité.

C’est l’Amérique entière que la collection 10-18 va ainsi couvrir puisque les deux autres premiers livres publiés simultanément se déroulent dans l’Ohio (L’Inconnu de Cleveland) et en Californie (L’affaire du Golden State Killer), les auteurs étant également des collaborateurs de Society. Une collection déjà attrayante, facilement identifiable par ses couvertures, mosaïques de photos d’archives, et qui est prévue pour être déclinée en audio, film, BD et podcast « Histoires criminelles d’Amérique » qui racontera les dessous de ces enquêtes journalistiques.

Un vaste et séduisant projet éditorial qui devrait rencontrer son public.

L’affaire Alice Crimmins de Anaïs Renevier. Collection True Crime. Éditions 10-18 et Society. 206 pages. 7,50€

Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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