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Edgar Allan Poe. La Chute de la maison Usher et autres histoires extraordinaires, illustré par Paul et Gaëtan Brizzi, sorti aux éditions Futuropolis, suit de près la sortie de la série La Chute de la maison Usher de Mike Flanagan. Diffusée sur la plateforme Netflix en octobre dernier, cette dernière s’inspire de l’œuvre d’Edgar Allan Poe et entraîne dans l’effondrement d’une famille de milliardaires sous fond d’emprise avec le mal et d’inscription dans la société actuelle.

Edgar Allan Poe. Au même titre que son homologue Howard Phillips Lovecraft, l’imagerie fantastique que son nom inspire est sombre jusqu’à parfois faire naître la chair de poule. Parmi les nouvelles effrayantes qu’il a écrites, La Chute de la maison Usher est une des plus célèbres. Elle est tirée des Nouvelles histoires extraordinaires, recueil de 23 histoires traduit par Charles Baudelaire et publié en 1857. Les adaptations et les rééditions de l’univers de Poe ne manquent pas. La traduction du poète fait aujourd’hui l’objet d’une mise en valeur par les illustrateurs Paul et Gaëtan Brizzi aux éditions Futuropolis. Le duo nous replonge dans l’univers singulier d’un des plus grands maîtres du fantastique en s’attaquant au récit écrit en 1839, ainsi que dans dix autres. L’ouvrage se fait le pendant illustré d’une série diffusée depuis peu sur la plateforme Netflix, un hommage à l’œuvre de ce maître du fantastique signé Mike Flanagan.

Paul et Gaëtan Brizzi n’en sont pas à leur coup d’essai. Ils traduisent une nouvelle fois en images l’ambiance noire qu’insufflait Poe à ces histoires en commençant par celle inspirée, selon les dires, d’un fait divers qui s’est déroulé à la maison Usher, à Boston. Lorsque cette dernière fut détruite en 1830, les corps d’un marin et d’une jeune femme, emmurés dans le cellier par le mari de cette dernière, furent retrouvés dans les décombres… Le couple devint, sous la plume de l’auteur, des jumeaux terrés dans un manoir isolé, rongés par un mal méconnu. Un narrateur anonyme, ami d’enfance de Roderick Usher, raconte son séjour de plusieurs jours dans la maison. Il sera grignoté par un malaise de plus en plus grandissant.

Fins amateurs du noir et blanc, les illustrateurs ne lassent pas de ce premier amour, en y intégrant parfois une couleur. Les frères Brizzi sont connus pour les adaptations en BD des grands chefs d’œuvres Don Quichotte de la Manche de Cervantès et L’Enfer de Dante. Après la publication de Double assassinat dans la rue Morgue en mars 2023, est ici retranscrit avec une obscure délicatesse et finesse le mal oppressant qui enserre la demeure.

Les nappes sombres et lumineuses de leur dessin au crayon se sont éloigné de la couleur et du trait lisse d’Astérix et la surprise de César (1985), de La Bande à Picsou (1990) ou encore du Disney Le Bossu de Notre Dame (1996), pour lequel ils ont réalisé des séquences pendant leur séjour longue durée à San Francisco. Les frères Brizzi ouvrent la porte de l’univers d’Edgar Allan Poe et redonnent vie aux jumeaux Usher en façonnant avec talent l’apparence cadavéreux de Roderick Usher et l’atmosphère étrange des lieux, à coups de traits plus ou moins appuyés.

Seul avec sa sœur dans la nouvelle originale, Roderick Usher passe à un patriarche de famille, entouré de sa sœur jumelle Madeline et d’une tripotée d’enfants dans la série La Chute de la maison Usher, nés plus ou moins dans les liens sacrés du mariage. Dans la série de Mike Flanagan, les décors et l’histoire sentent la conspiration contemporaine. La famille Usher devient à l’écran une famille toute puissante de milliardaires qui a fait fortune dans l’industrie pharmaceutique, Fortunato. Essuyant un énième procès quant à la dangerosité des médicaments, les jumeaux Usher seront durant 8 épisodes aux prises avec leur passé et leurs péchés.

Comme chacune de ses créations depuis le succès de The Haunting Hill House, première saison de la série d’anthologie The Haunting diffusée aussi sur Netflix, la nouvelle proposition sérielle de Mike Flanagan était attendue au tournant par les fans de fantastique. Le réalisateur réitère ici avec son sujet de prédilection, le deuil, et avec l’adaptation littéraire. Un registre qui lui sied puisqu’il s’était frotté à quelques œuvres du grand Stephen King, Jessie en 2017 et Doctor Sleep en 2019. Notre réalisateur serait-il un fin appréciateur d’histoires horrifiques et fantastiques ? Si peu… Après La Maison Hantée de Shirley Jackson (The Haunting Hill House, 2018) et Le Tour d’écrou de Henry James (The Haunting of Bly Manor, 2020), il s’attaque au maître incontesté, Edgar Allan Poe. La Chute de la Maison Usher est sortie sur la plateforme de streaming Netflix en octobre 2023.

Mais ne vous fiez pas aux apparences, si la série porte le nom de La Chute de la maison Usher et base son histoire sur celle-ci, elle met en scène une partie de l’œuvre littéraire d’Edgar Allan Poe. Cet hommage prend la forme d’un ballet macabre où les titres des nouvelles servent d’indice quant au contenu de chaque épisode. Certaines d’entre elles, comme Le Chat noir, Le Masque de la mort rouge et Le Puits et le pendule et Le Scarabée d’or, sont à retrouver dans l’ouvrage illustré par Paul et Gaëtan Brizzi.

Comme une autopsie de la disparition de la famille Usher, le patriarche remonte le fil de l’histoire pendant sept épisodes et, sous fond de flash-back, décrit les circonstances de la mort de ses enfants, hanté par chacun d’entre eux, jusqu’au bouquet final. Plus entraînante que The Haunting of Bly Manor, moins effrayante mais plus trash que The Haunting Hill House, elle emmène le spectateur dans des scènes particulièrement riche en hémoglobine et liquide visqueux, les épisodes 2 et 3 feront cligner plus d’un oeil.

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Crystal Balint dans le rôle de Morella Usher, La Chute de la maison Usher

Esthétiquement remarquable, la série est peu ou prou baignée par l’ambiance pesante habituelle aux lignes de Poe, avec une retenue néanmoins regrettée. Cependant, le découpage de l’histoire permet un rythme néanmoins soutenu, malgré des épisodes inégaux et des monologues du personnage principal qui tirent parfois en longueur. On retrouve du maître la manière qu’il avait d’ouvrir un certain nombre de portes dans ses histoires. Dans sa série qu’il inscrit dans la société contemporaine, Flanagan tire plusieurs tiroirs de l’œuvre d’Edgar Allan Poe avant de donner la clé du mystère.

Le réalisateur s’éloigne en effet de l’histoire originale et propose une revisite actuelle puisqu’il donne à la famille le rôle de milliardaires responsables de la vente de millions d’opioïdes. La résonance avec la famille Sackler est à peine voilée. Propriétaires milliardaires des laboratoires Purdue, c’est elle qui a créé l’oxycontin, qui a causé aux USA un demi-million de décès depuis le début des années 2000, et plus de 120.000 morts de plus sont prévus en 2023. Fléau aux États-Unis, le sujet avait déjà été traité dans Toute la beauté et le sang versé de Laura Poitras. La réalisatrice a suivi Nan Goldin, grande artiste photographe et activiste qui, depuis des années, se bat contre ladite famille.

Comme un écho à cette réalité, la grandeur sociale des Usher s’est nourrie des malheurs que la famille a causé. Ce n’est pas grâce à la main de la justice humaine que la sentence tombera, elle se trouve entre les mains d’une des actrices fétiches de Flanagan, Carla Guigno, dans le rôle de Verna, personnage aux multiples visages qui se rapproche le plus du Mal.

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Pour les fêtes, le frères Brizzi et Mike Flanagan entraînent dans un tourbillon obscure, illuminé par le talent d’Edgar Allan Poe qui donne aux deux créations leur envol.

La Chute de la maison Usher et autres histoires extraordinaires illustré par Paul et Gaëtan Brizzi, éditions Futuropolis. Parution : 1er novembre 2023. 32 €

La Chute de la maison Usher de Mike Flanagan, diffusée sur la plateforme Netflix

Première diffusion en France : 12 octobre 2023 / 8 épisodes (1h01)

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