Retrouvée il y a peu dans le musée des antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, la dalle de Saint-Bélec a récemment été passée au crible par une équipe d’archéologues français. D’après leur étude, les reliefs qui ornent ce bloc de schiste datant de l’âge de bronze seraient une représentation cartographique des environs de Leuhan dans le Finistère, où l’objet fut découvert au début du siècle dernier. Agée de 4000 ans, la dalle de Saint-Bélec serait ainsi la plus vieille carte d’Europe découverte à ce jour.

C’est une découverte majeure qui enchante archéologues et préhistoriens dans le monde entier. Une étude publiée le 7 avril 2021 dans le Bulletin de la Société Préhistorique Française fait état de la plus ancienne carte d’un territoire européen. Ironie du sort diront certains, c’est dans le département dont l’étymologie signifie « la fin de la terre » (Finis Terrae), que fut mis à jour cet objet qui conduit à dater de nouveau le début de la cartographie sur notre continent.

Chateau saint germain en laye
Photo : Domaine national de Saint Germain en Laye

Arrachée aux entrailles du château de Saint-Germain-en-Laye en 2014, c’est en 1900 que ce vestige de l’âge de bronze fut découvert pour la première fois par Paul du Châtellier (1833-1911). L’archéologue, qui parcourait la Bretagne à la recherche de sites préhistoriques, avait alors entrepris des fouilles dans un tumulus près de Leuhan, une petite commune des Montagnes Noires dans le centre-Finistère. C’est dans le caveau du cairn qu’il mit la main sur cette imposante dalle en schiste gris bleu. Mesurant près de 2 mètres sur 1,5 mètre et pesant entre une et deux tonnes, la pierre est ornée de reliefs qui, de ses propres mots, laissèrent perplexe le préhistorien :

« Décrire ce curieux monument avec ses cupules, ses cercles et ses diverses figurations gravées… est chose difficile… Ne nous laissons pas égarer par la fantaisie, laissAnT le soin à un Champollion, qui se trouvera peut-être un jour, de nous en donner la lecture. »

Paul du Châtellier (1901)
carte dalle Saint Bélec tumulus Finistère

À la mort de Paul du Châtellier une décennie plus tard, ses enfants cédèrent sa collection au Musée d’Archéologie Nationale de Saint-Germain-en-Laye. La dalle de Saint-Bélec y fut transportée et stockée avec d’autres artefacts et éléments lapidaires dans une pièce du château où elle tomba dans l’oubli pendant près d’un siècle. Elle fut finalement redécouverte par Yvan Pailler, responsable d’opération à l’Inrap Grand-Ouest et titulaire de la chaire ArMeRIE à l’Université de Bretagne Occidentale, et Clément Nicolas, du laboratoire UMR Trajectoires de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Les deux archéologues entament alors des recherches afin d’identifier les origines, et surtout la ou les fonctions de cette mystérieuse dalle.

Une première série d’examens au carbone 14 permet dans un premier temps de faire une datation de l’objet. La dalle de Saint-Bélec aurait été taillée à l’âge de bronze, soit environ 2000 ans avant notre ère. La signification des symboles gravés demeure en revanche inexplicable. C’est à partir de relevés effectués avec des scanners 3D, mais aussi des croquis et représentations faites par Paul du Châtellier un siècle plus tôt, que les chercheurs émettent l’hypothèse d’une carte. Les reliefs qui recouvrent la dalle rappellent en effet les principaux éléments d’une représentation cartographique primitive : la composition est homogène, les gravures sont identiques en technique et en style, et la répétition des motifs indique une relation spatiale entre ces derniers.

dalle saint Bélec Paul du Châtellier
Croquis de la dalle de Saint-Bélec réalisés par Paul du Châtellier (1901).

Les deux archéologues décident alors de tester leur hypothèse en comparant les gravures avec les éléments paysagers des alentours de Leuhan. Les analyses statistiques et topographiques qu’ils réalisent sont probantes : les cercles, cupules et lignes pictées gravés sur la dalle semblent correspondre à la représentation d’un territoire avec ses cours d’eau, ses tumuli, routes et parcelles de terres. Une étude approfondie permettra même de révéler avec plus de précision la localisation de cet espace qui correspondrait à une zone d’environ 30 km de long et 21 km de large autour de la rivière de l’Odet.

dalle de saint Bélec carte Finistère

La découverte est retentissante, et met évidemment à mal les théories précédentes selon lesquelles les hommes n’auraient commencé à s’intéresser à une représentation cartographique de l’espace que bien plus tard. 2000 ans avant Ptolémée, 3000 ans avant la Tabula Rogeriana, les habitants de cette région s’adonnaient à une représentation spatiale de leur territoire. La ou les raisons qui ont motivé la création de cette carte, puis son installation dans un caveau, demeurent quant à elles ouvertes à l’interprétation, mais tout semble indiquer une réorganisation d’un ordre social : l’émergence ou la chute d’un pouvoir, l’avènement ou la mort d’un roi… Ces hypothèses seront probablement explorées lors d’une conférence en ligne qui sera organisée le samedi 15 mai 2021 par le Musée d’Archéologie Nationale.

Pour plus d’informations sur la dalle de Saint-Bélec, nous vous invitons à consulter les articles publiés sur le site du Bulletin de la Société Préhistorique Française, de l’ArMeRIE, de l’Inrap, mais aussi d’écouter ce podcast très complet de l’émission de FranceCulture Carbone 14, dans lequel les archéologues Yvan Pallier et Clément Nicolas présentent leurs travaux et leurs découvertes.

Inscrivez-vous à la visioconférence samedi 15 mai 2021 à 14h30.

Et au milieu coule une rivière : la carte gravée de l’âge du Bronze ancien de Saint-Bélec, Leuhan, Finistère
 

L’examen 3D de la dalle gravée de Saint-Bélec, découverte en 1900 dans un tumulus fouillé par P. du Chatellier, montre qu’il s’agit d’une carte, dont la figuration suffisamment précise du relief offre pour la première fois en Europe l’opportunité de saisir l’échelle de représentation. Elle représente vraisemblablement l’étendue d’un des multiples territoire de l’âge du Bronze ancien, dont le développement en Bretagne paraît contemporain des « Princes d’Armorique ».

Visio-conférence de Clément NICOLAS, Postdoc Marie Skłodowska-Curie, Bournemouth University – UMR 8215 Trajectoires/Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

et Rolande SIMON-MILLOT conservatrice en chef, responsable des collections du Néolithique et de l’âge du Bronze au Musée d’Archéologie nationale et Domaine national de Saint-Germain-en-Laye.

Suivez cette conférence en ligne, en direct, en vous connectant au lien qui vous sera communiqué prochainement sur la page du Musée d’archéologie Nationale, Domaine national Saint-Germain-en-Laye.

Après la visio-conférence, l’Ensemble Calliopée vous convie à un hommage musical à la Dalle ornée de Saint-Bélec.

Assistez à la diffusion du concert Une pierre raconte

A 20h30, sur la chaîne YouTube.

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