shadi ghadirian

La Ville de Binic-Etables sur Mer accueille du 9 mars au 28 avril 2024 à La Galerie municipale la photographe iranienne Shadi Ghadirian et ses détournements aux accents politiques.

Shadafarin Ghadirian est l’une des photographes les plus remarquables de sa génération, née à Téhéran en 1974, quelques années seulement avant la révolution islamique. Chef de file d’une nouvelle génération de photographes, elle développe une œuvre qui interroge plus particulièrement le statut de la femme dans l’Iran d’aujourd’hui. Sa démarche s’inscrit en miroir des revendications des femmes de sa génération. Son œuvre singulière dénonce sous forme d’icônes métaphoriques, les interdits et les contraintes liés à la vie quotidienne en Iran, tout en mêlant adroitement fiction et réalité, poésie et dérision. Le rayonnement international de ses réalisations artistiques l’érige aujourd’hui comme la représentante incontournable de la photographie iranienne contemporaine.

shadi ghadirian

Shadi Ghadirian, une artiste engagée

Shadi Ghadirian (née en 1974 à Téhéran, Iran) est, depuis quelques années, devenue une actrice majeure de la photographie iranienne et internationale. Son travail est exposé aux quatre coins du monde et figure dans toutes les plus grandes foires et biennales d’art contemporain.

Elle est apparue sur la scène artistique internationale dans les années 1990 avec sa série Qajar, et depuis, elle est devenue l’une des artistes les plus actifs et remarqués d’Iran, et est largement présente en Europe, aux États-Unis, au Moyen-Orient et au-delà, et est achetée par les musées à travers le monde. Sa fascination pour la vie paradoxale des femmes iraniennes d’aujourd’hui est un clin d’œil à l’autorité et montre une parodie des atentes sociales, des restrictions sociales et des lacunes qui dépeignent sa vie et son époque.

Lorsque Shadi Ghadirian est diplômée en 1998 de l’université Azad, elle est l’une des premières à sortir de ce département de photographie.

Le travail de Shadi Ghadirian a exclusivement pour sujet les préoccupations personnelles des femmes iraniennes de sa génération. Elle illustre la quête de la jeunesse adolescente pour plus de liberté, elle questionne les rôles assignés aux femmes et les innombrables tâches domestiques qui leur sont affectées, elle explore la voie pour une vie plus colorée, elle révèle la portée de la censure, et s’interroge sur le sort d’une génération vivant en face d’un ordinateur. Son travail est donc autobiographique, en contact visuel avec le pays et ses systèmes. Par-dessus tout, sa démarche est un parfait exemple de comment la photographie peut avoir une fonction sociale et maintenir au plus haut une esthétique visuelle et technique.

L’exposition de Shadi Ghadirian, présentée à Binic-Etables sur Mer, retrace son travail de 2000 à 2011, à travers des extraits de cinq séries photographiques.

shadi ghadirian

Like Every Day

Les visages sont totalement camouflés sous des tchadors colorés aux motifs floraux. Le dispositif est simple et efficace : les femmes, si elles sont réellement présentes, sont photographiées de face, sur un fond blanc. Aux visages drapés l’artiste a superposé des objets de la vie domestique : un hachoir, un balai, une râpe à fromage, une tasse, un gant en caoutchouc ou encore un fer à repasser. Elle se dévoile dans cete œuvre comme une véritable femme objet, uniquement identifiée par ses atributs imposés par la société iranienne : le voile et les ustensiles domestiques. Ses images sont fortes symboliquement car, en contournant les interdits de manière subtile et ironique, elle parvient à placer une critique à la fois amère et drôle de la société iranienne.

shadi expo ghadirian

Be colorful

Il est intéressant de noter que les femmes de la série Like Every Day ne portent pas le tchador noir. Bien au contraire, ils sont colorés, couverts de motifs floraux et abstraits. Ce travail sur la couleur a été poursuivi avec la série Be Colorful (2002) qui présente plusieurs femmes vêtues de voiles aux couleurs éclatantes. Leurs visages ne sont pas recouverts, cependant elles sont partiellement dissimulées derrière une vitre sur laquelle de la peinture grise argentée a été appliquée grossièrement. La couleur leur est interdite. Par exemple, en 2008 est née une nouvelle loi interdisant aux femmes vêtues de vêtements rouges, jaunes ou blancs d’entrer dans les bureaux administratifs iraniens. L’absurdité repousse ses propres limites.

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Nil Nil

Shadi Ghadirian poursuit son exploration de la sphère privée, traditionnellement assignée aux femmes, tout en y intégrant la sphère publique, celle des hommes. Les photographies de la série Nil Nil (2008) présentent des objets appartenant à deux univers : le féminin et le guerrier, la femme et l’homme. La guerre et la sensualité féminine cohabitent dans un même intérieur.Ainsi, une paire d’escarpins rouges vernis tutoie une paire de rangers ensanglantés ; un foulard en soie est suspendu près d’un casque ; un poignard côtoie une vaisselle délicate ; des munitions traînent dans un sac à main clinquant. Les corps sont absents, les objets incarnent les êtres : une nouvelle manière pour l’artiste de contourner les règles iraniennes interdisant toutcontact entre un homme et une femme en public.

 shadi ghadirian

White square

Shadi Ghadirian est née en 1974 à Téhéran, durant son enfance et son adolescence, elle a connu la guerre entre l’Iran et l’Irak de 1980 à 1988, les conflits politiques, les évolutions et les régressions du pays. Profondément marquées par ces années sanglantes, la série « White square » (2009), présente des objets à usage militaire – casque, gourde, ceinture de munitions, grenade… que l’artiste décore avec un petit ruban de soie rouge. Sortis de leur contexte, ces équipements de guerre apparaissent à la fois menaçants et délicats, leur agressivité tempérée par l’élément féminin.

shadi expo ghadirian

Miss Buterfly

La nouvelle série photographique de Shadi Ghadirian coupe avec l’humour et impose une poésie émouvante et troublante. Miss Buterfly (2011) est formée de photographies en noir et blanc metant en scène plusieurs femmes tissant de grandes toiles d’araignées devant des fenêtres, des portes, des ouvertures sur le monde extérieur . Le rapport entre la femme, la toile et la lumière y est intense. Dans leurs maisons, chambres, salons, cuisines ou caves, les femmes voilées photographiées par Shadi Ghadirian tissent leurs envies de liberté, leurs ambitions et leurs rêves. Chacune tient une longue aiguille de tissage et déroule patiemment une pelote de fil blanc. Telles des échelles symboliques, les grandes toiles d’araignées apparaissent comme des échappatoires à ces vies opprimées, empêchées. Le travail photographique de Shadi Ghadirian est puissant. Parce qu’il est contraint aux règles édictées par l’autorité phallocrate, il recèle toute la beauté et toute la colère des femmes iraniennes.

Shadi Ghadirian expo galerie

Le choix de Shadi Ghadirian de rester et de travailler en Iran traduit sa volonté d’impulser le changement de l’intérieur. La photographe confie : « Le futur sera meilleur, parce que nous sommes là. Maintenant nous avons de nombreuses féministes et nous savons que le futur sera meilleur ».

<< La Galerie Rue Touroux, 22680 Binic-Etables sur Mer
Mardi 10h | 13h
Mercredi, Vendredi, Samedi 15h | 18h Dimanche : 10h | 13h – 15h | 18h
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Bleuenn Morvan
Bleuenn Morvan est correspondante de presse dans les Côtes-d'Armor

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