Il y a une petite histoire entre Bear Bones, Lay Low et Unidivers. Nous avions remarqué ce musicien l’été dernier lors de sa performance au festival Visions. Sa venue pour un concert à Rennes au mois d’octobre nous a décidés à rencontrer cet artiste tendance… cosmique. Invitation à modifier nos états de conscience.

Bear Bones Lay Low
Bear Bones, Lay Low durant le festival Visions (source : le chouette journal)

Bear Bones, Lay Low, nous allons débuter cet entretien par un retour dans le passé. Dimanche 5 août 2018. Troisième jour du festival Visions, organisé par les Disques Anonymes depuis trois ans à Plougonvelin, face au fort de Bertheaume, à l’extrémité de la rade de Brest. Un soleil généreux bronze les corps fatigués des festivaliers dénudés et enturbannés. Une fin d’après-midi passée dans la décontraction, étendus sur les marches d’un théâtre de verdure où les artistes se produisent sur scène avec la mer qui les surplombe et le fort qui les surveille. Moment de repos avant une transe inattendue.

Le public voit arriver, non pas sur scène, mais au milieu de la fosse, Ernesto Gonzalez, une longue chevelure noire, et des traits fins. Dans un grand calme, vous vous êtes dirigé vers un praticable où vos machines étaient dissimulées sous un drap noir. Vous avez commencé à les actionner, et on a été surpris par une introduction bruitiste qui tranchait radicalement avec la loterie disco proposée juste avant par Maison Acide. Malgré des regards interloqués, une curiosité, presque amusée par ce culot de la programmation, nous a fait rester écouter ces bruits machiniques. La révélation fut de taille.

Après une heure vingt de plongée dans votre univers, de danse tribale tout autour de vous dans la poussière de la fosse, votre concert s’est achevé par un câlin unanime dont vous étiez le centre, et par des rappels sans fin qui disaient combien, pour beaucoup, ce concert resterait un souvenir marquant. Et vous, comment vous en souvenez-vous ? C’était votre première rencontre avec le public breton ?

Bear Bones, Lay Low: non ce n’était pas la première fois que je jouais en Bretagne. J’ai aussi joué il y a deux ans au festival Le Lac, un festival génial qui a dû faire une ou deux éditions. J’ai déjà joué à Rennes, au Marquis de Sade, au Terminus. En fait à Visions c’était marrant parce qu’il y avait beaucoup d’amis. Mais je ne m’attendais pas à cette réaction des gens, c’était vraiment un des concerts les plus touchants pour moi, quelque chose qui ne m’arrive pas souvent… Je pense qu’il y avait quelque chose dans l’air, dans les astres, qui a vraiment fait que ça se passe comme ça.

U : Vous avez donc déjà joué en Bretagne, est-ce que pour vous le public breton a quelque chose de particulier ?

Bear Bones, Lay Low: particulier, je ne sais pas. J’aime bien la France en général, l’ambiance dans le milieu underground des musiques indépendantes. Les Français aiment faire la fête, bien accueillir, être détendus. Quant au public breton, je l’associe toujours à Thierry Tanguy. Je ne sais pas si vous connaissez ce personnage ? C’est un monsieur qui a déjà la cinquantaine et qui tient un magasin de disques et de tire-bouchons. Il était là avec sa distro à Visions. Il divise ses disques non pas en genres, mais plutôt selon des couleurs de vin : aigre, fruité, produits locaux… Ce type est trop drôle, il a un répertoire de blagues qu’il garde dans un carnet. Tout le monde le connaît dans cette scène. Je ne le connais que depuis deux ou trois ans, mais pour moi il incarne vraiment le public breton. Mais je n’ai pas été ici tant que ça et pour connaître quelque chose il faut vraiment y passer du temps. Tu peux avoir une première impression, mais elle peut être très fausse…

Le nom

U : Pour revenir à ce concert à Visions, quand on a compris qu’on allait prendre une claque, on est allés voir votre nom sur le line up : un nom en deux parties, séparé par une virgule, « Bear Bones, Lay Low », un nom qui nous a tout de suite interpelés, et qui continue de nous intriguer. Pouvez-vous nous expliquer ce nom et comment en êtes-vous venu à l’adopter en tant qu’artiste ?

Bear Bones, Lay Low: je ne sais pas vraiment comment il m’est venu. Je suis originaire du Venezuela et j’ai déménagé en Belgique quand j’avais quinze ans. Je ne savais pas parler français du tout. J’ai commencé à faire de la musique tout seul, à expérimenter, à aller à des concerts. Quand j’ai découvert la scène noise en Belgique, ça m’a changé la vie. Voir ces gens faire de la musique vraiment bizarre, qui agace, où qui provoque des réactions extrêmes, ça m’a vraiment inspiré, et ça m’a touché de voir qu’ils le faisaient avec leurs moyens. Je me suis dit que j’allais le faire aussi. J’ai enregistré plein de choses, et je me suis retrouvé avec plusieurs types de musique. J’ai compilé ça en différents genres, rock psyché, folk, noise ou bruit expérimental. Ensuite, j’ai cherché un nom. J’en avais trouvé pour mes autres projets et quand j’en ai cherché un pour l’expérimental, j’ai juste regardé par la fenêtre et ces deux noms me sont venus à l’esprit. Je ne savais rien de l’association libre et des techniques surréalistes, j’étais un gamin, j’avais seize ans. Mais je me suis toujours dit qu’il fallait faire les choses au feeling, sans trop conceptualiser. Et donc, Bear Bones, Lay Low. Au départ c’était un projet que je ne voulais pas trop développer, je voulais plutôt faire des morceaux de psyché, mais comme c’était le seul de mes projets que je pouvais faire tout seul, j’ai commencé à faire des concerts sous ce nom, depuis mes 17 ans, et je l’ai gardé. Finalement, tous mes projets ont fusionné.

U : Littéralement, cela signifie « Os d’ours, reste discret » ?

Bear Bones, Lay Low: oui c’est ça. « Os d’ours », c’est parce que j’ai toujours eu une espèce de fascination, non pas tellement pour le mysticisme ou la culture indienne, mais pour les os et les crânes. J’ai trouvé que Bear Bones sonnait bien. C’était aussi le moment où beaucoup de groupes portaient des noms d’animaux et ça a dû m’influencer. Et puis, « Lay Low », ça a toujours été pour moi une façon de vivre, rester discret. J’écoutais beaucoup Devendra Banhart à l’époque et il écrivait partout « lay low ». Avec le temps, quand je pense à ce nom, je me dis que c’était une association libre, quelque chose d’inscrit dans le moment et qui a fini par prendre un sens. C’est un peu l’idée que je me fais de mon son, j’ai envie qu’il soit puissant comme un ours, qu’il ramène vers un monde lié à la mort, aux ténèbres.

U : Le « Lay Low » nous évoquait l’underground.

Bear Bones, Lay Low: oui, mais c’est aussi l’idée d’être humble. C’est quelque chose qui a toujours été très important dans ma famille. Et même si parfois je suis grande gueule, cette idée reste fondamentale dans ma façon de vivre.

Bear Bones Lay Low

La scène expérimentale belge

U : Vous évoquiez votre rencontre avec la scène expérimentale belge, à laquelle vous participez depuis maintenant une dizaine d’années. Pouvez-vous nous parler de cette scène ? Comment vous y impliquez-vous ?

Bear Bones, Lay Low: j’ai découvert la scène expérimentale belge lors d’une soirée du label (K-RAA-K3), chez qui j’ai ensuite sorti deux albums, et dans lequel je me suis beaucoup impliqué. À l’époque, il y avait beaucoup de concerts noise. Beaucoup de groupes commençaient à mélanger la brutalité du noise avec des couleurs psychédéliques. C’était en 2005. Ce qui m’a beaucoup frappé dans cette scène, c’est que je faisais partie des plus jeunes. C’était plutôt un public de trentenaires. En Belgique, il y avait dans chaque grande ville des cliques assez fortes et très variées. Chaque scène et chaque artiste avait quelque chose de différent, à Gand, Anvers, Bruxelles, à Liège aussi, ou dans des petits villages comme Tirlemont. Il y avait quelque chose de très vivant à cette époque. Tout le monde allait au concert des uns et des autres. C’était une communauté répartie dans tout le pays et qui se retrouvait une fois par an dans le cadre du festival (K-RAA-K) 3, qui existe maintenant depuis une quinzaine d’années. C’était le moment pour découvrir toute la scène belge. Les choses ont beaucoup changé maintenant. Je ne suis plus le plus jeune, et ça m’a fait plaisir, quand j’ai eu entre 20 et 25 ans, de voir des gens de ma génération, commencer à aller à ce genre de concerts. Je pense que les réseaux sociaux ont beaucoup éveillé l’intérêt pour ces musiques. Surtout, ça m’a fait plaisir de voir qu’il y avait plus de filles. Avant, à part quelques exceptions, des musiciennes ou des organisatrices, il n’y avait que des mecs. Je voyais très rarement des filles à ces concerts, et encore moins des filles de ma génération. Maintenant, à Bruxelles en tout cas, dans les concerts de musique expérimentale, il y a beaucoup de monde, c’est plus mixte, et il y a plus de jeunes, c’est cool de voir que cette scène se rajeunit.

U : Est-ce que vous pensez apporter quelque chose de particulier, de personnel, à cette scène ?

Bear Bones, Lay Low: je ne sais pas, c’est surtout que ça fait longtemps que j’y participe, je suis sur beaucoup de projets, j’aime bien commencer des nouveaux groupes. C’est marrant parce qu’il y a des gens qui sont juste un peu plus jeunes que moi et qui me voient déjà comme un ancien parce que je suis là depuis tellement longtemps, parce que je connais tout le monde, les vieux, mais aussi les jeunes. Dernièrement j’ai beaucoup voyagé pour ma musique donc je suis un peu moins présent, alors qu’avant j’allais à tous les concerts et j’en organisais beaucoup aussi. En fin de compte, je suis juste quelqu’un qui est là depuis longtemps et qui est toujours en train de faire quelque chose, je ne me suis jamais posé la question d’arrêter.

U : Dans vos compositions, vous mêlez, grâce à des machines, la musique électronique à des sonorités des musiques traditionnelles du monde, d’Amérique latine notamment, mais aussi des sonorités orientales, comment expliquez-vous ce processus de création ?

Bear Bones, Lay Low: la scène expérimentale, que j’ai intégrée vers 2004-2005, était vraiment caractérisée par une ouverture et une connaissance de toutes sortes de musiques. Et ça m’a vraiment inspiré de voir la musique, non pas comme une question de genres, mais d’avoir une vue transversale ou horizontale des choses. Il y a, dans tout ce qu’on appelle les genres, quelque chose qui les relie. Et énormément d’artistes mêlent des influences différentes. Ma musique vient de cette idée. Personnellement, je ne cherche pas à faire des mélanges, c’est juste que j’écoute beaucoup de musiques, elles m’influencent toutes, et je sens que ma musique est un collage.  Je peux aimer des trucs cosmiques, et puis j’écoute ce disque africain, et ce truc de techno, du flow jazz, un côté hip-hop… Il s’agit juste d’avoir une vue horizontale. Je sais que parmi cette première génération de la musique noise, on partageait tous ça. C’était vraiment caractéristique de la scène belge, et je m’en suis imprégné. Ce ne sont pas des choix conscients que je fais. Vous parlez de sonorités latines, mais je n’ai jamais vraiment pensé à en incorporer dans ma musique. Quand j’étais gamin, au Venezuela, j’écoutais du rock. Je n’aimais pas du tout la salsa, le merengue ou le reggaeton, je ne savais pas danser. Mais à force d’écouter des musiques, tout à coup, je me retrouve à faire un morceau qui ressemble à du reggaeton. Je ne revendique rien, j’essaye de faire les choses le plus naturellement possible, et ça sort comme ça. Il y a quelques années je faisais plus du cosmique allemand, et encore avant du drone, de la guitare…

Bear Bones, Lay Low, producteur

U : Vous avez sorti des disques dans un nombre insolent de labels, quinze albums, une trentaine de releases, pas mal de cassettes, des mixtapes, vous faites l’artwork de vos vinyles, énormément de collaboration avec d’autres artistes, notamment sous la forme de splitvinyles. On peut qualifier votre pratique artistique d’hyperactive, qu’est-ce que cela traduit de votre vision de la musique ?

Bear Bones, Lay Low: c’est marrant, moi je me trouve toujours très lent ! J’ai appris la musique avec les autres. Je n’ai jamais pris de cours, j’ai appris par moi-même et surtout en jouant, en jouant avec les autres. Quand tu joues dans un ensemble, c’est un peu comme si tu trouvais ta place. Tu ne fais pas forcément quelque chose qui te met en avant, même si j’ai remarqué, étant jeune, que beaucoup sont motivés par ça. Moi, j’ai appris à trouver ma place en jouant. Pour moi, la musique c’est tellement interminable. Il y a toujours quelque chose à explorer. Des fois, tu penses avoir fait le tour de quelque chose. Mais non. C’est fou de penser ça, c’est impossible. Et pour moi, c’est toujours inspirant de continuer, je n’arrive pas à m’arrêter. C’est un puit sans fin. Tous les musiciens qui m’ont inspiré et que j’admire ont cette vision de la musique selon laquelle ce n’est pas quelque chose que tu fais en dilettante. Il arrive un moment où ce n’est plus un hobby, où ce n’est plus une question de se distraire, où c’est toi et la musique, où la musique devient une extension de ta vie. Et pour moi, c’est ça, ce moment-là. Je ne me demande pas où ça va m’amener. Maintenant, je tourne beaucoup, les gens s’intéressent à ce que je fais, mais je sais qu’il y a un moment où ça peut changer. Mais on s’en fout ! Si je ne peux pas gagner mon pain comme ça, je le gagne autrement, mais en tout cas je ferai de la musique.

 

U : On vous a découvert en concert, une expérience forte sur laquelle on va revenir, mais écouter vos productions, celles disponibles en écoute libre sur internet, ou vos vinyles, représente une expérience complètement différente, on imagine que vous concevez la production différemment de la performance live ?

Bear Bones, Lay Low: avant, la différence c’était que quand je conçois quelque chose pour jouer en concert c’est quelque chose que je peux faire physiquement. Maintenant, les choses commencent à fusionner, les prochaines sorties ressembleront plus à ce que je fais en concert. Mais quand je fais un album, je me dis carte blanche, je ne me mets pas de cadre, je fais les choses et ça finit par faire un ensemble. Je ne me limite pas aux instruments que je peux utiliser en concert. Dans mes albums je joue beaucoup de guitare, de basse, j’ai un petit violon, des percussions. Je m’éloigne du format que je joue en concert pour créer quelque chose qui va être un truc en soi, qui ne va pas forcément être représentatif de ce que je fais en concert, mais qui va être représentatif de moi. Pour moi les albums c’est quelque chose que tu laisses pour le temps, et les concerts c’est quelque chose que tu vis.

U : Justement, vous avez été invité à jouer à Rennes par Lost Dogs Entertainment, vous avez des contacts avec ce label rennais ?

Bear Bones, Lay Low: je ne connais pas beaucoup le label, mais je connais celui qui le gère, Bob. Il m’a proposé de sortir un vinyle. J’ai un peu regardé ce qu’il faisait, j’ai vu que leurs pochettes étaient pas mal. Mais quand je rencontre quelqu’un qui dit qu’il aime suffisamment ma musique pour sortir un vinyle, ça me fait plaisir, je me dis que c’est sans doute qu’on partage une même philosophie, et voilà, on va le faire. Je ferai quelque chose qui ressemble plus à ce que je fais en concert. Ce sera sans doute un splitavec Black Zone Myth Chant, un artiste rennais avec qui je suis bon ami. Max et moi on se connaît depuis très longtemps et enfin on va faire une collaboration, même si c’est chacun de son côté [du vinyle]. J’aimerais bien le faire en 45 RPM pour qu’on puisse changer la vitesse en l’écoutant et aussi pour avoir un son plus gros, une sortie un peu plus club peut-être. En ce moment je joue beaucoup dans ce genre d’environnement donc je prépare des sorties plus dancefloor.

Bear Bones Lay Low

Live mystique

U : Quand on vous a vu à Visions, vous aviez d’abord joué un bloc de 45 minutes, qui a progressivement porté le public dans une transe collective, un Burning Man plougonvelinois, avant de reprendre avec encore vingt minutes plus musclées encore. Comment construisez-vous vos concerts ? Quels instruments utilisez-vous ?

Bear Bones, Lay Low: j’utilise un sampler, trois synthétiseurs, un clavier qui contrôle tout, des cassettes, et des effets. Je prépare quelques bases à jouer, mais pour les enchaînements, c’est de l’improvisation. Parfois, je peux jouer une même base, donc les rythmes sont déjà programmés. Je joue une même base pendant une heure, en changeant le tempo. Mais l’improvisation est importante pour moi parce que ça m’implique, ça me force à être dedans et pas juste à jouer de façon automatique, ou stérile. J’aime beaucoup la pop, les choses très cadrées, j’ai un groupe de punk où on n’improvise pas, où on fait en sorte que ce soit le plus calé possible. Pour ce que je fais seul, c’est différent. Je commence toujours discrètement. J’aime bien les improvisations électroniques libres. Je reprends parfois quelques productions antérieures, mais je les transforme. À Visions, je me souviens que le dernier morceau que j’ai joué c’était un morceau un peu cumbia que j’avais sorti sur une compilation, mais je l’ai ralenti et c’est devenu autre chose. Quand tu connais déjà quelque chose, tu peux jongler avec. Comme je connais les sons, je peux vraiment nager dedans, les manipuler. Parfois ma créativité est limitée, mais j’essaie d’éviter de refaire les mêmes gestes, j’essaie de prendre des risques.

U : La dernière fois que nous vous avons vu, c’était sur le magnifique site du festival Visions. Ce soir, vous jouez dans le théâtre du Vieux Saint-Étienne, un lieu chargé d’histoire aussi, est-ce que c’est important pour vous de vous produire dans des lieux qui permettent une scénographie originale ?

Bear Bones, Lay Low: le lieu n’est pas forcément important. Je peux jouer dans ce genre d’endroits aussi bien que dans un bar. Je préfère pouvoir jouer dans de bonnes conditions, parce que dans les bars, il y a beaucoup de restrictions. Mais il y a une magie dans tous les endroits. En concert, j’aime bien que la lumière soit adaptée. À Visions, c’était incroyable parce qu’on avait la meilleure lumière, le soleil juste au-dessus de nous, qui nous brûlait. D’habitude, je préfère l’obscurité, je trouve que les gens s’y lâchent plus. Mais je ne recherche pas quelque chose de particulier, je veux juste vivre le truc. L’important pour moi, c’est de pouvoir être à l’aise et faire ce que j’aime, pour que tout le monde soit content.

Bear Bones Lay Low 

U : On a vu vos balances tout à l’heure, comme à Visions, vous serez installé dans la fosse pour le concert, est-ce que c’est quelque chose auquel vous tenez ?

Bear Bones, Lay Low: oui, ce sont des potes français qui m’ont appris ça, le Lyonnais Raymonde, ou encore (C_C) qui habite à Bruxelles actuellement. J’ai fait une petite tournée avec lui en juin dernier et il m’a vraiment appris à comprendre que jouer dans la fosse ce n’est pas seulement être proche des gens, c’est aussi une question pratique. Tu es là, tu écoutes la même chose que le public, pas besoin de faire des signes au technicien pour ajuster le retour, tout le monde est dans le même milieu. Au départ, c’est une question pratique, j’écoute mieux comme ça, et après ça crée tout le reste et ça rajoute, et après tu en viens à te demander pourquoi est-ce qu’il y a une scène, pourquoi ce rapport. Mais ce sont des questions de philosophie ça, pour moi, c’est un choix pratique.

U : La première partie de votre concert à Visions nous avait évoqué un long cri, une longue ascension sans jamais d’extase, éveillant une transe à la fois collective et personnelle chez les spectateurs. Vous-même vous semblez vivre un moment très intense et très personnel, est-ce que c’est ce que vous cherchez à transmettre au public ? Et est-ce que le public a une place dans cette transe que vous semblez vivre ?

Bear Bones, Lay Low: je suis en train d’apprendre, je ne sens pas que j’ai quelque chose à enseigner, je ne dis pas que j’ai trouvé une vérité. Quand je fais de la musique, j’apprends beaucoup de chose sur moi-même et sur le monde. Par exemple, quand j’ai appris à jouer avec des gens. Jouer dans un ensemble, c’est comme avoir une conversation. Pour qu’une conversation soit intéressante, pour qu’elle te remplisse, il faut que ce soit un échange. Tu dois aussi apprendre à te taire, et surtout à écouter. Écouter c’est quelque chose d’important, et ça m’a toujours frappé que, dans le monde, on écoute de moins en moins les gens, on n’écoute que soi-même. J’apprends ce genre de choses par la musique. Quand je joue, je me mets dans cet état de transe, dans une bulle très personnelle, et ça me fait plaisir que des gens arrivent à capter ça. Pour les disques, c’est une autre approche, mais pour les concerts, si je me sens en phase avec la musique que je joue, avec mes machines, et que je ressens une harmonie, les gens captent cette harmonie, la partagent, et je ressens ça aussi en retour, sans nécessairement le voir, ça se sent. C’est comme un cycle, et c’est ce qui fait qu’un concert me remplit et me donne du plaisir. Et ça me touche beaucoup quand des gens me disent qu’ils vivent des expériences pendant mes concerts, que ça leur rappelle des expériences mystiques, car ce sont des thématiques qui m’intéressent beaucoup, l’ésotérisme, le mysticisme, les états altérés, l’exploration mentale et sur lesquelles je suis encore en train d’apprendre.

Bear Bones Lay Low

Après une heure d’apprentissage partagé, de danse tribale collective, la foule, dont seul le mouvement synchrone des corps dans la danse permettait qu’elle tînt debout entre les murs étroits de la vieille église, a acclamé le chaman-orchestre qui l’avait entraîné à repousser aussi loin ses limites. Le set a été enregistré par C lab et sera diffusé le vendredi 26 octobre dans l’émission Électro Lab.

Pour en découvrir plus sur l’univers musical et visuel de Bear Bones, Lay Low, c’est ici.

Un entretien réalisé par Jean Gueguen et Elsa Mlodorzeniec (C-Lab)

Jean Gueguen
J'aime ma littérature télévisée, ma musique électronique, et ma culture festive !

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