Durant plusieurs semaines, Ice s’est employé à comprendre la genèse d’un film attendu par les défenseurs de la cause animale : Animal Liberation Front. Il a obtenu un entretien avec son réalisateur, Jérôme, Lescure, alors que la phase de recherche de distributeurs et diffuseurs bat son plein. Aujourd’hui, l’ALF est présent dans plusieurs pays. Si les actions perpétrées et les méthodes utilisées par ses militants font l’objet de débat, nul doute que cet entretien contribuera à mieux les comprendre.

Tout d’abord, pourriez-vous présenter à nos lecteurs Minotaure Films et votre précédent long-métrage intitulé Alinéa 3 ?

Étant réalisateur, j’ai été conduit à créer une association en 2006, Minotaure Films, qui a pour objet la production, la réalisation et la distribution de films. Son but : dénoncer toute forme d’exploitation animale.

En tant qu’auteur, j’ai construit Alinéa 3 à partir d’images tournées dans cinq arènes françaises en 2004. Depuis le film a été diffusé à des milliers de politiques, personnalités et anonymes de tous horizons afin de révéler la réalité du monde de la corrida.

Vous êtes en effet un véritable militant…

Du plus loin que je m’en souvienne, je ne supportais pas de voir un animal souffrir. Je réagissais comme je le pouvais en fonction de chaque situation. J’ai commencé à l’âge de 15 ans la protection animale avant de monter plus tard mon association. J’ai aussi été enquêteur 2 ans dans les abattoirs, marchés aux « bestiaux » et pour diverses associations.

Êtes-vous végétarien ?

Je suis même végétalien (aucun animal, ni sa production ni ses dérivés, NDLR). Question de logique : on ne peut pas dénoncer une souffrance et se rendre responsable d’une autre…

Avez-vous vu le film américain Earthlings de Shaun Monson (sorti en 2005, narration de Joaquin Phoenix, musique de Moby) qui traite de l’exploitation animale sous toutes ses formes et a remporté plusieurs prix ?

 Bien sûr ! J’ai trouvé ce film exceptionnel. Dur, pas adapté à tout public, mais très fort. Je l’ai projeté devant toute l’équipe d’ALF quelques semaines avant le tournage pour qu’ils comprennent le choix de ce thème et… pourquoi les repas seraient tous végé pendant le tournage (j’avais engagé un cuisinier végétalien !). Mais aussi pourquoi les produits de maquillage utilisés seraient uniquement des produits non testés… Je souhaitais que chacun voie ce que subissent les animaux, histoire de se mettre dans l’ambiance du film.

Comment l’envie de faire des films vous est-elle venue ?

Cette envie n’est pas nouvelle, le cinéma est mon métier. Et j’ai l’intime conviction que dénoncer les maltraitances animales par la voie de films, de spots, de documentaires, sera l’une des principales armes pour parvenir à la victoire dans la lutte pour la libération animale. C’est le moyen le plus puissant pour alerter le grand public et de lui dévoiler la vérité.

Plus précisément, comment est née cette idée d’un film sur ALF ? Est-ce leurs actions médiatisées et polémiques qui vous ont attiré ?

C’est un projet qui me trottait dans la tête depuis longtemps. Outre de médiatiser la cause animale, il s’agissait de faire comprendre aux spectateurs pourquoi les femmes et les hommes de l’ALF sont prêts à se mettre hors la loi pour sauver des vies. C’est surtout cela que je retiens de ce mouvement.

De fait, comment jugez-vous les actions menées par ALF, notamment de leur principe et du recours à la violence ? 

Je suis d’accord avec tout acte de libération animale pacifique et non violent. Quant à la violence exercée par certains (une minorité) à l’encontre d’autres individus, même si je comprends dans quelle colère profonde elle s’ancre, je ne la cautionne pas personnellement.

Alors, où s’arrête le militantisme, où commence le terrorisme ?

Dès lors qu’il y a violence sur des êtres vivants, on a dépassé le tolérable. Mais, cette limite s’applique aussi bien aux groupes de libération animale qu’aux vivisecteurs, aux employés d’abattoirs sadiques, aux tortionnaires de taureaux et autres dresseurs de cirques…

Que pensez-vous de l’expression « terrorisme animal » ?

Quand on s’enchaîne pacifiquement dans des arènes, on se fait « traiter » d’écoterroristes, alors je n’en pense pas grand-chose…

Dans certains pays le terrorisme animal est jugé aussi dangereux que des actions perpétrées par des fondamentalistes religieux.  Pourquoi cette menace est-elle considérée aussi sérieusement par les gouvernements ?

Parce que plus les gouvernements cautionnent les tortures sur les animaux, plus ils savent que la colère monte dans les rangs de ceux qui ont de l’empathie pour ces derniers. La violence appelle la violence, et ils savent les défenseurs déterminés. Je pense qu’ils ont raison d’en avoir peur, mais que la répression n’est pas forcément la réponse la plus intelligente. Il suffirait de faire évoluer les choses en instituant plus de justice envers nos frères non humains.

Pour constituer votre matériau informatif, avez-vous contacté des réseaux se réclamant de ALF, en France ou à l’étranger ?

Non, ce n’était pas la peine, je connais suffisamment le sujet par les lectures et ce que j’en ai vu. Encore une fois l’important dans mon film n’est pas tant la technique utilisée par ces groupes que le fait que ce sont des femmes et des hommes comme vous et moi qui sont prêts à perdre beaucoup pour sauver des animaux. Mon film leur rend hommage.

Du côté des acteurs du film, connaissaient-ils ALF et leurs actions ? Tous ont accepté ou certains ont-ils refusé de jouer en raison de la teneur du scénario ?

Tous avaient plus ou moins entendu parler des groupes ALF, mais pas plus que ça pour la plupart. J’ai réuni autour de moi pour ce film des personnes qui étaient sensibles à cette cause, mais pas seulement. Quoi qu’il en soit, après coup, je pense qu’ils comprennent mon message. Certains ont même changé des habitudes dans leur vie…

earthlings, ALF, animal liberation front, jerome lescure, vivisestion, végétarien, vegetalien, minotaure films,Avez-vous subi des pressions pendant le tournage de ce film ?

Aucune pendant le tournage. Mais je crois que les difficultés vont commencer avec la sortie en salle.

Avez-vous lancé une souscription ou un appel aux dons pour financer le film ?

J’ai lancé un appel à tous les contacts que j’avais dans la protection animale pour trouver des partenaires financiers. Le résultat a été au-delà de mes espérances puisque j’ai pu réunir la somme nécessaire au tournage. J’ai reçu des centaines de chèques, des petits dons et des grands de la part de partenaires.

Avec un sujet aussi polémique, ne prenez-vous pas le risque d’effrayer certaines associations ?

À vrai dire, j’ai déjà eu quelques retours de ce type. Pourtant, mon film n’est pas un appel à la violence. Il montre un combat et pourquoi des êtres humains en viennent à se mettre dans l’illégalité pour sauver des vies animales. La psychologie des personnages occupe une place importante. En marge, j’en profite pour dénoncer des pratiques inacceptables dans des laboratoires et ailleurs…

Où en est le film actuellement ?

Nous attaquons en ce moment la phase la plus importante pour la sortie du film en salle : la vente auprès des distributeurs. Il est capital de trouver le bon distributeur qui se battra pour voir le film sortir dans un maximum de salles.

Parallèlement, nous préparons des dossiers pour les festivals (Cannes, Toronto, San Sebastián, Los Angeles (Artivist) etc). Un travail essentiel afin toucher des distributeurs étrangers et assurer la sortie du film à l’étranger. Une sélection dans un festival est un gage de reconnaissance artistique qui permettra de faire passer notre message. Tout cela a un coût évidemment, car il nous faut à nouveau financer les inscriptions aux festivals, la réédition des dossiers de presse et la duplication des DVD pour les distributeurs et les festivals, les frais d’envoi, etc.

earthlings, ALF, animal liberation front, jerome lescure, vivisestion, végétarien, vegetalien, minotaure films,Concrètement, avez-vous déjà décroché des distributeurs ?

Nous sommes actuellement en pourparlers avec deux sociétés de distribution françaises qui semblent intéressées par le projet. Mais nous continuerons à en contacter dans les semaines prochaines en fonction des suites données.

Le plan médias accompagnant le film a-t-il été lancé ? Quels échos avez-vous ?

Le site officiel du film (www.alf-lefilm.fr) sera mis en ligne environ trois mois avant la date de sortie. La nouvelle bande-annonce, inédite, ainsi que de nombreuses informations sur le film, le casting, le tournage, l’équipe technique y seront dévoilées.

D’ores et déjà, la page facebook du film – (AL. (Animal Liberation Front), a film by Jérôme Lescure – rassemble plus de 13.000 fans, sans que nous ayons lancé la moindre promotion. J’ai de plus en plus de demandes d’interviews, donc je suis optimiste pour la suite…

Un petit détour par vos films anticorrida… Après l’interdiction de trois spots avec le chanteur Renaud, constatez-vous une évolution de la censure ? Par ailleurs, pourquoi ne pas procéder autrement pour les diffuser ?

La censure concernant les images de corrida est extrêmement hypocrite en France : les enfants peuvent assister gratuitement à la séance de torture en allant aux arènes avec leurs parents, mais on ne doit pas en parler ni montrer des images à la télévision.

Internet permet de montrer ce que les médias ou le CSA censurent. Mais non il n’y a aucun changement dans les médias. C’est pourquoi nous serons obligés de mener de plus en plus d’actions comme celle de Rodilhan à laquelle j’ai participé avec le CRAC EUROPE.

S’il fallait hiérarchiser les causes dans la défense des animaux, quelles seraient vos trois premières ?

Difficile de répondre, tout dépend de la façon dont on interprète la question. A mon avis, les trois formes de maltraitances qui disparaitront en premier sont celles de loisir : la corrida, la chasse et le cirque. Plus rien ne les justifie au XXIe siècle. C’est d’ailleurs totalement incongru qu’elles perdurent encore.

Quant à la destruction d’êtres vivants, j’aimerais voir disparaître l’expérimentation animale et l’abolition de la consommation de viande.

Un dernier mot ?

 Merci à tous ceux qui m’ont aidé à mener à bien ce projet, et pour ceux qui ne l’ont pas fait ! Venez voir le film lorsqu’il sortira en salle (surtout la première semaine, c’est très important). Invitez vos amis et connaissances à faire de même. Le succès d’ALF permettra également de faire parler des horreurs commises dans les laboratoires d’expérimentation animale.

Ice

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Le site de Minotaure Films

Le Dossier de Presse du film

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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