Philippe Besson est un compagnon de route, un auteur qui chaque année nous emmène dans ses introspections amoureuses. Avec Un certain Paul Darrigrand, il nous raconte son deuxième amour de jeune homme troublé par la maladie. Pudique et tendre. Comme d’habitude.

PHILIPPE BESSON

Philippe Besson a publié son premier roman, En l’absence des Hommes, il y a maintenant 14 ans. Cet ouvrage rencontra d’emblée un succès mérité. Un an plus tard, l’écrivain récidivait avec Son frère, un texte dans lequel un homme va aider son frère à mourir, en se rendant dans la maison de leur enfance, sur l’île de Ré. Aujourd’hui, avec la parution de Un certain Paul Darrigrand, Philippe Besson nous emmène derrière le rideau de ce second récit et nous fait découvrir la réalité qui généra le roman, repris au cinéma. Notoriété, cheminement littéraire, récits de plus en plus autobiographiques, vieillissement, autant d’éléments qui ont permis probablement ce passage de Thomas et Lucas, les deux frères, à celui de Philippe Besson et de Paul Darrigrand. Du roman, derrière lequel on peut se cacher, Besson est passé désormais au « Je ».

PAUL DARRIGRAND BESSON

Les lecteurs fidèles se sont habitués à cette personnalisation car depuis de nombreux ouvrages, l’écrivain s’est attaché à traquer avec un scalpel, les émotions de l’amour, la compréhension de ce premier moment qui fait que deux êtres en un éclair se voient et se désirent, qui fait que « L’histoire vient de commencer ». Paul Darrigrand est le second amant dévoilé et le lecteur comprend rapidement que le scalpel va fouiller les mêmes entrailles:

Cette année-là, j’avais vingt-deux ans et j’allais, au même moment, rencontrer l’insaisissable Paul Darrigrand et flirter dangereusement avec la mort, sans que ces deux événements aient de rapport entre eux. D’un côté, le plaisir et l’insouciance ; de l’autre, la souffrance et l’inquiétude. Le corps qui exulte et le corps meurtri.

Cette fois-ci, c’est la maladie qui va interférer dans cette relation d’amour, une maladie qui menace la vie même de Philippe Besson, une maladie qui mange les globules et qui en pleine exaltation d’un amour naissant va bouleverser une passion dévorante. Paul est marié, va être père de famille. Paul, l’amoureux, est maître, semble-t-il, du jeu. Philippe Besson, subit, suit dans un dialogue paralysant où il est surtout, l’auditeur et non le conteur. L’univers habituel de Besson se retrouve, un univers égocentrique où l’on parle essentiellement des relations entre les êtres, de passion amoureuse, de sexe, d’affection, d’envie. Les relations humaines sont décortiquées et la rate, qui détruit et mange les défenses immunitaires de l’auteur, agit comme une folie amoureuse non maîtrisée et dévastatrice qui, si elle ne mène pas à la mort, peut mener au désespoir. Supprimer un organe revient il à supprimer un amour?

À cette thématique devenue récurrente s’ajoute cependant le charme habituel de ses ouvrages: un style simple, pur, sans emphase qui touche au plus juste. Avec une grande sensibilité et une poésie indirecte, les textes de Philippe Besson possèdent tous une petite musique, qui transfigure la réalité parfois triviale en petite épopée humaine. La mécanique diabolique des sentiments est décrite au plus près. Inspectant chaque recoin de la psyché humaine, Besson réussit à établir avec le lecteur une sorte de connivence, le persuadant que sa vie et ses textes nous sont personnellement destinés. A moins de ne jamais avoir été amoureux et de n’avoir jamais connu la foudre qui s’abat sur vous, ces « fulgurances, ces immédiatetés, la nécessité implacable ».

Paul Darrigrand n’a pas la force de Thomas Andrieu, premier amant de Arrête avec tes mensonges, mais les habitués de Philippe Besson poursuivront avec plaisir leur chemin auprès de leur ami et confident. Pour les nouveaux lecteurs, peut être sera t’il préférable de débuter leur parcours avec l’auteur par les ouvrages précédents. Car la vie en fait est un feuilleton et il vaut mieux probablement la commencer par le début.

Un certain Paul Darrigrand de Philippe Besson. Editions Julliard. 212 pages. 19€. Disponible le 24 janvier 2019.

Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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