Connu et reconnu dans les rues de Rennes par son look démesuré et ses tatouages surabondants, Reta, rappeur et ancien champion de breakdance, arrive avec de nouveaux projets musicaux. Entretien.

[NDLR sous forme d’avertissement : si la création artistique ne saurait jamais être censurée en raison des motifs outranciers qu’elle est susceptible de porter, voire de son caractère de défouloire fantasmatique, en aucun cas l’oeuvre d’art ne peut légitimer de la part de son créateur ou de ses admirateurs des pratiques coupables dans la vie réelle. Aussi, l’un comme l’autre s’expose à être condamné s’il réalise dans le réalité des actions illicites, à l’image d’un homme qui frappe une femme, la force à des pratiques sexuelles, lui crache dessus ou la force à mendier à son profit.]

Unidivers : Je cite ton auto-biographie, autrement dit la présentation de ton profil FB : “Né avec une hermine au coin de l’œil, enfanté par une rock star une nuit de 1991, baptisé dans une flaque rue Saint Michel, Reta est le fruit des entrailles du 3.5, le jeune python des rues du vieux Rennes.” Tantôt surnommé le serpent, le magnifique ou, encore, l’ovni, quelle appellation préfères-tu ?

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Reta : Reta, c’est le basique. Après beaucoup de monde sait que je m’appelle Quentin. Quand j’étais un peu plus jeune, je faisais du breakdance et on m’appelait Taré pour mon côté un peu foufou. Mes potes ont commencé à m’appeler Reta quand je devais avoir 13 ou 14 ans et c’est aujourd’hui mon nom de scène.

Unidivers : Tu as eu plusieurs managers. Aujourd’hui, ton projet musical se concrétise un peu plus…

Reta : J’avais des potes qui étaient en quelque sorte mes managers et qui ont tenté de faire des choses, dont un qui travaillait avec le manager de MHD. Aujourd’hui, Sylvain Le Pennec, ancien programmateur du 1988 Live Club, a repris les rênes. Ça fait quelques années qu’on se connaît, il m’a invité à faire des scènes au 88. Le but : aller plus loin. Il n’y a pas vraiment de limite.

Unidivers : Tu ne passes pas inaperçu sur Rennes avec tous ces tatouages sur ton corps et une certaine prestance, il faut le dire. Il y a-t-il cependant un message derrière ce look ?

Reta : Tous mes tatouages ont une signification. On ne se fait jamais tatoué pour rien. Certains tatouages sont plus ou moins forts. Celui que j’aime le plus, c’est celui posé sur mes joues où il est écrit « Le Grand Rêveur » ; et je dois dire que ça me caractérise pas mal.

Unidivers : Jeune, tu as plutôt baigné dans la culture rap, punk ou métal ?

Reta : J’écoutais du métal, du hard rock, de la techno et de la pop en général. Mais c’est dans la culture hip-hop, graffiti, danse, rap, que je me suis vraiment hissé à fond.

Unidivers : On a l’impression que tu ne te fixes aucune limite musicalement.

Reta : Ce n’est pas une impression, c’est une certitude (rires). Je me lasse assez rapidement de ce que je fais, même si j’aime toujours réécouter des vieux titres. Ça me permet de repartir dans des délires. C’est comme un tatouage, tu te rappelles d’une autre époque. J’essaye d’évoluer, mais parfois je régresse aussi.

Unidivers : Tu t’es réapproprié le rap avec tes propres codes. Pour autant est-ce qu’à un moment tu t’es dis : « il faudrait que je fasse comme les autres rappeurs pour mieux me faire connaître » ?

Reta : J’essaye de lisser un peu mes sons et d’arrondir les angles par moment. Ça dépend aussi de ce que tu veux faire. Moi j’ai envie de faire des scènes tous les week-ends et d’en vivre. Le titre Apparemment, sorti il y a trois mois, est assez commercial quand on y pense. Il parle un peu à tout le monde d’une certaine manière. Même s’il est assez vulgaire, est-ce qu’il pourrait passer à la télé ? C’est une bonne question.

Unidivers : Apparemment a vite atteint le million de vues, tu en connais la raison ?

Reta : Le clip est terrible, il choque les gens. J’enlève ma peau une première fois, je l’enlève de nouveau. Je prends ma tête, je la dépose sur la table. On ne s’y attend pas. J’avais teasé ce son sans le vouloir. J’avais fait un freestyle devant le magasin Octobre Noir à Rennes. J’avais passé 10 à 15 secondes de ce son et il a fait pas mal de vues sur Facebook. Sauf qu’on n’avait pas de clip. Octobre Noir a proposé de le produire ; et je suis super content du résultat. J’ai aussi travaillé avec Minuit Dix sur ce clip et sur le dernier en date Jafar. Il travaille rapidement, il est productif et il a plein de bonnes idées. En plus, il est arrangeant, car les clips coûtent cher. On travaille sur un nouveau clip qui devrait sortir début novembre et qui s’intitulera Gotham Ville.

Unidivers : Apparemment et Jafar n’étaient pas inclus dans ton maxi Onivers, sorti en juillet dernier, pourquoi ?

Reta : Apparemment est un titre que j’avais enregistré un an avant. On n’avait pas les droits de l’instru et je n’ai pas pu le mettre sur le projet Onivers. On s’est débrouillés et on l’a quand même mis sur les plateformes en single. Il n’y a que deux producteurs dessus : Loki et Ober. Il y a une cohérence, car Ober est plutôt dans le métallique, l’industriel et la trap, tandis que Loki est assez ouvert et fait pas mal d’instrus.

Unidivers : Comment te comportes-tu sur scène pour celles et ceux qui ne te connaissent pas encore ?

Reta : Sur scène, c’est pire que tout. J’ouvre les vannes. Il y a des jours où je suis très calme (comme aujourd’hui, ndlr) mais la plupart du temps, je suis à l’envers. Ça m’arrive d’enregistrer en soirée. Quand je peux faire des enregistrements de nuit, c’est encore mieux. Je suis un gars qui vit la nuit, j’aime la fête. La nuit, c’est une autre ambiance. La journée, c’est tout de suite plus sérieux. J’aime me relâcher la nuit. Le prochain clip devrait être tourné de nuit…

Unidivers : Quel type de public te suit ?

Reta : J’ai un public qui va de 0 à la mort (rires). En général, ce sont des gens qui aiment le rap. Il y en a pas mal qui ont aussi un côté punk. Il y a des marginaux sur Rennes qui écoutent mes sons. Il y en a un qui m’a dit : « je me suis abonné à ta chaîne », alors que le mec vit dans la street (rires). Je sais qu’il y a des gens qui sont à fond dans le rock’n’roll et le métal et qui adorent ce que je fais. C’est marrant de ramener des gens dans le rap alors qu’ils ont des univers différents. Il y a deux semaines, on a joué à Angers, les gens étaient à bloc, on a quasiment fait une heure de show où ça jumpait à fond. Quand on se déplace, les gens sont intrigués. Ils viennent toujours me voir après un concert. On boit des coups, je sors mon enceinte et ça part en freestyle.

Unidivers : Comment as-tu l’habitude de travailler un son ?

Reta : Généralement, au feeling. On nous envoie des prods. Quand il y en a une qui plaît, on se la passe jusqu’à ce qu’il y ait un truc qui vienne. On a tout un stock d’instrus, j’en ai une bonne centaine, donc il faut trier ça, mais ce n’est pas simple, car elles sont toutes bien. En ce moment j’écoute, je trouve un titre qui m’amuse et qui va me donner une direction. Après, je creuse et je fais deux fois des yaourts, c’est-à-dire que je chantonne sur de l’instru. Et je réécris par-dessus. La plupart du temps, j’écris directement, étant donné que je fais aussi de l’impro. Parfois, je me prends une liste de mots et un vocabulaire bien précis avec lesquels je vais jouer pour essayer de faire des multi-syllabiques. J’en ai une dans Gotham Ville. Ça donne : « perso chuis lourd comme un diplodocus et tous les soirs j’tise comme dix clodo russes ».

Facebook de Reta

Photos : couverture, Laura Parize ; 1ère, Jean Adrien Morandeau ; 2nde, Rita

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Timothy Gaignoux
Timothy Gaignoux est journaliste spécialisé en culture musicale.

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