Depuis le 22 septembre dernier est disponible sur Youtube le clip du titre King of Sea de Kwoon, entièrement filmé au phare du Tévennec. Retour sur la carrière d’un compositeur vagabond et rêveur qui dessine son univers musical au gré des voyages.

Faire le portrait d’un artiste, c’est parfois comme écrire le synopsis d’un roman. L’ouvrage dont il est ici question coche d’ailleurs toutes les cases d’un bon vieux livre d’Heroic Fantasy, à commencer par son personnage. Non, le héros de cette épopée n’est pas un chevalier, c’est un barde. Celui-ci n’a pas de lance ou d’épée, mais est simplement armé d’une guitare Fender Telecaster, de même qu’il ne revêt pas une armure, mais un attirail de pédales stéréo et a pour seul compagnon non pas un fidèle destrier, mais un drone qui l’accompagne durant ses péripéties. Il faut ensuite présenter les décors : des falaises indomptables dominant des terres arides, des volcans majestueux ou encore un sinistre phare livré aux tumultes de la mer… Des paysages légendaires, dignes de l’imaginaire d’un Lovecraft ou d’un Tolkien, qui servent de toile de fond à un récit fantastique, celui d’un compositeur devenu aventurier, qui animé par une soif de découverte et un brin de folie, a quitté son studio pour partir à la conquête de terres inexplorées.

Voici en quelques mots le résumé de l’odyssée de Kwoon, de son vrai nom Sandy. En pleine errance onirique, le musicien baroudeur nous fait le plaisir d’une halte, le temps pour lui de nous raconter son histoire et de présenter le dernier chapitre d’une aventure qui sonne comme une invitation au voyage.

KWOON, live solo volcano
Sandy Lavallart, aka Kwoon.

Au commencement, il y avait un garçon nommé Sandy Lavallart, qui comme beaucoup d’autres jeunes fut séduit par les hurlements rebelles des Red Hot Chili Peppers, Nirvana et autres Rage Against The Machine. Ayant trouvé dans le Rock un refuge autant qu’un exutoire, l’adolescent se décida à apprivoiser lui-même le manche d’une guitare pour commencer à jouer avec quelques potes. Progressivement, cet autodidacte parvint à se forger un univers bien particulier, teinté de rêve et de mélancolie, qu’il décide de concrétiser en fondant Kwoon.

Le groupe, qui s’inscrit dans la lignée du post-rock britannique façon Mogwai ou Explosions in the Sky, sort en 2006 un CD intitulé Tales&Dream. Bien plus maîtrisé que les premiers balbutiements d’un groupe en pleine éclosion, Tales&Dream est un projet audacieux et affirmé, qui se démarque notamment grâce au travail fourni autour de ses visuels. Kwoon fit d’ailleurs appel à l’artiste Yannick Puig pour animer le clip de son titre I lived on the Moon (qui totalise aujourd’hui près de 1,7 millions de vues sur Youtube). Un premier succès qui permet au groupe d’entreprendre des tournées aux quatre coins de l’Europe et qui lui donne de l’élan pour un second album, When the flowers were singing (2009), ainsi qu’un EP, The Guillotine Show (2011).

Sandy Lavallart aka KWOON

Des premières années encourageantes donc, mais aussi éreintantes avoue le leader de Kwoon, qui doit articuler le rythme de vie effréné de musicien amateur dans un groupe en plein décollage et son activité professionnelle de développeur Web. Désirant aller de l’avant, il décide de faire de sa passion un métier et devient musicien à plein temps. Sandy entame alors une carrière de compositeur solo, en travaillant notamment pour des publicitaires ou des productions documentaires. Une parenthèse de quelques années pour Kwoon qui finit par sortir de son sommeil il y a environ un an.

Ce réveil du groupe, l’artiste a choisi de le marquer du sceau du voyage. Se présentant lui-même comme un musicien-baroudeur, Sandy voue un véritable culte à la nature. Une passion pour l’exploration qu’il nourrit en partant régulièrement en vadrouille et qu’il souhaitait partager à travers son univers musical. L’idée d’organiser des sessions live dans des lieux insolites se mit alors à germer dans la tête de ce rêveur.

KWOON CORONA
Première série de live, ici sur le volcan la Corona.

Intitulé LIVE SOLO, le projet débute il y a un an, lorsque Sandy part seul sur l’île de Lanzarote dans les Canaries pour une série de trois concerts sur trois spots fabuleux : les falaises de Famara, le volcan la Rilla et le volcan Corona (pure coïncidence nous assure Sandy). Le but de cette escapade : offrir une expérience musicale ET visuelle en utilisant un drone pour immortaliser des moments de communion entre l’artiste et les paysages qui lui servent de scène. Le rendu est époustouflant. L’écoute fait l’effet d’un envol, le visionnage est comme une plongée en apnée. La musique éthérée de Sandy épouse avec élégance les formes de ces décors lunaires. Bien plus que de vulgaires clips visant à s’approprier des panoramas pour mettre en scène un univers musical, c’est une véritable ode à la nature que nous propose Kwoon avec ce triptyque. Un témoignage d’humilité face aux immensités sauvages, une façon de rappeler « que nous ne sommes rien », comme le dit si justement Sandy.

Ce périple sur les terres volcaniques de Lanzarote ne parvint pas à étancher la soif de découverte de cet infatigable aventurier. Toujours avide de nouveaux défis, Sandy a décidé de quitter les terres volcaniques de l’île des Canaries pour mettre le cap vers le bout du monde… un pays (pas si lointain) aussi appelé Finistère.

Coincée entre terre et mer, la Bretagne est évidemment un lieu de tournage prisé où bien des artistes se sont déjà essayés. Quelques vieilles maisons nappées d’ardoises jonchant un bras de mer, des plaines battues par le vent, un coucher de soleil sur un morceau de plage de galets, et le tour est joué…Trop facile et surtout pas assez audacieux pour notre tête brûlée qui n’a rien trouvé de mieux que de s’attaquer à un phare maudit perdu au milieu des flots. Cet endroit sinistre, c’est Tévennec, un purgatoire dressé sur un rocher au large de la Pointe du Raz, qui plus est réputé hanté. Témoin de nombreux naufrages, le Tévennec aurait en effet laissé plusieurs de ses gardiens sombrer dans la folie. Pas de quoi intimider Sandy. Bien au contraire. Ce monstre de pierre aux allures de seigneur des mers déchu lui inspira même le titre de cette nouvelle aventure : King Of Sea.

PHARE TEVENNEC
Le phare du Tévennec, érigé sur un rocher dans le Raz de Sein.

Comparé à Tévennec, les falaises et volcans de Lanzarote étaient une partie de plaisir. Après s’être fait recalé par les autorités responsables de l’accès aux phares dans le Finistère, Sandy, pourtant difficile à décourager, se résolut même l’espace d’un instant à abandonner son projet. C’était sans compter l’aide de Marc Pointud, président de la Société Nationale pour le Patrimoine des Phares et Balises. Presque aussi imposant que le phare lui-même, ce vieux loup de mer amoureux du Tévennec, pourtant totalement étranger au monde du post-rock expérimental, accueilli le projet de Sandy à bras ouverts. Une fois trouvé un guide, qui va devenir un personnage central dans ce récit, reste à affronter la mer. Le débarquement est d’abord prévu pour juin, mais est avorté à cause des caprices de la météo. Une seconde date est fixée pour le mois de juillet.

Cette fois-ci c’est la bonne. Embarqués sur un zodiac, Sandy et Marc se lancent à l’assaut du Tévennec. Mais le colosse ne se laisse pas faire, et le rocher qui lui sert de piédestal est difficile d’accès. Malmenés par la houle, le bateau finit par accoster laborieusement pour débarquer les deux hommes, puis repart vers la côte. Après un rapide tour des lieux, Sandy grimpe au sommet du phare, installe son matériel, met son drone en route, et commence à jouer…

KWOON
Kwoon prêt à enregistrer en haut du Tévennec.

Comme les précédents live, King of Sea est empreint d’une finesse qui depuis ses débuts fait la force de Kwoon, mais ici, l’artiste semble atteindre un équilibre singulier entre élévation et immersion. La musique est toujours aussi planante et aérienne, mais porte également en elle quelque chose de sombre et d’abyssale, tel le chant scintillant d’une épave perdue au fond de la mer. Une atmosphère à la fois grave et légère qui entre évidemment en résonance avec ce lieu chargé d’histoire. Une véritable osmose entre Sandy et le monstre, qui se remarque aussi à travers une place plus importante accordée au chant. C’est comme si Kwoon était plus familier avec ce nouveau panorama, et qu’en retour ce dernier lui parlait plus, ou plutôt le faisait plus parler. Les paroles de King of Sea sont d’ailleurs significatives, au-delà d’un hymne à la puissance de la nature, les trois couplets du morceau sont comme une prière, celle d’un marin qui, devant l’implacable destin, se prosterne une dernière fois devant le roi de la mer. Les quelques minutes de trans sont immortalisées par le petit drone qui gravite autour du phare tel un satellite.

Il ne faut pas oublier que derrière le clip, il y a un aventurier qui désire s’imprégner autant que possible de l’atmosphère du lieu. Une fois le live terminé, Sandy ne plie pas bagage. Il se prépare à passer une nuit au Tévénnec, le temps pour lui de se laisser bercé par les chuchotements du phare, et par les histoires de marins racontées par Marc. Le lendemain, ce dernier l’attend sur la terrasse. Fumant sa pipe en contemplant l’horizon rougi par l’aube, et sans même le regarder, il salue le musicien d’une voix grave et chaleureuse : « Ça va Sandy ? ». Il est temps de rentrer.

Comme les précédents voyage, ce périple épuisant au Tévennec aura eu pour effet de donner toujours plus d’élan à Sandy qui n’arrête pas de rêver. Il parle des Alpes, de montgolfières… D’autres projets totalement fous dans la continuité des sessions live solo sont donc à prévoir dans les prochains mois. En outre, une version radio du titre King of Sea devrait voir le jour très prochainement. À cette occasion, le morceau sera retravaillé en collaboration avec Mathias Malzieu, leader de Dionysos, ainsi que les autres membres du groupe. L’aventure ne fait que commencer et Sandy continue à rouler sa bosse.

KWOON
Sandy aux côtés de Mathias Malzieu et Elisabet Maistre, membres du groupe Dionysos.

Si vous souhaitez vous envoler avec Kwoon, les titres sont disponibles sur Spotify, Deezer, Youtube et Youtube Music. Vous pouvez également suivre les aventures du groupe sur Instagram et Facebook.

Sandy souhaiterai également remercier Marc Pointud, sans qui cette aventure au Tévennec aurait été impossible, et surtout pour sa dévotion à la préservation du patrimoine des phares et balises en Bretagne.

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