Naguère, alors que les rassemblements étaient encore de coutume, le polytechnicien, auteur, enseignant, Jean-Marc Janvovici a tenu une conférence dans les locaux de Sciences Po Rennes. L’intitulé de celle-ci ? « La politique à l’heure du monde fini ». Parce que ce sujet semble trouver résonance au regard de la situation actuelle, Unidivers vous propose de revivre les différentes réflexions abordées par cet expert du climat et de l’énergie.

Jean-Marc Jancovici

Réunions diplomatiques

« Faisons une expérience : regardons comment évolue la cause du problème en ce qui concerne le changement climatique, c’est à dire la quantité de gaz à effet de serre et en particulier de CO2 que l’on trouve dans l’atmosphère. Et regardons en parallèle si le fait de réunir les pays une fois par an pour discuter a un effet ou pas, sur l’évolution du changement climatique. »

Ci dessous, la courbe rouge représente l’évolution de la concentration atmosphérique en CO2 depuis 1962 et les points bleus marquent les dates auxquelles les différents pays se sont réunis pour prendre des décisions liées au changement climatique.

On peut donc y lire que de 1962 à 2020, la concentration atmosphérique en CO2 est passée de 318 ppm (partie par million) par m3 à plus de 400 ppm par m3 d’air.

Alors que dans le même temps, différentes réunions ont pris place :

  • 1995 : COP 1 – ratification de la Convention Climat (perçue apparemment comme un véritable succès).
  • 1997 : Le protocole de Kyoto visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre (perçu également tel un gros succès).
  • 2009 : Conférence de Copenhague sur les changements climatiques (reçu cette-fois comme un échec cuisant ).
  • 2015 : Conférence sur les changements climatiques (encore un gros succès… apparement !). 
    Jean-Marc Jancovici

Pour Jean-Marc Jancovici, l’inutilité de ces réunions est explicite à la vue de cette courbe qui ne matérialise rien d’autre qu’une augmentation constante du CO2 dans l’air. « On pourrait très bien supprimer ces rendez-vous demain matin, ça ne changerait absolument rien. Les discussions internationales n’ont pour le moment aucun effet sur la manière dont les choses se déroulent », déduit l’ingénieur.

Un problème irréversible 

« Le problème que nous sommes en train de créer est particulièrement ennuyeux : il est totalement irréversible à l’échelle d’une voire plusieurs vies humaines. Chimiquement parlant, le CO2, en plus d’être un gaz à effet de serre qui absorbe les infrarouges terrestres, a une caractéristique particulière : il est chimiquement éternel. Les oxydes sont des molécules qui sont extrêmement stables sur terre. Si vous ne leur amenez pas d’énergie pour changer de forme, elles restent sous forme d’oxyde éternellement. La seule manière qu’a le CO2 pour sortir de l’air c’est soit qu’il se dissolve dans l’océan, soit qu’il soit repris par la végétation. »Jean-Marc Jancovici

 

Ainsi, à cause de cette très grande stabilité chimique du CO2 dans l’atmosphère, même si nous arrêtons instantanément d’émettre, un surplus de dioxyde de carbone perdura dans l’air pendant de nombreuses années : « Un siècle après que l’on ait arrêté d’émettre, 40% du CO2 présent dans l’atmosphère sera toujours là. Un millier d’années plus tard, 20% et dix mille ans après, 10% persistera.» 

«Le problème que nous sommes en train de créer aujourd’hui est un problème qui ne permettra jamais au climat de revenir à la normale du temps de la civilisation humaine. Malheureusement aujourd’hui, nous n’avons pas l’habitude de réfléchir à des problèmes qui s’échelonnent sur beaucoup plus longtemps qu’une vie humaine alors qu’avec le changement climatique nous avons affaire à quelque chose qui va s’étaler sur des siècles et des millénaires.» – Jean-Marc JANCOVICI

 

Propriétés du CO2 

Du fait de son opacité, le CO2 a la propriété d’intercepter les infrarouges émis par la surface de la planète. Les infrarouges sont des rayonnements électro-magnétiques qui présentent des longueurs d’onde plus importantes que la lumière et donc, notre œil ne peut pas les voir.

Jean-Marc Jancovici

Cette caractéristique du CO2, force la chaleur émise par la planète à rester près du sol. Un peu comme si la Terre se munissait d’une couverture. Ainsi, plus la quantité de CO2 dans l’atmosphère augmente, plus la température de la planète fait de même.

Scénarios futurs 

Jean-Marc Jancovici

Jean-Marc Jancovici a présenté un graphique du même acabit lors de sa conférence. Sur celui-ci, toutes les courbes de couleur représentent ce qu’il pourrait se passer dans les années à venir en fonction du scénario d’émissions suivi.

Selon l’expert en énergie, deux choses importantes sont à retenir de ce schéma : « Premièrement, peu importe le scénario choisi, une élévation des températures est à prévoir. Ensuite, vous remarquerez que pour les 20 prochaines années, l’évolution est totalement indépendante du scénario choisi. Oui, totalement indépendante. C’est la conséquence directe de la très grande inertie du CO2 une fois dans l’atmosphère ». 

« Quelques soient les efforts que nous commençons à faire aujourd’hui concernant la baisse des émissions, la dérive climatique des 20 prochaines années sera la même. » J.M JANCOVICI

Quelques conséquences de la hausse de la température planétaire 

« Il ne faut pas croire que 4°C de réchauffement c’est seulement quatre fois plus grave que 1°C. Les humains fonctionnent souvent à partir de raisonnements linéaires et proportionnels alors que malheureusement en physique, ça ne fonctionne pas comme cela. Prenez votre propre corps à titre d’exemple, si je monte votre température interne de 1° vous serez un peu patraque alors que si je la monte de 5°, vous serez morts.», explique l’ingénieur avant de détailler les conséquences de la hausse de la température de la planète.

  • Conditions extérieures létales : avec un réchauffement de 4°C (ce qui est envisageable d’ici une quarantaine d’années selon le schéma ci-dessus), certaines zones (essentiellement autour de la bande équatoriale) vont afficher des jours avec des conditions extérieures létales. Et ce parce que la température du corps ne pourra plus être régulée en transpirant car l’air sera saturé d’humidité. Des morts par hyperthermie seront donc à prévoir.
  • Précipitations : avec un réchauffement de 2°C, ce qui est très proche de la situation actuelle, les précipitations vont s’amoindrir et donc, de nombreuses zones comme l’Afrique du Sud, l’Australie du Sud-Ouest et l’Amazonie, subiront des sécheresses récurrentes. Le pourtour du bassin méditerranéen, Bretagne y compris, sera lui aussi particulièrement touché par la sécheresse.
  • Le rendement des cultures va baissé également. Des signes avant-coureurs signalent d’ores et déjà cette conséquence. L’année dernière, la récolte de pommes de terre a déjà baissé de 40 % et l’année d’avant, celle du blé de 20 %. De plus, comme la croissance démographique ne va qu’en s’amplifiant, la surface cultivable par personne ne va elle qu’en diminuant.

Aujourd’hui, c’est grâce a l’énergie abondante que nous avons les moyens de suppléer aux problèmes locaux, notamment en allant chercher les ressources ailleurs et en les transportant.

  • Ouragans : pour des raisons physiques, les ouragans vont s’intensifier. Le réchauffement climatique augmente la température près du sol en confinant les rayonnements émis par la planète mais corrélativement, la stratosphère n’est elle pas réchauffée et donc, les différences de température entre le sol et les hautes atmosphères augmentent. Cela entraîne les pompes convectives à se mettre en route et ce sont elles qui déclenchent des phénomènes extrêmes comme les orages, les tornades et les ouragans.
Jean-Marc Jancovici
Dessinateur : Oli / 20.09.2017
  • Acidification des océans : lorsque l’on rajoute du CO2 dans l’océan, celui-ci s’acidifie. Quand l’eau est acide, toutes les petites bêtes qui ont besoin de synthétiser du calcaire dans l’eau, comme le plancton qui synthétise des petites coquilles, auront des difficultés croissantes à le faire. Progressivement, certaines espèces vont mourir parce qu’elles ne pourront plus le faire du tout.
  • Épidémie : le changement climatique augmentera la fréquence avec laquelle des bestioles inédites verront le jour. Quand vous chauffez le « bouillon de culture », vous favorisez forcément la vitesse à laquelle ce qu’il y à l’intérieur se multiplie et mute.

Bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive. Il y aura forcément des surprises, des choses qui ne peuvent pas être prévues à l’avance. Selon Jean-Marc Jancovici, « plus le changement climatique deviendra intense, plus nous serons désemparés et pris de court par des processus que nous n’aurons pas anticipé ». 

Les + 1,5°C forcément dépassés 

Aujourd’hui, plus de 2250 milliards de tonnes de CO2 sont présentes dans l’air. Ce chiffre nous garantit que les 1,5°C de hausse ne pourront pas être évités, quoi qu’il arrive, même si nous arrêtons d’émettre instantanément aujourd’hui.

Si nous voulons limiter la hausse à 2°C d’ici la fin du XXIème siècle, nous devons resteindre les émissions à 3000 milliards de tonnes de CO2.

« Autrement dit, sur les 80 ans qu’il nous reste d’ici à 2100, nous avons le droit d’émettre le tiers de ce que nous avons déjà émis sur les 80 ans qui viennent de s’écouler, alors que nous sommes en moyenne deux fois plus nombreux….»

Comment faire ? Regardons tout d’abord de quoi se composent les émissions planétaires…

D’où proviennent les émissions ? 

Jean-Marc Jancovici

20 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent des centrales à charbon. Les centrales électriques utilisent du charbon parce qu’elles fonctionnent comme de grosses bouilloires : elles font bouillir de l’eau pour faire de la vapeur à haute pression et cette vapeur à haute pression fait tourner une turbine qui entraîne un gros alternateur qui lui, produit de l’électricité. 40% de cette vapeur sur la planète est faite en brûlant du charbon.

Jean-Marc Jancovici

♦  7% des émissions sont dues aux centrales électriques à gaz et à fioul.

♦  6% des émissions ce sont les cimenteries pour servent notamment à construire des logements, des routes, des ponts, des infrastructures et des stations d’épuration.

11% des émissions viennent du reste de l’industrie, en particulier des chaudières et des fours. Dans ses 11%, 4 % servent à faire de l’acier. Produire de l’acier et du ciment représente donc 10% des émissions planétaires. En d’autres termes, construire des logements c’est générer énormément d’émissions

14% des émissions dans le monde sont dues aux transports : 6% pour les voitures, 4% pour les camions et 2 et 2% pour les avions et les bateaux.

« On peut déjà remarquer ici que les centrales à charbon dans le monde sont un plus gros problème climatique que la totalité des moyens de transport et que les seules cimenteries sont elles, un plus gros problème que les voitures. », soulève l’expert en climat.

20% des émissions viennent de l’agriculture. Une partie provient des rizières : celles-ci fonctionnent comme des marécages artificiels dans lesquels les débris organiques se décomposent et donc ceci occasionne des émissions de méthane, un gaz à effet de serre. Les élevages bovins engendrent également des émissions de méthane et les épandages d’engrais provoquent eux aussi des émissions de protoxyde d’azote.

10% des émissions planétaires correspondent à la déforestation, due à la croissance démographique et à l’augmentation de la part carnée dans l’alimentation.

Reste : traitement des déchets, fluides réfrigérants, etc.

Alors voilà, pour limiter le réchauffement climatique à 2°C de hausse, il faut diviser ces émissions par 3 dans les années à venir. Alors, par quoi commencer ? Pour Jean-Marc Jancovici la réponse est toute trouvée. 55 à 60% des émissions planétaires proviennent de la production d’énergie (notamment des centrales), c’est donc par là, selon lui, qu’il faut ouvrir le bal !

Un monde de machines 

Jean-Marc Jancovici

Abandon des énergies renouvelables. « Imaginions que vous preniez deux fois le volume d’air de cette salle, que vous le propulsiez à 80 km/h et que vous fassiez passer ce vent dans une éolienne. En terme d’énergie, vous en obtiendrez autant que ce qui est contenu dans la combustion de 3 ml de pétrole. Si nos ancêtres sont passés au charbon puis au pétrole, c’est simplement parce que ce sont des énergies puissantes et disponibles à tout moment. C’est donc pour une raison physique que les énergies fossiles ont été adoptées, et vous ne changerez pas la physique par un vote à l’Assemblée Nationale ».

Énergie abondante. « Les énergies mécaniques nous fournissent donc des quantités d’énergie incommensurables. Par exemple, si vous parcourez plus de 4000 mètres de dénivelé pendant une dizaine d’heures, vos jambes produiront la même quantité d’énergie que la puissance absorbée par une grosse ampoule pendant 10 heures aussi. Si vous prenez un mixeur à soupe, au moment où vous appuyez sur le bouton, c’est comme si quatre cyclistes se mettaient à pédaler pour vous. Vous appuyez sur le bouton de l’ascenseur ? 50 cyclistes se mettent à pédaler dans la cave. Vous prenez l’avion ? Un million de jambes pédalent pour vous, etc ». 

« L’énergie abondante a permis de mettre au travail à notre place une armée d’esclaves mécaniques ! »

Des machines au quotidien. « Pour vous habillez, vous mettez à votre profit des dizaines de milliers de machines. Par exemple, lorsque vous enfilez un sous-vêtement en coton, vous mobilisez tout d’abord le machinisme agricole qui a permis de planter, d’irriguer et de récolter le coton. Si vous avez des sous-vêtements en synthétique, vous mobilisez toutes les industries pétrolières parce que tous les synthétiques sont dérivés de la pétrochimie. Pour tisser et transporter vos vêtements, des dizaines de machines travaillent également pour vous. Lorsque vous vous lavez les dents, vous faîtes là aussi fonctionner l’une des plus grosses usines chimiques de France. Il s’agit d’une amidonnerie dans laquelle l’amidon est extrait du maïs et est utilisé entre autres, pour donner un goût sucré au dentifrice. »

https://www.dailymotion.com/video/x2zupar

« L’énergie produite est donc en premier lieu utilisée par les machines. l’énergie c’est des «croquettes» pour machines. Et ces machines à qui nous donnons des ordres, elles ont permis de multiplier la puissance musculaire par 200 dans le monde et par 600 en France. Autrement dit, le Français moyen vit comme s’il avait 600 esclaves à son service 24h/24. »

Et ces croquettes pour machines sont fabriquées à base de pétrole, de charbon, de gaz, d’hydroélectricité, de biomasse et de nucléaire. En France, ce sont les combustibles fossiles qui sont majoritairement utilisés. Et c’est donc à ces « croquettes pour machines » que nous devons plus de la moitié des émissions de CO2. 

Quand abondance de machines rime avec croissance 

« Avant le début de l’ère industrielle, il est aisé de remarquer que la croissance est très faible. Celle-ci démarre en premier en Grande-Bretagne, le premier pays à avoir puiser dans ses réserves de charbon. Et puis, lorsque les combustibles fossiles apparaissent, la corne d’abondance se met en route… La même raison explique la parfaite linéarité entre la quantité d’énergie produite, soit les croquettes pour machines, soit la quantité de machines qui fonctionnent dans le monde et la production économique mondiale.

« dis-moi combien de machines tu fais travailler et je te dirai quel est ton PIB. proportionnellement parlant, pour faire plus de PIB il faudrait donc cracher plus de CO2 . tous ceux qui sont pour la maîtrise du changement climatique sont sans le savoir pour la décroissance. On ne saura pas marier la croissance économique et la baisse des émissions de CO2 à la bonne vitesse.  il va donc falloir choisir, et ce n’est pas le monde politique qui choisira à notre place. »

« Si vous comprenez bien le problème et que vous souhaitez réellement faire reculer le changement climatique, l’histoire nous montre clairement que cela ne peut pas se faire dans un système totalement ouvert et libéral où chacun fait ce qu’il veut, comme aujourd’hui. À mon sens, il va falloir choisir nos priorités et si l’une de nos priorités est le réchauffement climatique, il va falloir réfléchir à un monde où vous n’avez plus le droit de prendre l’avion quand ça vous chante, de manger de la viande à tous les repas, etc. On va devoir choisir entre le fait de nous contraindre tout de suite ou bien, nous allons être progressivement contraints à nos dépends par les conséquences de ce que nous sommes en train de faire ! » s’indigne Jean-Marc Jancovici.

« Rappelez-vous également qu’en démocratie, les représentants que nous avons élu ne sont que des exécuteurs testamentaires qui arbitrent les pressions qu’ils reçoivent.  Si le peuple continue de leur envoyer des pressions contradictoires, c’est-à-dire vouloir à la fois son pouvoir d’achat et à la fois que l’état s’occupe du climat, le gouvernement n’abritera qu’en faveur de la demande qui a le plus de votants. Et malheureusement aujourd’hui, le besoin immédiat prend le pas sur le besoin de long terme et donc, le gouvernement ne gère pas le long terme. », poursuit le spécialiste.

« Et souvent, quand les représentants du pouvoir prennent des décisions, ce n’est pas toujours très juste. Il n’y a pas si longtemps, on pouvait lire sur le site du gouvernement : “ Nous fermons la centrale de Fessenheim pour rendre le Bas-Rhin exemplaire en matière de carbone.” Alors que le nucléaire ne produit aucune émission de CO2… À partir de cet exemple emblématique je peux développer plus largement : lorsqu’un gouvernement est pris au dépourvu et est sommé de passer à l’action sur un problème qu’il n’a pas compris, la probabilité qu’il fasse quelque chose d’intelligent est quasi nulle.», rappelle l’ingénieur qui ne cache pas être largement pro-nucléaire, une matière drastique selon lui de réduire les émissions de CO2.

Questions du public 

  • Que pensez-vous de l’énergie de fusion. À supposer que nous la maîtrisions d’ici 30 ans et qu’à partir de 2050 nous pourrions y avoir accès comme une énergie abondante et pas chère ?

« À mon avis , la fusion c’est quelque chose qui est beaucoup trop loin en terme d’échéance. Par exemple, ITER est un projet qui aujourd’hui ne sert qu’à vérifier que l’on peut retirer un peu plus d’énergie de la fusion du plasma plutôt que de la chauffe du plasma. Pour le moment, ITER est un mécanisme qui pourra produire de l’énergie seulement pendant quelques minutes alors qu’une centrale électrique industrielle doit fonctionner des milliers d’heures. Avant 2080, l’énergie de fusion ne pourra pas être utilisée à grande échelle. Si je prends un parallèle de marin : quand la tempête arrive, vous faites avec les moyens du bord. Aujourd’hui, la tempête est déjà sur nous, l’essentiel de l’effort doit être fait avec des choses qui sont déjà disponibles sur l’étagère. »

  • Si demain vous aviez carte blanche et que vous pouviez accéder au gouvernement, quelles sont les cinq mesures que vous prendriez en priorité ? Êtes-vous dans la même lignée que Monsieur Yves Cochet qui prône l’idée que nous sommes en temps de guerre ?

« Je pense qu’Yves Cochet a totalement raison lorsqu’il affirme que pour résoudre le problème du réchauffement climatique, il est nécessaire de rentrer dans un système malheureusement plus contraint. Mais attention, toutes les contraintes ne sont pas équivalentes. Je pense qu’empêcher des gens de partir en vacances en Russie ou aux Seychelles ce n’est vraiment pas grave, alors que les empêcher de manger c’est un peu plus embêtant. 

Si j’arrivais au gouvernement, cela présuppose un implicite très important : que la majorité de la population ait compris le problème du climat est la priorité. Alors je vais vous donner quelques pistes de travail mais il n’y a pas forcément de hiérarchie. 

Tout d’abord, il y a un énorme chantier à faire sur l’aménagement du territoire. Mon sentiment c’est qu’il faut progressivement faire dégonfler les villes et rendre les moyens de transport plus légers, moins rapides et plus collectifs parce qu’il faut impérativement diminuer la quantité de matières premières que nous produisons. 

Dans l’agriculture, il est absolument nécessaire de diversifier les zones agricoles pour éviter les transports intermédiaires qui ne seront plus disponibles quand le pétrole sera beaucoup plus rare. Il faudrait également développer la filière bois et adapter les forêts au changement climatique. 

Il est également évident que nous ne réussiront pas à combattre ce problème en ne retrouvant pas une sorte de de maîtrise des politiques industrielles ainsi qu’une maîtrise des échanges aux frontières. Le libéralisme tous azimuts n’est pas un modèle qui se marie avec la baisse du réchauffement climatique. Il faut nécessairement revenir à des circuits beaucoup plus locaux ».

  • Vous aviez participé à la rédaction du Pacte Écologique qui fut soumis aux candidats lors de l’élection présidentielle de 2007. Si le résultat n’est pas à la hauteur des promesses, pourquoi ne pas avoir proposé via Carbone 4 une charte de bonne conduite écologique pour les municipales, que tous les citoyens auraient pu s’approprier pour faire pression sur les candidats ? 

« Le Pacte Écologique était une initiative de la fondation Nicolas Hulot. Mais aujourd’hui je ne fais plus partie de l’écurie de campagne de Hulot. En revanche, avec le Shift Project nous avons travaillé sur la mobilité du quotidien. Nous avons sorti un guide pour suggérer aux gens comment passer d’une personne seule dans sa voiture à n’importe quoi d’autre.

Prochainement, nous allons nous pencher sur la question des chantiers industriels en réfléchissant comment les industries pourraient fonctionner en produisant trois fois moins de ciment, trois fois moins d’acier et trois fois moins de plastique ». 

  • Que répondriez-vous à un climatosceptique pour le faire changer d’avis ? 

« Rien. Un climatosceptique ne change pas d’avis parce que souvent, sa motivation est une rente. Il peut s’agir d’une rente de réputation; par exemple, plusieurs scientifiques sont devenus climatosceptiques parce qu’ils étaient souvent sollicités avant le changement climatique et ne supportent pas de ne plus l’être. Ils se mettent alors à raconter des bêtises pour être certains que l’attention se porte de nouveaux sur eux. Aux États-Unis, de  nombreux climatosceptiques le sont pour des raisons religieuses : ils ne comprennent pas pourquoi il faudrait s’atteler à changer ce que Dieu a conçu pour nous ». 

  • Êtes-vous de ceux qui pensent qu’il faut contrôler la natalité pour freiner le réchauffement climatique ? 

« Je pense que c’est un débat très compliqué mais qu’il est important d’en parler. Une chose est sûre : si nous aidons les pays en voie de développement sur trois projets en particulier à savoir, la sécurité au quotidien, la condition des femmes et la contraception, la natalité se régulera naturellement. »

  • En France, pourquoi le nucléaire ne se substitue pas entièrement aux énergies fossiles afin d’éviter les émissions ? 

« Le problème en France c’est que le hiatus entre les dangers réels du nucléaire et ce que les gens en pensent est beaucoup trop élevé. Par exemple, les Français sont beaucoup plus inquiets par les déchets nucléaires que par le taux d’obésité chez les jeunes ou les accidents domestiques. Pour que le nucléaire se substitue aux énergies fossiles, il faudrait donc un changement drastique des mentalités en France. » 

Jean-Marc Jancovici

Site Jean-Marc Jancovici 

Page Facebook Jean-Marc Jancovici 

Julie Pialot
Julie Pialot a suivi des études de Lettres Modernes. Pendant une année d'ERASMUS à Pondichéry (Inde), elle a rédigé un mémoire sur la littérature de voyage en Orient, avant de compléter sa formation à l'école de journalisme de Marseille. Passionnée de voyages et de nouvelles découvertes, c'est en Bretagne, son choix de coeur, qu'elle a choisi de mettre en valeur les initiatives culturelles locales.

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