À fleur de peau incarne la nouvelle exposition d’été qui va rafraîchir la vie culturelle de Brest. Prenant place au centre d’art contemporain Passerelle, l’exposition invite une myriade d’artistes de renommée internationale, en nous interrogeant sur la ville et l’influence de son urbanisme sur nos corps et nos esprits. Visible jusqu’au 17 septembre 2022, tout comme le sont les deux autres expositions également disponibles : la correspondance transatlantique de Twin Islands, et Les Forces heureuses de la jeune artiste bretonne Céline Le Guillou.

A fleur de peau
La fresque « Perfection is a lie so play with it » de Marilou Poncin, réalisée tout spécialement pour Passerelle.

Au départ conçue dans le cadre de la candidature de Brest pour être élue capitale européenne de la culture 2022, l’exposition À fleur de peau a pour thème la métamorphose, et en particulier celle de la ville. À travers une douzaine d’artistes, le directeur du centre d’art Passerelle, Loïc Le Gall, nous invite à explorer comment la ville et son architecture modifient nos comportements et notre psyché.

A fleur de peau
Écrans télés, peintures, W.C., calendriers et autre bric-à-brac jonchent le sol du quartier Gobélé, seuls vestiges d’une histoire que raconte François-Xavier Gbré dans l’exposition À fleur de peau.

Parmi les œuvres exposées, une bonne partie d’entre elles attestent des problèmes de gentrification. Mention spéciale pour le témoignage rare de François-Xavier Gbré, qui relate la destruction entière de Gobélé, un quartier d’Abidjan. Non-dit de la capitale ivoirienne, les journalistes ont évidemment été écartés par des forces de l’ordre implacables, alors qu’une résistance du quartier était prête à en découdre… Là où résidaient cent mille habitants depuis les années 70 ne reste plus que des débris, que le photographe, à la manière d’un archéologue, extrait des décombres dans ses clichés. On retrouve aussi quelques bandes sonores au casque, d’interviews des anciens résidents deux mois après leur expulsion forcée. L’humour et la dérision tentent de prendre leur revanche sur la violence, signe que les ivoiriens trouvent la force d’avancer malgré tout.

A fleur de peau
Entre yeux de Bouddha et masque d’entraînement pour apprentie esthéticienne, les images de Marilou Poncin oscillent entre plusieurs registres.

Au rang des pièces qui nous ont tapé dans l’œil figure un court-métrage de Rayane Mcirdi. À l’heure du projet Grand Paris, son documentaire “Le croissant de feu” est d’une actualité brûlante ! Le réalisateur retrace l’histoire des Mourinoux, à Gennevilliers (92) où le bloc le plus important du quartier, Les Gentianes, a été abattu. Le quartier meurtri, le moral de ses habitants aussi. Ce sont eux qui en parlent le mieux, alors la caméra les filme au cours de discussions décousues. Le sentiment d’être dépossédé de son quartier ou de pouvoir être expulsé du jour au lendemain plane mélancoliquement. Certains se disent que l’avenir est ailleurs. Faut-il revenir aux sources ou s’évader à l’étranger ? En fin de compte, l’attachement au quartier est bien réel. Un ressenti masculin que ne partage peut-être pas autant la gente féminine et encore moins leurs parents. Un fossé générationnel où l’incompréhension se fait sentir et qui fait du film de Rayane Mcirdi une œuvre complexe.

A fleur de peau
La symétrie de la peinture « La surprise », de Cecilia Granara, lui donne une symbolique assez obsédante.

Un point de vue plus onirique s’exprime dans l’installation murale de quatorze mètres de long de Marilou Poncin. Ensemble d’indices dispersés sur les murs, les photos et autres images numériques nous laissent deviner ce qui chaque nuit appelle nos corps à se travestir. Quelque chose d’artificiel, de l’ordre du fantasme, qui fait la vie nocturne des grandes villes.

On aurait également apprécié voir plus de clichés de LaToya Ruby Frazier. Sa série documentaire “Notion of Family”, propose un récit méconnu et saisissant. Celui-ci relate le quotidien de sa famille ouvrière, marqué par l’inopinée apparition de cancers. Des maladies qui, étrangement, frappent les trois quarts de la population de leur banlieue, Braddock, située à Pittsburgh en Pennsylvanie, depuis la mise en activité des usines. Aucune étude officielle n’a été menée pour étudier la coïncidence, même si pour les employés, le bénéfice du doute n’est plus permis.

A fleur de peau
Au chant de la sirène Violaine Lochu, on tourne autour d’un socle insulaire et sa faune de fétiches réalisés par Sara Bichão, dans l’exposition Twin Islands.

Enfin le centre d’art contemporain Passerelle accueille également l’exposition Twin Islands. L’association Finis Terrae, qui a pour vocation de devenir un centre d’art insulaire intervenant seulement sur des îles, est à l’origine de cette proposition. Cette année, il a envoyé l’artiste française Violaine Lochu à São Miguel, dans l’archipel des Açores pendant que son homologue portugaise, Sara Bichão, résidait au phare du Créac’h sur l’île d’Ouessant. Inspirée par le paysage, cette dernière a réalisé de petits objets à destination de sa consœur pour que celle-ci les performe. Un échange d’un mois donc, qui a donné naissance à un tourbillon d’objets chamaniques et de danses rituelles aux sons entrecroisés des chants de baleine et de sonar. Quant à l’exposition Les Forces heureuses de Céline Le Guillou, on se retrouve très vite pour un article plus détaillé à son sujet !

INFORMATIONS PRATIQUES

Les expositions À fleur de peau, Twin islands et Les forces heureuses sont visibles du 17 juin au 17 septembre 2022 au centre d’art contemporain Passerelle, au 41 rue Charles Berthelot, Brest.

Ouvert le mardi de 14h à 20h, du mercredi au samedi de 14h à 18h30. Fermé les dimanches, lundis et jours fériés.

Plein tarif : 3 €

Entrée libre le premier mardi du mois 

Entrée gratuite pour les demandeurs d’emplois, les adhérents, les scolaires individuels, les étudiants, les membres de CEA et de l’AICA.

Tél : 02 98 43 34 95

Site internet : https://www.cac-passerelle.com/

Benjamin Julienne
Métal expérimental, littérature russe, art contemporain, Yu-Gi-Oh!, chant bulgare et septième art tourbillonnent dans ma tête. J’écris principalement pour faire connaître les lieux d’exposition indépendants de Nantes.

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