Hélène Jégado

Unidivers vous propose de vous pencher sur l’anniversaire d’une naissance, qui après plus de deux siècles, fait encore frémir. En effet le 17 juin 1803, Hélène Jégado venait au monde à Plouhinec dans le Morbihan. Elle est considérée, aujourd’hui encore, comme étant la première serial killer de notre pays. Condamnée à mort, son exécution a eu lieu à Rennes, mais c’est bien dans le Morbihan au sein des presbytères et des maisons bourgeoises que la plupart de ses nombreux crimes se sont déroulés.

Hélène Jégado

Hélènne Jégado, de sa vraie identité, voit le jour le 17 juin 1803 à 3 heure du matin à Plouhinec dans le village de Kerordevin, au sein d’une famille de paysans pauvres. Elle est la fille de Jean Jégado et de Anne née Lescoët, des parents très croyants. Choyée par son père, elle est cependant malmenée et tyrannisée par sa mère. Hélène ne sait ni lire ni écrire. Très jeune, elle développe des traumatismes psychologiques dus aux légendes et aux croyances de la Basse Bretagne autour du personnage de l’Ankou, un être hideux et effrayant. Grand et squelettique, il est vêtu de noir, tient une faux dans une main et tire de l’autre main la cariole de la mort dans laquelle il entasse les âmes. Hélène est une petite fille trop souvent isolée et délaissée des autres enfants qui voit en elle une sorcière. A force de solitude, elle s’identifie à l’Ankou. Anne Jégado surnomme sa fille Fleur de tonnerre ! *Ce surnom deviendra le titre d’un film sorti en salle en 2017 et réalisé par Stéphanie Pillonca.

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A 7 ans, après la mort de sa mère, Hélène Jégado part rejoindre sa tante et devient comme elle domestique au presbytère de Bubry. Elle est bonne à tout faire, puis cuisinière. Dès l’adolescence, elle se met à boire, torture les animaux et vole le linge de maison. Cela lui vaut d’être renvoyée, le plus souvent en raison de son goût trop prononcé pour le vin. La servante change donc de place fréquemment et sillonne tout le département du Morbihan. A partir de 1833, ce ne sont pas moins de 20 maisons bourgeoises et presbytères qui l’emploient sur une période de 18 ans, à Séglien, Bubry, Guern, Auray, Ploemeur, Hennebont, Lorient, Port-Louis où elle se prostitue même, à Pluneret, Pontivy, Locminé. Partout où travaille Hélène Jégado, les gens trépassent, en commençant par le curé de Guern, ses parents, sa nièce et ses 2 servantes. Pourtant, jamais aucun soupçon ne pèse sur Hélène la cuisinière, alors qu’elle est souvent la seule survivante ! Les victimes succombent après de violentes douleurs d’estomac et de vomissements. Les décès sont imputés à la maladie même quand il y a autopsie. La plupart du temps, on met les décès sur le compte du croup pour les enfants et du Choléra pour les adultes car il sévit à cette époque en donnant des symptômes similaires à ses malades.

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Mais en 1851, elle change de département et se fait embaucher, après quelles escales en Côtes du Nord (aujourd’hui Côtes d’Armor), dans des familles en Ille-et-Vilaine.  Elle se voit employée à Rennes, au service de Maître Théophile Bidard de la Noé (1804-1877), avocat et professeur à la Faculté de droit à Rennes, il est de surcroît spécialisé dans les affaires criminelles. Il est aussi député depuis 1848 (et sera maire de Rennes en 1870). Il n’y a que quelques semaines qu’Hélène Jégado est au service de l’avocat en qualité de cuisinière, quand la domestique de celui-ci Rose Texier et sa lingère Rosalie Sarrazin tombent malades et décèdent en peu d’intervalle. Cela éveille sérieusement les doutes de l’avocat, bien que sa cuisinière ait été au chevet des deux malades jusqu’à leur mort, une habitude qu’elle emploie avec toutes ses victimes. L’avocat demande des autopsies des corps et découvre l’empoisonnement à l’arsenic. La Jégado, comme elle est appelée à ce moment-là, est arrêtée le 2 juillet 1951. A l’arrivée des gendarmes, elle crie : Je suis innocente ! Mais l’enquête fait vite le lien avec la série de morts violentes ayant eu lieu dans le Morbihan.

Hélène Jégado
Théophile Bidard de la Noé

La cour d’assises d’Ille-et-Vilaine ouvre le procès d’Hélène Jégado le 6 décembre 1851. Elle est accusée de vols domestiques, de 60 empoisonnements et de 37 tentatives d’empoisonnement. Sa méthode était simple : elle ajoutait dans la préparation de ses gâteaux ou de sa soupe de l’arsenic qui servait de mort-aux-rats à l’époque et utilisé fréquemment dans les foyers. Son procès écarte cependant 21 empoisonnements et 5 tentatives pour raison de prescription légale (qui était de dix ans à ce moment-là). Elle est condamnée à mort le 14 décembre pour avoir semé la mort partout, d’hommes, de femmes et d’enfants, de prêtres et de religieuses, sans connaître le mobile de ses crimes. Tout au long du procès, elle refuse d’avouer, alors son avocat Maître Magloire Dorange plaide la folie. Elle ne bénéficie ni de circonstances atténuantes, ni de la grâce de l’empereur Napoléon III. Cependant la veille de son exécution, elle confie son parcours criminel à l’abbé de la prison le Père Tiercelin car elle est restée dévote : Quand les parents ont peur, ils font peur aux enfants et ne peuvent plus les protéger. Je suis devenue l’Ankou pour surmonter mes angoisses. J’ai porté le deuil et la désolation dans beaucoup plus de familles. Elle demande aussi à l’abbé de faire des aveux publics après sa mort. 

Hélène Jégado 49 ans est guillotinée le 26 février 1852 à 7 heure, place du champ de Mars (aujourd’hui Esplanade Charles De Gaulle) à Rennes. Son corps est jeté dans la fosse commune du cimetière nord de la ville. Son cerveau est autopsié à la Faculté des Sciences de Rennes, mais rien de raisonnable ne donne une quelconque explication à ses actes. Les aliénistes concluront : La meurtrière était tout simplement humaine. Aujourd’hui encore, son comportement reste un grand mystère. Seules ses croyances envers l’Ankou demeurent donc une hypothèse pour avoir semé la mort sans distinction, comme lui. Elle serait devenue l’Ankou pour surmonter ses propres peurs !

La liste de ses victimes est effrayante :

Quatre personnes chez l’abbé Lorho, en commençant par lui-même, puis sa soeur Jeanne-Marie, sa nièce et son vicaire Jean-Hervé à Bubry (56) en 1833 ; Anna, son unique soeur et deux de ses tantes toujours en 1833 ;

Jeanne Le Boucher et sa fille à Locminé (56) en 1834 ; Les parents du docteur Toussaint de Locminé, sa soeur Julie et Anne Eveno sa domestique en 1835 ; La veuve Lorcy, qui tenait le café dans le bourg de locminé en 1835 ; Anne Le Corvec domiciliée à Auray (56) en 1835 ;

Jeanne-Perrine Hétet, la belle-mère du docteur Le Doré et futur maire de Auray en 1836 ; le fils de Pierre-François Jouanno le maire de Pontivy (56) : le jeune Emile Jouanno âgé de 14 ans en 1836. Le médecin avait diagnostiqué une inflammation des intestins ; monsieur Kérally à Hennebont en 1836 ; cinq marins qui fréquentaient la maison close La Sirène à Port Louis (56) où Hélène Jégado est à la fois hôtesse, cuisinière et prostituée ;

l’épouse de Mathieu Véron de Plouhinec dont Hélène Jégado avait été pour un temps la maîtresse très éprise de ce mari infidèle en 1839. Le médecin pense au choléra ;

la petite Marie Berger âgée seulement de 2 ans ½ au château de Soye à Ploemeur (56) en mars 1841; plusieurs personnes appartenant à la famille Dupuy de Lôme de Lorient (56) en 1841 ;

Albert Rabot  7 ans. Cette fois les médecins diagnostiquent le croup en 1849 ; Perrotte Macé, chez Louis Roussel, le propriétaire de l’Auberge du bout du monde à Rennes (35) en 1850 et enfin Rose Texier et Rosalie Sarrazin à Rennes, chez Maître Bidard, les dernières victimes en 1851. Hélène Jégado meurt exécutée le 26 février 1852 à Rennes.

Hélène Jégado est également soupçonnée d’avoir empoisonné : sa propre mère à l’âge de 7 ans en 1810 avec des graines de belladone (appelée aussi la plante du diable pour son poison) qu’elle a dilué dans sa soupe ; Yann Viltansou son premier amant ; et même son père en 1836…

Infos pratiques

 L’écrivain Jean Teulé a consacré un magnifique ouvrage à Hélène Jégado. Édité en 2013 aux éditions Julliard, il est titré Fleur de Tonnerre (existe aussi en Bande Dessinée)

*Le livre sera adapté au cinéma en 2016 par Stéphanie Pillonca, avec à l’affiche Déborah François dans le rôle principal d’Hélène Jégado, et avec Benjamin Biolay dans le rôle de Mathieu Véron, l’amant.

Le Musée de Bretagne à Rennes possède le masque mortuaire d’Hélène Jégado réalisé  lors de l’autopsie et de la recherche de la bosse du crime réalisées à la Faculté de médecine de Rennes.

La véritable recette du gâteau de la célèbre empoisonneuse bretonne Hélène Jégado est en vente à la chocolaterie Durand à Rennes : tous les ingrédients y sont sauf l’arsenic.

Martine Gatti
Martine Gatti est une jeune retraitée correspondante de presse locale dans le pays de Ploërmel depuis bien des années.

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